Regain de Giono

« «L' hiver, elle gèle jusqu 'au cœur.

Elle n 'a pas de chance ; comme tout e cette terre.

» --------EXTRAITS Le village abandonné, décrit par Giono dans son style caractéristique , rythmé, presque poétique Aubignane est collé contre le tranchant du plateau comme un petit nid de guêpes : et c'est vrai, c'est là qu 'ils ne sont plus que trois.

Sous le villa­ ge la pente coul e, sans herbes .

Presque en bas , il y a un peu de terre molle e t le poil raide d'une pauvre oseraie.

Dessous est un vallon étroit et un peu d'eau .

C'est donc des maisons qu 'on a bâties l à, juste au bord, comme en é quilibre, puis, au mo­ ment où ça a commencé à g lisser sur la pente , on a plant é, au milieu du vil­ lage, le pieu du cocher, et c ' est resté tout accroché.

P as tout; il y a une mai­ son qui s'est comme dé­ co llée, qui a cou lé du haut en bas , toute seul e, qui est venue s'ar rêter, les quatre fers d'aplomb , au bord du ruisseau, à la fourche du ruisseau et de ce qu'ils appelaient la route, l à, contre un cyprès.

C'est la maison de P anturle.

L'auteur poursuit par un portrait de Panturle, célébrant les vertus de la terre et du travail Le Panturl e est un homme énorm e.

On dirait un morceau de bois qui marche .

Au gros de l'été, quand il se fait un couvre -nuque avec des feuilles de figuier, qu'i l a les mains pleines d'h erbe e t qu 'il se redres se, les bras écartés pour regarder la terre , c'est un arbre.

Sa chemise pe nd en lambeaux comme une écorce .

Il a une grande lèvre épaisse et difforme, comme un poivron rouge.

Il envoie la main lentement sur toutes les choses qu'il veut prendre , généralement, ça ne bouge pas ou ça ne bouge plus.

C'est du fru it, de l'h erbe ou de la bête morte ; il a le temps.

Et quand il tient, il tient bien .

Il a sent i qu 'elle approchait; le nœud de ses mains se serre, la grosse corde du poignet v ibre et la tire vers lui.

Elle glisse dans l'herbe et la voilà .

Tous les réseaux de son sang se sont mis à c hant er comme la rési lle des ruisseaux et des rivières de la terre .

Elle pose sa tête sur l es poils de la poi trin e.

Elle entend le cœu r e t le craqueme nt sourd de ce panier de côtes qui porte le cœur comme un beau fruit sur des feuillages.

Alors , ce poids d'ea u qu 'elle a sur les é paules et qui est le bras de l 'homme se fait lourd .

E lle se renverse dans ce bras comme une gerbe de foin et elle se couche dans l'h er be.

« La table est dans le co in, toute luisante , toute lav ée, comme une grande roche carrée après la plui e.» NOTES DE L'ÉDITEUR Giono (1895-1970) a d 'abord publié des po èmes Accompagnés de la flûte et une œ uvre, Naissan ce de l'Odyssée (1927), qui l'a fait entr er en conta ct avec Gide.

Les œ uvres s uivantes font preu ve d'un lyri sme diffus exprimant son thèm e essentiel : le refu s d'une civ ilisation qui n'es t plus en accord avec les gra ndes voix de la na ture, qu'on a parfo is appe lé g ionisme .

so litaire était tout dés ig né pour décri re et chanter , sur un mod e trè perso nnel a ux accents po étiqu es, l 'âpre a tm os ph ère des collines de Provence , l'aba ndon mass if de s v illages par leur s habit a nts qu 'attirait le mirage d' une vie faci le à la v ille et l es solid es vale ur s de travail, de fécondité, de rigueur et de solid arité paysannes qui font de ce cour t roman une leçon de courage et d'optimisme.

le s se nsatio ns les plu s subtile s ; ( ...

) un se ntiment de la di gnité des choses et des ê tr es natur els, qui méritent notre ad mir a tion.

» Thierry Maulnier , l'Actio n française, 29 juillet 1943.

Autodidacte fortement enraciné dan s sa t erre nata le (Gio no es t n é à Mano squ e), ce « li y a chez M.

Jea n Giono ( ...

)la so upl esse d' un lang age e nri chi par le patois l oca l et par l'admirabl e vocab ula ire des m é tiers au p oin t de recréer pour le lecte ur 1 Liptnitz ki-Viollet 2.

3.

4.

5 illu stration s de Gérard Eco no m os el Raym ond Thi alier I R omba ldi.

Par i s.

1975 Regain a été ad ap té pour le cinéma p ar Marcel P ag no l en 1927 (d e même qu' Un de Baumugn es dans la libre interprétation d'Angè l e) avec Orane Demazis (Ursule), int erpr ète fétic he de P ag nol , et Fernandel (Gé dé mu s).

G IO 0 03. »