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Aistulf

Publié le 27/02/2008

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régna de 749 à 756 Des souverains lombards qui s'étaient, en l'espace de cent soixante-dix-sept ans, succédé en Italie depuis la mort (572) d'Albouin (qui, le premier, avait entrepris sa conquête), Aistulf se révéla le plus acharné à étendre par les armes le regnum Langobardorum à la péninsule tout entière, arrachant aux empereurs de Byzance les derniers territoires qui leur appartenaient encore. Devenu en 744 duc de Frioul à la place de son frère Ratchis, Aistulf reprit la guerre de conquête dès qu'il fut à son tour, en juillet 749, monté sur le trône occupé par son frère. Pour conquérir les territoires de Comacchio et de Ferrare, et pour étendre l'occupation lombarde en Istrie, Aistulf dut livrer bataille. Mais il ne semble pas qu'il ait eu à se battre pour assujettir la partie de la Pentapole qui restait encore à l'Empire au sud de l'Esino, avec Ancône, Numana et Osimo. L'événement le plus marquant de la campagne menée au-delà des frontières émiliennes du regnum Langobardorum fut, dès 749, je crois, ou le début de 750, la prise sans coup férir de Ravenne, capitale de l'exarchat d'Italie, et la reddition d'Eutychius qui y gouvernait depuis environ vingt ans et fut le dernier des exarques impériaux d'Italie qui s'étaient succédé à Ravenne depuis l'institution de cette charge vers l'an 584.

« Les dissensions religieuses provoquées entre les papes et les empereurs par l'iconoclastie depuis que, en 726, LéonIII l'Isaurien avait tenté de l'imposer dans ses États d'Italie, avaient engendré une série de réflexes idéologiques etpolitiques allant très nettement à l'encontre des ambitions de conquête des rois lombards.

Dans le duché de Rome,le laïcat tout entier, depuis les couches les plus humbles jusqu'au plus haut représentant local de l'Empire, le duc deRome, accordait au pape — et en recevait — un appui si total que, progressivement, l'exercice de tous (ou presquetous) les pouvoirs de gouvernement était passé aux mains des papes et des dignitaires de l'administrationpontificale.

De même, dans le reste de l'Italie du Centre-Nord, les populations assujetties à l'Empire s'étaientsolidarisées avec le vicaire de Saint-Pierre de Rome, défenseur suprême de l'iconodulie.

Dans les milieux pontificaux,l'idée se faisait jour que ces populations, ainsi que celles des duchés impériaux de Rome et de Pérouse, constituaientdésormais le populus peculiaris de Saint-Pierre, c'est-à-dire le peuple que Dieu lui-même avait particulièrementconfié au prince des Apôtres et à son Église — et, partant, celui dont les destinées étaient indissolublement liées àla cause et aux droits des successeurs de Pierre.

Il n'est pas jusqu'aux chefs du clan militaire de l'aristocratie laïqueromaine qui ne caressaient l'espoir de voir un jour le siège du vicaire de Pierre devenir le centre moteur d'unerenaissance de l'idée impériale, l'Empire étant désormais si étroitement lié à l'Église de Rome que celle-ci pourrait àbon droit s'intituler Sancta Dei Ecclesia rei publicae Romanorum. Ces idées étaient inconciliables avec les desseins lombards — Liutprand, puis Aistulf plus résolument encore,entendant en effet étendre à la péninsule italienne tout entière une conquête susceptible d'étouffer l'universalismede l'Église romaine dans le particularisme auquel le regnum Langobardorum était traditionnellement attaché.Cependant, au-delà des Alpes, l'ardente campagne missionnaire et réformatrice que Boniface menait depuis trenteans dans le royaume des Francs, en maintenant personnellement des contacts constants avec les tout-puissantsmaires du Palais des Mérovingiens et avec le siège apostolique, avait progressivement resserré et rendu pluscordiaux les rapports entre ceux-ci, d'une part, et les papes et l'aristocratie militaire romaine, d'autre part, quipouvaient, en bonne logique, espérer trouver chez les Francs l'appui que Byzance était loin de leur promettre.L'intervention décisive — survenue un an à peine après que Ravenne fut tombée aux mains d'Aistulf — de Zacharieen faveur de l'accession (751) de Pépin le Bref au trône jusqu'alors occupé par les Mérovingiens fut simplement unprélude à la démarche faite en 753-754 par Étienne II auprès du nouveau roi : Étienne, en effet, s'était rendu enFrance pour solliciter de Pépin non seulement qu'il assurât la défense de Rome et des territoires alors menacés parAistulf, mais encore qu'il reprît les territoires récemment occupés par les Lombards afin de les préserver del'iconoclastie.

Autrement dit, ces territoires seraient “ restitués ” à Saint-Pierre plutôt qu'aux autorités de Byzance. La complexité de la situation qui, les circonstances aidant, risquait d'opposer à la réalisation de ses projets desobstacles insurmontables échappait à Aistulf.

Celui-ci ne parvenait pas à comprendre les raisons qui interdisaientaux papes de trouver dans l'indéniable foi catholique des rois lombards de l'époque un motif propre à justifier leurdésir d'achever leurs conquêtes.

Aistulf n'était pas à même d'évaluer correctement la capacité de résistance accrueque de nouveaux espoirs étaient susceptibles d'inspirer à Rome, non plus que l'effet qu'une guerre contre Romen'allait pas manquer de produire, dans le camp lombard même, sur certains esprits profondément pieux.

En outre, ilétait assurément incapable de concevoir que le fait de se sentir les défenseurs de l'Eglise pouvait, au contraire,stimuler les Francs dans leur ardeur guerrière, augmentant encore leur supériorité morale et matérielle sur les arméeslombardes à peine réorganisées. On s'explique ainsi la rapidité fulgurante des victoires de Pépin au cours des deux campagnes qu'il mena en Italie auprintemps-été de 755 et 756, ainsi que l'échec du siège (janvier-mars 756) de Rome ordonné par Aistulf, qui avaitpourtant mobilisé à cet effet jusqu'aux contingents des duchés de Spolète et de Bénévent et fait usage demachines à ébranler les murailles.

Cette grave défaite militaire et les deux traités de paix conclus à Pavie en 755 et756 contraignirent Aistulf, non seulement à verser une importante indemnité de guerre et à payer désormais tribut àPépin, mais aussi à renoncer à une part importante des cités et territoires récemment conquis en Émilie (dontRavenne) et dans la Pentapole, ces cités et territoires étant cédés au pape en vertu d'une donation souscrite en756 par Pépin en faveur du Saint-Siège (la tractation avait été menée par un délégué du roi franc, l'abbé Fulrad). Il serait vain de se perdre en conjectures sur ce qui aurait pu advenir si Aistulf n'était pas mort dans un banalaccident de chasse en décembre 756, au moment même où (chuchotait-on à Rome, voire en France) il se préparait,en lutteur obstiné, à tenter une nouvelle offensive.

Et l'historien ne saurait prendre à son compte les jugements trèsdurs qu'Étienne II a portés à plusieurs reprises sur le roi lombard, allant jusqu'à voir dans la mort prématurée d'Aistulfune manifestation de la colère divine.

Les conceptions d'Aistulf, sa ligne de conduite en matière de conquête étaientliées à une tradition désormais dépassée par l'apparition, dans le royaume des Francs et les territoires impériauxd'Italie, de forces nouvelles dont le roi lombard était incapable de triompher.

L'œuvre qu'il avait accomplie durantsept ans et demi n'avait fait que stimuler ces forces, les unir contre lui et les orienter vers des objectifs trèsdifférents des siens.

En Italie, l'intervention des Francs avait profondément modifié l'échiquier politique et jouécontre les Lombards, en permettant la formation, au cœur même de la péninsule, d'un organisme indépendant deByzance placé sous l'autorité temporelle des papes exercée de Rome au nom de Pierre, et déterminé, du fait desambitions renaissantes de l'aristocratie militaire romaine, à provoquer la chute définitive des rois lombards pourassurer son existence future. Au cours de son règne, qui fut des plus brefs, Aistulf avait suscité des événements d'une très grande importancehistorique, s'obstinant, en dépit des revers subis, dans une lutte dont l'issue ne pouvait que lui être fatale.

Il fut ledernier des rois législateurs lombards et le dernier des rois lombards qui était issu d'une grande famille ducale.

Lesgraves accusations portées contre lui par Étienne II ne sauraient faire oublier sa ferveur religieuse, qui le poussa àaccorder des bénéfices à des églises, des monastères, des hospices.

C'est lui, notamment, qui fit don à son beau-. »

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