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Vie mode D'EMPLOI (la). Roman de Georges Perec (résumé et analyse de l'oeuvre)

Publié le 27/10/2018

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Vie mode D'EMPLOI (la). Roman de Georges Perec (1936-1982), publié à Paris chez Hachette en 1978. Prix Médias.

 

Un immeuble de la rue Simon Crubellier à Paris : ses murs ont vu se succéder propriétaires et locataires. L'un d'entre eux. le peintre Serge Valène, a conçu le projet d'une toile qui raconte rait l'histoire de cet immeuble et de ses occupants. Il égrène donc ses souvenirs comme autant de pièces d'un puzzle qui se reconrtitue chapitre après chapitre, dans l'espace comme dans le temps. Au cœur de l'entreprise, Bartle booth, ancien élève du peintre, qui fit, de près ou de loin, appel à la contribution d'un grand nombre des habitants de l'immeuble pour réaliser méthodiquement le projet de son exiétence : peindre, dans cinq cents ports cinq cents marines, les faire transformer en puzzles de sept cent cin quante pièces, puis, les ayant reconrtituées, les « retexturer » et les décoller de leur support de bois, pour récupérer finalement, après avoir « lavé » les aquarelles sur l e lieu même où elles avaient été peintes, une feuille de papier vierge.

 

Sont ainsi évoquées les figures de Gaspard Winckler, l'artisan chargé de concevoir et de découper les puzzles, de Morellet, le chimiste chargé de coller les marines reconstituées, etc. Chaque personnage en appelle d'autres : l'occupant qui l'a précédé dans l'appartement, un ascendant, un descendant.. Parcourant l'immeuble des caves aux chambres de bonne, sans oublier les escaliers ou la chaufferie, le lecteur fait ainsi a connaissance des Marquiseaux, de Rorschach, de Hutting, de Marcia, de Moreau, de Gra tiolet d'Aitamont, etc., dans une succession de petits récits, d'anecdotes, de biographies, de descriptions.

 

Le livre se clôt sur la mort du peintre, sur la toile qu'il laisse derrière lui, une simple esquisse.

 

Il aura fallu dix années à Georges Perec pour écrire ce roman, ou plus exactement, ainsi qu'il le précise lui-même, « les romans » qui composent la Vie mode d'emploi. Œuvre clé, œuvre

« somme, ce livre rassemble à lui seul tous les partis pris, toutes les recher­ ches d'un auteur passionné par l'écri­ ture et qui n'a cessé de s'interroger sur le sens de la création littéraire, qu'il aborde toujours sous l'angle du jeu.

D' emblée, en plaça nt le livre sous le signe du puzzle, c'est-à-dire du jeu et de la con stru ction, Georges Perec donne de la création littéraire une image tout à la fois ludique et virtuose.

L'immeuble de la Vie mode d'emploi est en effet le cadre d'un incroyable puzzle dont les quatre-vingt-dix-neuf chapitres composant le livre sont autant de pièc es.

L'apparent désordre qui d'abord désarçonne le lecteur prend progres sivement sens, et appa­ raît peu à peu régi par un ordre supé­ rieur.

Du chaos qui semble régner nais­ sent une chronolog ie rigoureuse, une organisation très stricte de l'espace.

Com ment alors ne pas évoquer, pour parler du travail de l'éc rivain, celui de l'arch itecte, mais d'un architecte retors qui décons truirait pour construire, d'un architecte visionnaire qui dispo­ serait les meubles avant de dévoiler ses pla ns, d'un architecte du mouvement qui ne concevrait de lieux qu'en perpé­ tuelle transformation, à l'image de la vie dont on ne saurait donner le mode d'em ploi? C'est à ce propos que l'on a pu parfois qualifier l'écriture de Geo rges Perec de baroque : elle ne donne des choses comme des êtres qu'une image en mouvement, foison­ nante, inabouti e.

Et si la Vie mode d'emploi s'achève sur la mort de ses deux principaux personnages, le pein­ tre Valène et le vieil amateur de puzzles Bartlebooth, ce n'est certainement pas un hasa rd : plus un proje t est ambi­ tieux, plus il vise à tout régir, tout orga­ nis er, moins il a de chances d'aboutir.

Perec voue ainsi son propre proje t ro manesque, qui intègre et dépasse tous les projets de vie de ses person­ nages, à l'inabouti ssement le plus complet.

Loin de saisir l'infinie diver­ sité de la vie, le roman, si touffu soit­ il, n'en donne jamais qu'une image à peine ébauch ée.

D' où l'importance accordée au jeu : l'a uteur, dans la Vie mode d'emploi, s' amuse à ex plorer systématiquement toutes les formes d'écriture, mêlant les styl es, abordant tous les genres (du roman policier à la biographie en pas­ sant par la fable ou le récit historique) , reproduisant les divers supports de l' écrit (ici la manchette d'un quotidien, là un faire-part, une notice pharmaceu­ tique, ou le sommaire d'une revue de linguistique, etc.).

Les deux grands principes formels, qui permettent le va-et-vient vertigineux entre la cons­ tr uction d'un microcosme hyperréa­ liste et sa décons truction, sont sans doute la digre ssion d'une part, qui dilate le récit et égare le lecteur, le surprend, et la juxtap osition de desc riptions aussi variées que détail­ lées.

Ces deux lignes directrices de la Vie mode d'emploi pourraient ne révéler qu'un souci maniaque de précision et d'exactitude ; mais, érigées en système, elles traduisent avant tout la curiosité amusée, en même temps que distante et ironique, que l'auteur porte au monde qui l'entoure.

Car si l'accumul ation des récits et des descriptions hétéroclites prête à sourire, elle est aussi porteuse de sens.

Loin de construire une reproduction crédible du réel, l'auteur choisit de le disloquer, de le démonter, à l'image du personnage de Gaspard Winckler qui, de la pe inture du réel, fait naître l' énigme en la découpant en puzzl e.

Le réel n'appara ît plus dès lors que comme un tout inorganisé dont les modes d'emploi possibles se multi­ plient au point d'en devenir dérisoires.

C'est alors toute la conception de l'é criture comme porteuse de sens qui est battue en brèc he.

L'écr iture n'a finalement d'autre objet qu'elle-même.. »

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