Réflexions et maximes
Publié le 10/04/2013
Extrait du document
Après une enfance provençale et austère, Vauvenargues entame une carrière militaire plutôt malheureuse. Il tentera ensuite sans succès d 'obtenir des missions diplomatiques, avant de mener une vie retirée à Paris, où il élaborera son oeuvre littéraire. L'intégralité de ses écrits ne sera publiée que plus d'un siècle après sa mort, en 1857
«
« Le plaisir le plus
délicat des âmes vaines
est de découvrir
le défaut des âmes fortes.
»
EXTRAITS
Les passions ont appris aux hommes
la raison
Je n'approuve point la maxime qui veut
qu'un honnête homme sache un peu de tout.
C'est savoir presque toujours inutilement,
et, quelquefois, pernicieusement, que de
savoir superficiellement et sans principes.
Il est vrai que
la plupart
des hommes ne
sont
guère capables de con
naître
prof ondé ment ;
mais
il est vrai aussi
que cette science super
ficielle
qu'ils recher
chent ne sert
qu'à
contenter leur vanité.
Elle nuit à ceux quipos
sède
nt un vrai génie ;
car elle les détourne né
cessairement de leur
objet principal, consu
me leur application
dans les détails, et sur
des objets étrangers à
leurs besoins et à leurs
talents naturels ; et, enfin, elle ne sert point,
comme
ils s 'en flattent, à prouver l'étendue
de leur esprit : de tout temps on a vu des
hommes qui savaient beaucoup avec un
esprit très médiocre ; et , au contraire , des
esprits très vastes qui savaient fort peu.
Ni
l'ignorance n'est défaut d'esprit, ni le
savoir
n'est preuve de génie.
J'ai toujours trouvé ridicule qu~ les philo
sophes aient forgé une vertu incompatible
avec la nature de l'homme, et que, après
l'avoir ainsi feinte, ils aient prononcé
froidement qu 'il n'y avait aucune vertu.
Qu'ils parlent du fantôme de leur imagi
nation ;
ils peuvent à leur gré l'abandonner
ou le détruire, puisqu'ils l'ont
créé : mais
la véritable vertu, celle qu'ils ne veulent
pas nommer de ce nom, parce qu'elle
n'est
pas conforme à leurs définitions, celle
qui est l'ouvrage de
la nature, non le leur,
et
qui consiste principalement dans la
bonté et la rigueur de l'âme, celle-là
n'est
point dépendante de leur fantaisie, et
subsistera à jamais, avec des caractères
ineffaçables.
Est-il vrai que rien ne suffise à l'opinion, et
que peu de chose suffise à
la nature ? Mais
l'amour des plaisirs, mais la soif de la
gloire, mais l'avidité des richesses, en un
mot , toutes les passions ne sont-elles pas
insatiables ? Qui donne l'essor à nos pro
jets, qui borne, ou qui étend nos opinions,
sinon la nature
? N'est-ce pas encore la
nature qui nous pousse même à sortir de
la
nature, comme le raisonnement nous écarte
quelquefois de la raison, ou comme l'
Impé
tuosité d'une rivière rompt ses digues, et la
fait sortir de son lit
?
L'hum anit é est la prem ière d es vertus
On n'apprend aux hommes les vrais
plaisirs
qu'en les dépouUfant des faux
biens, comme on ne fait germer le bon
grain
qu'en arrachant l'ivraie qui l'envi
ronne.
Il
n'y a point, nous dit-on, de faux plaisirs: à
la bonne heure ; mais il y en a de
bas et
de méprisables.
Les choisirez-vous ?
Les plus vifs plai
sirs de l'âme sont
ceux
qu'on attri
bue au corps ;
car le corps ne
doit
point sentir,
ou
il est âme.
La plus grande
perfection de
l'âme est d'être
capable de plai
sir.
« Les plus vifs plaisirs
de l'âme sont ceux qu'on attrib ue au corps ...
»
NO TES DE L'É DIT EUR mes yeux cette période où il vécut sous
l'uniforme que cette maxime :
« Aidons
nous des mauvais motifs, pour nous fortifier
dans les bons desseins.
»Henri Bonnier,
Œuvres complètes de Vauvenargues,
Hachette, Paris, 1968.
littéraire
; mais
c'est un jeu inutile et vain,
parce que Vauvenargues ne cesse de se
fortifier dedans ses contradictions, pour peu
qu'on accepte l'idée qu'elles contiennent
une chronologie interne.
Empirique par
définition, ce révolté ne tenait rien pour sûr,
qu'il ne
l'eût éprouvé au feu de l'expérience.
Cela explique
qu'il lui fallait partir toujours
d'une vérité négative ( « mauvais motif ») et
s'en dégager, pour atteindre à la vérité
d'existence, sans laquelle il
n'eût jamais été
un moraliste.
» Henri Bonnier, Œuvres
complètes
de Vauvenargues, Hachette,
Paris, 1968.
«Loin d'être ce soldat-moraliste qu'un
x1xe siècle triomphant s'est complu à
camper, détournant ainsi de son œuvre des
esprits qui eussent tiré grand profit à la
pratiquer, Vauvenargues est un moraliste
qui est né au spectacle de la guerre.
Comme
tous les écrivains de grande race, il est
beaucoup plus
à rechercher dans ses
pensées négatives, qui trahissent un trouble
de l'âme, que dans ses affirmations, où il
n'y a rien d'autre à entendre que ce qui est
dit.
C'est pourquoi rien ne résume mieux à
« Sous prétexte qu'il est impossible de dater
la plupart de ses écrits et de les présenter
chronologiquement, des critiques ont cru
pouvoir convaincre Vauvenargues de
contradiction en opposant entre elles ses
maximes.
Par exemple, tout ce qui se
rapporte à la gloire se prête bien à ce
jeu
1 po rt ra it du m arqui s de Vauve narg ues, B.N /coll.
Violle t 2, 3 grav ures d'a près Fre udeb e rg ( 1774) /ND-Vi ol let 4 grav ure de Jubi er, B .N .
/ ND-Vi o llet 5 grav ure d'apr ès N.
L an c re t, B.N .
/ FA -Vi ol le t VA U VENARGUES 02.
»
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