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Oedipe (dissertation de culture générale)

Publié le 17/01/2022

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A priori, l'histoire d'Oedipe est la résultante d'un secret de famille car il subit les conséquences d'une histoire survenue avant sa naissance et ignorée de lui. Néanmoins, les Grecs anciens, qui ne connaissaient pourtant pas le sens, très chrétien, du péché et de la faute originelle, le considéraient comme responsable et coupable d'une erreur qu'il n'avait pas commise. Nous allons nous interroger sur cette contradiction apparente du personnage car, entre conscience et inconscience de soi, Oedipe semble incarner une figure exemplaire de l'humanité. Nous envisagerons d'abord les données mythiques puis leurs diverses interprétations afin de dégager la portée du mythe. I. Oedipe, un roi responsable et coupable 1. Le mythe Voici l'essentiel des faits : le roi Laïos enlève Chrysippos, le fils de Pélops, dont il était l'invité. De retour à Thèbes, Laïos épouse Jocaste. Il consulte l'oracle de Delphes pour savoir si cette union sera heureuse. Il apprend alors que, en punition de sa faute, il se trouve sous le coup d'une malédiction : son fils doit le tuer et se marier avec sa mère. Les deux époux tentent de conjurer le sort mais, cédant un jour aux impulsions de la nature, ils ont un fils. Laïos charge un domestique d'exposer sur le mont Cithéron l'enfant dont on perce les pieds pour le suspendre à un arbre - d'où le nom, Oedipe, de oidein, « être enflé «, et pour, «pied«. Le hasard veut que le garçon soit trouvé par Phorbas, berger du roi de Corinthe, Polybe, dont la couche est demeurée stérile.

 

Complexe d'Oedipe

D'après la psychanalyse, attirance inconsciente pour le parent du sexe opposé et jalousie extrême à l'encontre du parent de même sexe, éprouvées par l'enfant entre 3 et 5 ans. De la résolution réussie de ce complexe particulier dépend la construction harmonieuse du moi, et le futur équilibre psychique de l'adulte. Tire son nom de la tragédie d'Oedipe.

 

« — La famille, car l'intrigue repose sur la transgression d'un tabou sexuel : l'inceste.— L'homme, parce que les Grecs lui reprochent surtout son manque de discernement, une confiance excessive dansles pouvoirs de sa propre raison.

Dans la pièce de Sophocle, Oedipe revêt un statut exemplaire : il confirme lescénario de la grandeur suivie d'une décadence.

Lui qui a su vaincre le Sphinx grâce à son intelligence, il necomprend que très lentement sa responsabilité dans la punition subie par Thèbes.

L'intrigue dramatique accompagnecette progressive remise en question de soi ; mais le personnage reste très hautain car, même au dénouement, il sepose encore en victime par excellence.— L'Etat, car la pièce souligne que l'homme politique ne doit pas se fier à ses seules forces et toujours sacrifier auxdieux. 3.

Un exemple, Oedipe roi: de l'enquête à la quête de soi Dans la pièce de Sophocle, OEdipe apparaît comme unpersonnage violent et orgueilleux : il est trop sûr de lui.

La morale socio-politique de la pièce vise à dénoncer ladémesure, la fameuse « hybris» grecque, qui ne concerne pas seulement la brutalité physique mais ici, enl'occurrence, la violence morale et mentale.

Donc, la faute d'OEdipe consiste à croire qu'un homme peut se donnersa propre loi sans se référer aux dieux.En outre Oedipe peut apparaître comme exemplaire de l'étroite imbrication entre l'inconscient familial et la destinéepersonnelle.

L'enquête policière menée par Oedipe devenu adulte et roi de Thèbes finit par se transformer en quêted'une identité fondamentalement liée au passé.

Il est coupable d'être né car il ignore sa culpabilité profonde — ilmène une enquête mais, à l'inverse de Roger Acroyd, narrateur et meurtrier d'Agatha Christie, il ne se sait pasresponsable.

Ce n'est pas un imposteur mais un inconscient qui assume (et c'est là son caractère tragique) sa véritémême s'il en est victime (comme il le remarque lui-même dans une autre pièce de Sophocle, Oedipe à Colone). Transition Un mythe toujours vivant dont on peut penser qu'il possède une valeur transhistorique, universelle, comme entémoignent les interprétations, très stimulantes, élaborées par la psychanalyse et par l'anthropologie structurale.Mais, on va le voir, ces interprétations globalisantes ont été remises en question à partir de la définition même dumythe — par essence sujet à de multiples variantes, le mythe trouverait sa signification à la faveur du recoupementdes grands invariants, mais demeure lié A ses versions historiques.

Ainsi, les hellénistes insistent sur l'ancrage desdifférents textes dans leur réalité contemporaine. III.

Les interprétations du mythe 1.

La psychanalyse S'inspirant, de manière explicite, de la pièce de Sophocle, Freud définit le complexe d'Oedipe : pour lui, tout jeunegarçon éprouverait une attirance pour sa mère et des pulsions de mort vis-à-vis de son rival, le père.

Or, la sociétése bâtit sur le tabou de l'inceste et exige un refoulement de cette pulsion primitive.

Quand le sujet ne maîtrise passes désirs inconscients, il sombre dans la névrose.

Mais la censure s'effectue de manière générale; elle peut mêmeconduire à une sublimation de l'instinct chez certains sujets doués : elle est donc la base de la création artistique —lire : La Naissance de la psychanalyse, Totem et tabou et Trois essais sur la théorie sexuelle.

Même type de pointde vue appliqué aux contes merveilleux par Bruno Bettelheim, dans Psychanalyse des contes de fées.Ce type d'interprétation prend appui sur le fait qu'OEdipe assume les conséquences d'une faute dont il n'est pasl'artisan : tout se passe comme si, de manière inconsciente, il avait consenti au meurtre de son père afin d'épousersa mère...

En somme, il ne serait « ni tout à fait coupable ni tout à fait innocent» — pour lui appliquer une formulede Racine définissant le personnage tragique.Notons, toutefois, que cette théorie n'est valable que pour les garçons, la femme demeurant, pour Freud, le «continent noir» (cf.

Christiane Olivier, Les Enfants de Jocaste).

Malgré tout, l'interprétation freudienne a suscité demultiples commentaires et inspiré d'autres analyses. 2.

L'ethnologieDans L'Anthropologie structurale, Lévi-Strauss se réfère au mythe d'OEdipe pour remonter aux unités narrativesminimales, ou « mythèmes », qui se retrouveraient dans toutes les grandes légendes (voir notre chapitre Scienceshumaines pour plus d'informations sur Lévi-Strauss).

Pour l'anthropologue, le mythe d'OEdipe rend compte desdifficultés rencontrées par l'homme quand il s'agit d'expliquer les origines de la génération, de la conception.

Lemythe met en forme la difficulté à se séparer de la structure familiale. 3.

La lecture politiqueVernant et Vidal-Naquet critiquent les deux thèses précédentes.

Ils estiment que Freud a trop projeté sa propreconception de l'inconscient sur les textes grecs.

Pour ces deux hellénistes, les pièces de théâtre, surtout celle deSophocle, font d'OEdipe un orgueilleux qui se fie beaucoup trop au pouvoir de la raison.

La tragédie antique setrouve très ancrée dans la réalité historique ; visant à « purger les passions », elle revêt une fonction sociale etpédagogique : elle enseigne au Grec à humilier sa raison, à ne pas se croire capable de vaincre les dieux et leshommes.

Dans l'Athènes du Ve siècle, les infortunes d'OEdipe incitent les spectateurs à remettre en question leurcapacité à s'intégrer dans une communauté démocratique et morale.

Il s'agit de bannir la démesure, de respecter leslois humaines et religieuses.. »

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