Saül

« Saül, plein de colère et d'envie, veut percer David de sa lance EXTRAITS ~-~~~~~~ Avant la bataille, Saül parle avec son fils Jonathas et avec sa fille Michol, épouse de David JONATHAS.

- Aujourd'hui nous vaincrons.

Recouvre z l'espoir , mon père ; jamais vous n 'ave z eu plus de raisons d'espérer.

Reprene z un front serein ; je suis sûr de la victoire ; que le champ de bataille soit cou­ vert d'ennemis morts, et que les vautours y trouvent leur horrible nourriture ...

MICHOL.

- Mon père, nous retour­ nerons bientôt dans un asile plus tran­ quille ; nous rever­ rons bientôt votre J palais.

Assis au milieu des palmes de la victoire , vous sere z heureux alors ; voudre z-vous faire partager votre bon­ heur à votre fille, en lui rendant son époux ? ...

SAÜL.

-Quoi , Michol ! tu ne cesses jamais de pleurer! Sont-ce là les doux objets qui doivent calmer le cœur de ton père , fatigué de souffrance ? Est-ce ainsi que tu soulages mes tourments ? Retire-toi, fille de la douleur, éloigne-toi.

MICHOL.

- Malheureuse! ne voule z-vous pas que je pleure, mon père ? Quel autre que vous m'a plongée dans les larmes ? JONATHAS.

-Arrête, Michol, veux-tu affliger notre père ? Saül, soyez heureux.

L'air des combats et de la victoire souffle dans le camp ; avec l'aube naissante, le génie de la guerres ' est répandu sur Israël .

Bientôt vous aure z la certitude de vaincre.

SA ÜL.

-Voudrais-tu m'enivrer d'une fausse joie ? De quelle victoire me parles-tu ? Pleurez tous.Aujourd'hui , le chêne antique qui étendait dans les airs ses rameaux altiers lèvera ses racines brisées.

Ce jour sera un jour de sang, de mort et de larmes.

Déchire z vos vêtements ; couvre z vos têtes de cendres ; oui, ce jour fatal est le dernier qui luit pour nous.

David, obligé de fuir à nouveau, s'adresse à sa femme, Michol DAVID.

- Chère épouse , ne pleure point avant le temps.

Saül est roi; il disposera de notre sort comme il le voudra.

Je nef orme qu'un vœu, c'est qu 'il ne perde pas aujourd 'hui la bataille ; que demain il reprenne son courroux, moi je reprendrai mon état abject; je m'exilerai , je fuirai, et je me condamnerai à une vie douloureuse.

Mon plus grand chagrin sera de te quitter; il faudra pourtant s'y résoudre.

Vaine espé­ rance ! hym en malheureux ! tu devais jouir auprès d'un autre époux du bonheur et de l'éclat de ton rang : c'est moi qui t ' ai perdue ..

.

Tu ne pourras donner une postérité nombreuse et florissante à un époux errant et tou­ jours fugitif.

Traduit par C.-B.

Petitot, Giguet et Michaud, 1802.

Saül chez la devineresse d'Endor, gravure du xv111e siècle NOTES DE L'ÉDITEUR pièce en pièce mais dont la structure de base demeure identique.

»Jacques Joly, Le Désir et l' utopie, études sur le théâtre tragédie.

Le personnage de Saül lui-même n'est pas le tyran ordinaire des pièces «Parce qu'il pressent au fond de lui-même des antagonismes non résolus et des désirs insatisfaits, parce qu'il se sent déchiré entre des impulsions contradictoires, Alfieri voit dans le théâtre un moyen de projeter au­ dehors les angoisses qui minent son rapport avec le monde et l'empêchent de jeter les bases d'un équilibre durable de sa personnalité.

L'affrontement du héros et du tyran, la condamnation de la mère coupable dessinent les contours d'une ordonnance psychique, dont les figures se modifient de d' Alfieri et de Goldoni, Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Clermont-Ferrand II, 1978.

« Par sa complexité et la multiplicité de ses recherches, cette pièce [Saül] apparaît comme la somme de l' œuvre tragique d' Alfieri.

Pour la première fois, celui-ci renonce partiellement au schéma dramatique classique, introduisant en particulier des éléments musicaux dans la 1, 5 Roger- Viollet 2, 3, 4 illu stra tio ns tir ées d' une Histoire Saint e du X V IIJe siècle/ R oger -V io lle t d 'Alfieri : violent malgré lui, emporté par des accès de fureur dont il n' est pas maître, portant le poids d'un châtiment divin inéluctable avant de chercher son rachat dans la mort, Saül apparaît comme un "tyran-victime" à l'instar de Marie Stuart; seule une passion insensée le pousse à persécuter David et à ne se laisser d'autre issue que la mort.

»Jacques Joly ,« Vittorio Alfieri», Encyclopœdia Universalis, 1989.

ALFIERI 02. »