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VIE DE RANCÉ

Publié le 22/05/2019

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VIE DE RANCÉ, biographie du réformateur de la Trappe par Chateaubriand (1844). Imposée par son confesseur à Chateaubriand, cette œuvre constitue un récit remarquable qui laisse transparaître le visage de l'écrivain. En pratiquant l'« écriture négative », c'est-à-dire en évoquant les êtres et les choses que le saint n'a pas connus ou a dédaignés (le château de Chambord, Poussin à Rome, etc.), Chateaubriand réintroduit dans la célébration de l'ascète toutes les vanités et les plaisirs du monde auxquels il fut et reste sensible. Passant sans transition d'une époque à l'autre, d'une idée à l'autre, le vieil artiste, qui se compare à Poussin brossant ses dernières toiles, se donne une liberté de ton et d'allure qui défie le lourd drapé d'une rhétorique enfin congédiée. Un sentiment profondément existentiel, plus moderne, apparente le grand âge à une sorte de supplice, interminable. C'est, pour reprendre une expression d'Aragon, le « poème du temps qui ne passe pas » — ou plutôt du temps pur ( « je ne suis plus que le temps ») régi par la mémoire. « Admirable tremblement du temps... »

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)La vie de Rancé (extrait) François-René de Chateaubriand Tel fut Rancé.

Cette vie ne satisfait pas, il y manque le printemps : l'aubépine a été brisée lorsque ses bouquets commençaient à paraître.

Rancé s'était proposé de courir le monde pour chercher des aventures.

Qu'eût-il trouvé ? Les félicités qu'il se forgeait à Véretz étaient dans son âme.

Supposez que prenant l'existence pour une ironie du ciel, que devançant les idées de son époque, il eût rejeté cette existence, son sang eût à peine humecté quelques brins de bruyère.

Si, s'embarrassant peu de l'avenir, il eût préféré à l'éternité des nuits heureuses : autre mécompte ; demain il n'aurait plus aimé. Les hommes qui ont vieilli dans le désordre pensent que quand l'heure sera venue, ils pourront facilement renvoyer de jeunes grâces à leur destinée, comme on renvoie des esclaves.

C'est une erreur ; on ne se dégage pas à volonté des songes ; on se débat douloureusement contre un chaos où le ciel et l'enfer, la haine et l'amour, l'indifférence et la passion se mêlent dans une confusion effroyable.

Vieux voyageur alors, assis sur la borne du chemin, Rancé eût compté les étoiles en ne se fiant à aucune, attendant l'aurore qui ne lui eût apporté que l'ennui du c œur et la disgrâce des années. Aujourd'hui il n'y a plus rien de possible, car les chimères d'une existence active sont aussi démontrées que les chimères d'une existence désoccupée.

Si le ciel eût mis au bras de Rancé les fantômes de sa jeunesse, il se fût tôt fatigué de marcher avec des Larves. Pour un homme comme lui il n'y avait que le froc ; le froc reçoit les confidences et les garde ; l'orgueil des années défend ensuite de trahir le secret, et la tombe le continue. Pour peu qu'on ait vécu, on a vu passer bien des morts emportant dans leurs bras leurs illusions.

Heureux celui dont la vie est tombée en fleurs : élégances de l'expression d'un poète qui est femme.. »

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