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Stances sur la retraite

Publié le 09/04/2013

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Racan (1589-1670) fut page à la cour du roi Henri IV. Là, il fit la connaissance de Malherbe, dont il devint le disciple. Le maître non seulement lui apprit les règles de la versification et lui fit connaître les textes des classiques grecs et latins, mais il assura également au jeune homme une formation religieuse et morale de premier ordre. Il resta toujours en Racan quelque chose des enseignements de son maître, quoiqu' il fût peu porté au « travail de la plume «, car c'est avant tout un poète d' instinct.

« « Nous avons assez vu sur la mer de ce monde / Errer au gré des flots notre nef vagabonde, / II est temps de jouir des délices du port.

» EXTRAITS La fortune ne peut apporter la félicité Thirsis il faut penser à faire la retraite, Ui cause de nos jours est plus qu'à demi faite, L'âge insensiblement nous conduit à la mort, Nous avons assez vu sur la mer de ce monde Errer au gré des flots notre nef vagabonde, Il est temps de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune est un bien périssable , Quand on bâtit sur elle on bâtit sur le sable, Plus on est élevé plus on court de dangers, Les grands Pins sont en butte aux coups de la tempête, Et la rage des vents brise plutôt le faîte Des maisons de nos Rois, que des toits des Bergers.

Ô bienheureu x ce lui qui peut de sa mémoire Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire, Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs , Et qui loin retiré de la foule importune, Vivant dans sa maison content de sa fortune A selon son pouvoir mesur é ses désirs.

Il laboure le champ que labourait son père , Il ne s'informe point de ce qu'on délibère Dans ces g raves conseils d'affaires accablés, Il voit sans intérêt la mer grosse d'orages , Et n'observe des vents les sinistres présages.

« Thirsis il faut penser à faire la retraite, / La cause de nos jours est plus qu'à demi faite ...

» Le retour à la terre qui a vu naître le poète Crois-moi, retirons-nous hors de la multitude, Et vivons désormais loin de la servitude De ces Palais dorés où tout le monde accourt, Sous un chêne élevé les arbrisseaux s'ennuient, Et devant le Soleil tous les Astres s'enfuient, De peur d'être obligés de lui faire la cour.

Après qu'on a suivi sans aucune assurance Cette vaine faveur qui nous paît d'espérance, L'envie en un moment tous nos desseins détruit, Ce n'est qu'une fumée, il n'e st rien de si frêle, Sa plus belle moisson est sujette à la grêle.

Et souvent elle n'a que des fleurs pour du fruit.

Agréables déserts, séjour de l'innocence, Où loin des vanités, de la magnificence, Commence mon repos et finit mon tourment, Vallons, fleuves, rochers, plaisante solitude, Si vous fûtes témoins de mon inquiétude, Soye z-le désormais de mon contentement.

NOTES DE L'ÉDITEUR « Les Stances sur la retraite sont non seulement le chant des désillusions du poète, mais elles incarnent encore le rêve rustique et le rêve du bon sens du xv1e siècle français, et, on peut le dire, grâce à la perfection de la forme, elles continueront vraisemblablement à incarner ce rêve dans tous les siècles.

Il faut remarquer enfin le caractère de généralité qu'offrent les s tances : le poète a su parfaitement choisir ses traits pittoresques, et il les a appuyés dans la bonne mesure, assez nettement pour composer une précise esquisse de l'aisance campagnarde, tout en restant assez général pour n'exclure personne ; aussi se trouve­ t-il , et c'est là, si je ne me trompe, un signe authentique du chef-d'œuvre, que ces vers peuvent toucher tout le monde.

» Louis Arnould, Poèmes lyriques de Raca n, introduction , Hachette , Paris, 1937.

«Tel est ce poème qui se déroule av ec ampleur, comme l'ondulation même des grands blés mûrs, avec une certaine monotonie forte qui est bien celle de la campagne cultivée.

On est frappé de la perfection de sa facture, de la netteté de la pensée, de la force sereine des antithèses, de la richesse des rimes, de l'absence, si rare même chez les meilleurs poètes, de toute cheville .

Tout au plus peut-on y relever quelques négligences de détails, quelques répétitions de mots, un ou deux embarras de construction qui semblent reculer légèrement la pièce avant Malherbe.

» Louis Arnould, Racan, Slatkine , Genève ,1970.

1 Edimédia 2, 3 , 4 tableaux et lavis de Claude Gellée, dit le Lorra in I Edimédia (2) et Giraudon (3, 4) RACAN 02. »

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