TIBULLE: Elégies
Publié le 06/04/2013
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Les poèmes de Tibulle (v. 50-19 av. J.-C.), dont la plupart ont pour thème l'amour, relevaient pour certains de ses contemporains du registre de la littérature légère, voire licencieuse. C'est ainsi que le grand Ovide, exilé sous de vagues prétextes d'immoralité, écrivait à l'empereur Auguste qu'il jugeait injuste qu'on ne condamnât pas au même titre les textes de Tibulle et leur auteur. Les deux premiers livres ont été publiés du vivant de l'auteur.
«
« Ah ! te regarder,
quand sera venue mon
heure suprême, te tenir,
en mourant, de ma
main défaillant e ...
,.
~------- EXTRAITS
« Celui que l'amour possède ...
»
Ainsi moi, quand, au milieu des ténèbres ,
je rôde, le cœur battant, par toute la ville,
Vénus ne me laisse
pas assaillir par un
individu qui me blesse
d'un coup de poi
gnard ou qui m'enlève mes
vêtements
et s'en appro
prie l'aubaine.
Celui que
l 'amour possède peut
aller,
assuré et sacré, partout où
il lui plaît :
il n'a pas à re
douter les embûches.
Moi,
je ne souffre ni du froid pa
ralysant d'une nuit d'hiver
ni de la pluie qui tombe à
torrents ; ce sont peines qui
ne mordent
pas sur moi,
pourvu que Délia pousse
le verrou de sa porte
et
m'appelle sans rien dire en
faisant claquer ses doigts.
Détournez les yeux, vous,
.
homme ou femme, qui vous
trouvez sur mon passage :
Vénus veut que ses larcins
restent cachés.
Livre 1, II
Tel est pris qui croyait prendre
Toujours, pour m'enjôler, tu me montres un
visage riant, mais après, hélas!
tu n'as pour
moi que sévérité
et rigueur, ô Amour.
Pourquoi cette cruauté à mon égard ? Est
ce une si grande gloire
pour un dieu de
dresser des embûches à un homme ? Car
des pièges me sont tendus : déjà Délia, en
secret, dans
le silence de la nuit, la rusée !
embrasse
je ne sais quel rival.
Elle, il est
vrai, nie avec serment, mais la croire est
bien difficile :
c'est ainsi également qu'à
propos de moi elle nie toujours à son mari.
Moi-même lui
ai, pour mon malheur, ensei
gné l'art de tromper ses gardiens:
hélas!
hélas ! me voici pris à mes propres artifices.
Tantôt
elle a appris à imaginer des prétextes
pour coucher seule, ou à faire tourner une
porte sans faire grincer les gonds ; tantôt
je
lui ai donné des sucs et des herbes pour
effacer la meurtrissure que deux amants
impriment avec
la dent l'un surl 'autre.
Livre 1, VI
Tibulle résigné
Ce n'est pas à moi qu'on peut cacher ce
qu 'annoncent le signe
d'un amant ou de
tendres paroles prononcées
d'une voix
douce.
A d'autres les sorts
et les fibres,
interprètes de la volonté des dieux,
je ne
demande
point la révélation de l'avenir
au chant
d'oiseau: Vénus
elle-même, en m'attachant
les bras derrière
le dos avec
des liens noués selon les
rites magiques ,
m'a donné
l'expérience, non sans que
j'aie
reçu bien des blessures .
Cesse de dissimuler: Amour
brûle plus cruellement ceux
qu'il voit lui céder malgré
eux.
A quoi
te servent main
tenant
le soin que tu as pris
de tes souples cheveux
et
toutes tes manières d'en
modifier l'arrangement? à
quoi,
le fard brillant dont tu
ornes tes joues ? à quoi, tes
ongles arrondis
par la main
savante
du praticien ? C'est
en vain désormais que tu
changes de tunique
et de
robe, en vain qu'une chaus
sure aux œillets serrés com
prime ton pied et
le fait petit.
Cette femme-là
te plaît, quoiqu'elle soit venue à toi le visage
sans apprêt
et sans avoir ajusté ni fait
briller sa chevelure avec les lenteurs de
l'art .
Livre II, VIII
Jusqu'au XIX 0 siècle,
on attribuait
à Tibulle
plusieurs textes qui
constituent ce qu'on
appelle aujourd'hui le
Corpus Tibullianum.
Ces textes écrits par
des auteurs qui furent
probablement les
disciples de Tibulle,
comme Lygdarnus ,
relèvent aussi souvent
du genre de l'élégie .
« Cruel amour, •
poissé-je voir brisées
ces flèches qui sont
tes armes
•..
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Naturellement, il ne peut être question de
suivre au jour le jour le roman de Tibulle.
Le poète ne nous a pas donné une
autobiographie ; il ne nous met pas au
courant, comme le fait souvent Properce,
des incidents de
sa passion.
Chercher
à établir dans tous les détails une suite
rigoureuse, comme
l'ont tenté Dissen et
Lachmann, mène à l'arbitraire.( ...
) En
réalité, motifs et souvenirs livresques ne
sont là que pour servir de cadre ou de soutien
à l'inspiration personnelle.
Certes
Tibulle ne nous révèle que certains
moments de son existence, que certaines
circonstances de ses passions.
Mais ses
élégies laissent voir en lui un tempérament
trop spontané
et trop ardent pour que les
situations exposées dans chacune d'elles
ne soient pas réelles.
» Max Ponchont,
introduction au Livre l des Élégies de
Tibulle, Les Belles-Lettres,
Paris, 1924.
Les renseignements biographiques
concernant Albius Tibullus font défaut ; néanmoins,
on connaît
la date de sa mort
avec certitude: 19 av.
J.-C.
Issu
d'une
famille de patriciens romains, Tibulle
appartenait à l'ordre des chevaliers.
Membre
d'une haute société désargentée,
il partageait son temps entre Rome et un
domaine rustique.
Il eut une culture
grecque très soignée, une éducation
rhétorique très poussée.
Compagnon de
Messalla,
il fut présent dans plusieurs
expéditions militaires, en Gaule
et en
Orient.
1, 2, 3, 4 gravure s de Bore l et Elvi n, P aris, 1798 / B .C .U .
Lausann e T!BULLE0 2.
»
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