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Brutus

Publié le 31/05/2019

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Brutus

 

Marcus Iunius Brutus, neveu de Caton d'Utique, prit le parti de Pompée contre César. Au terme de la bataille de Pharsale, César lui confia le poste de légat propréteur de Gaule Cisalpine (47-45 av. J.-C.), puis celui de préteur urbain, en 44 av. J.-C. Il devint l'un des chefs de la conjuration contre César, qu'il frappa, lui aussi, de son poignard le 15 mars 44 av. J.-C. Ayant fui Rome, il rassembla une armée en Orient; unissant ses troupes à celles de Cassius, il affronta l'armée des triumvirs à Philippes, en 42 av. J.-C. Vaincu, Brutus se tua ou se fit tuer au terme de la bataille.

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Vertu, tu n'es qu'un mot.

Brutus Ces mots, empruntés à une tragédie grecque dont le texte nous est perdu, sont ceux que, au moment de se donner la mort, aurait prononcés Brutus, à ceque :apporte l'historien latin Dion Cassius au chapitre 47 de son Histoire romaine: «Brutus qui avait atteint dans sa fuite un lieu élevé et à pic, tenta de se frayer un chemin jusqu'au camp.

Mais il n'y parvint pas et, apprenant que certains deses soldats s'étaient entendus avec les vainqueurs, il abandonna tout espoir.

Se sachant en danger et méprisant l'idée qu'il puisse être fait prisonnier, ilchercha refuge, lui aussi, dans la mort.

prononça à haute voix cette phrase d'Héraclès :Vertu malheureuse, tu n'es qu'un mot, tandis que moi Tenant ta divinité pour réelle, te suivais, Toi qui n'étais que l'esclave du destin.

» • Brutus était l'un des assassins de César.

Autant qu'on puisse le savoir aujourd'hui, il n'avait agi ni par haine ni par ambition, mais au nom de l'idée qu'il sefaisait de la vertu.

S'inspirant des historiens antiques, Shakespeare relate, de manière saisissante, dans sa pièce Julius Caesar, les hésitations de Brutus etles motivations de celui-ci.

César s'apprêtait à devenir roi.

Pour le sauver de lui-même et pour empêcher que ce grand homme ne devienne un tyran, Brutusaurait contribué à son élimination.La mort de César, cependant, ne suffisait pas à rétablir l'antique et vertueuse République romaine comme avait pu l'espérer Brutus.

La vacance du pouvoirn'était que le prélude à de nouveaux déchirements et aux péripéties sanglantes de la guerre civile.

Allié à son complice Cassius, Brutus et les républicainsallaient se trouver opposés aux césariens du nouveau triumvirat 384 / Vertu(Octave, qui deviendra l'empereur Auguste, Marc-Antoine et Lépide).La bataille décisive eut lieu à Philippes en Macédoine le 23 octobre de l'an 42 avant Jésus-Christ.

Sur un terrain marécageux s'affrontèrent plus de 100000 hommes répartis en deux armées de 19 légions chacune.

Au soir de la bataille, on comptait plus de 40 000 morts.

Désespérant de la victoire, Cassiuss'était donné la mort.

Devant une défaite inéluctable, Brutus se décida à l'imiter.Les césariens l'emportaient, mais la guerre civile était loin d'être achevée.

Alliés pour cette bataille, Octave et Marc-Antoine allaient rapidement seretrouver ennemis et s'engager dans une lutte à mort pour le pouvoir.

Cette lutte ne s'achèvera qu'avec la victoire définitive d'Octave sur Marc-Antoine à labataille d'Actium en 31 av.

J.C.Quels furent les derniers instants de Brutus? Dion Cassius nous le présente désespérant de la Vertu pour laquelle il avait combattu.

Les césariens ontremporté la victoire, ses propres soldats désertent pour rejoindre le camp des tyrans.

Tout ce en quoi il croyait s'effondre.

Les hommes préfèrent laservitude de la monarchie à la liberté de la république; la Vertu n'est qu'une chimère et le destin brise ceux qui lui sont fidèles.D'une manière très différente, Plutarque, dans sa « Vie de Brutus », relate la même scène.

Brutus, certes, se sait vaincu mais sa défaite est pour lui unesorte de victoire car il reste fidèle à son idéal de vertu et de justice.

Fort de cette certitude et du soutien de ses amis, il peut se donner la mort pouréchapper à Octave et à Marc-Antoine :4( II serra la main de chacun avec un air tout à fait radieux, et reprit : "J'éprouve une grande joie à voir qu'aucun de mes amis n'a trompé ma confiance.

Jen'ai à me plaindre que de la Fortune, à cause de la patrie.

Je me crois plus heureux que les vainqueurs, non seulement jusqu'à un passé tout récent, maismême présente-Vertu I 385ment, car je laisse une renommée de vertu qu'ils n'effaceront pas avec leurs armes et leurs richesses, et l'on pensera qu'injustes ils ont triomphé d'hommesjustes, et, méchants, d'hommes de bien, et qu'ils n'ont aucun droit à dominer." Puis après les avoir priés et conjurés d'assurer leur salut, il se retira à l'écartavec deux ou trois de ses amis, au nombre desquels était Straton.

Il le fit mettre tout près de lui, et saisissant de ses deux mains la poignée de son épéenue, il se jeta dessus et mourut.

»Pour comprendre que Brutus fut quelqu'un d'autre que cet individu borné qui, dans les aventures d'Astérix, joue sans cesse avec un couteau au risque de seblesser, le mieux est sans doute de se reporter, une fois encore, à Shakespeare.

Nietzsche déclarait que, de tous les personnages qu'avait créés le granddramaturge anglais, Brutus était pour lui, sans conteste, le plus fascinant.On comprendra sans peine le jugement porté par le philosophe allemand à lire la pièce et, plus encore peut-être, à voir la formidable interprétation dupersonnage qui fut proposée par James Mason, opposé à Marlon Brando jouant le rôle de Marc-Antoine, dans l'adaptation cinématographique que réalisa, en1952, Joseph Mankiewicz.Fixée de manière immortelle par Shakespeare, la figure de Brutus n'a cessé de hanter la culture occidentale et cela de manière bien contradictoire.

Pourcertains, Brutus incarne toute l'horreur du régicide, crime suprême qui, portant atteinte à ce qu'il y a de plus haut dans la société, menace l'équilibre decelle-ci.

Ainsi le poète italien Dante, dans sa Divine Comédie, place Brutus et Cassius dans le plus profond et le plus terrible des cercles de l'Enfer : leneuvième, celui, glacé, où sont punis les traîtres.

Plus encore, il leur réserve une place de choix puisque, aux côtés de Judas, ils jouissent du privilège d'êtredéchirés pour l'éternité dans l'une des trois gueules du Satan tricéphale qui occupe le centre de l'univers dantesque.

Dante affirme ainsi qu'à ses yeux,trahir César est un crime aussi grave que trahir le Christ lui-même car c'est porter atteinte à l'un de ces « deux soleils» — celui du pouvoir spirituel et celuidu pouvoir temporel — qui, de leurs lumières conjuguées, éclairent le monde.Mais Brutus, loin d'avoir été seulement condamné, a également et plus souvent sans doute été exalté par tous ceux qui ont découvert en lui l'image d'unindividu refusant de se plier au pouvoir du tyran et manifestant sa liberté en risquant sa vie pour mettre fin à celle du despote.

Musset s'en souviendra dansson Lorenzaccio, pièce qui développe un parallèle constant et complexe entre son héros et l'assassin de César.Mais, pour prendre un autre exemple, plus significatif sans doute, il était fatal que les révolutionnaires de 93 se retrouvent dans la figure de Brutus.

Ainsi, ondécouvrira sans surprise le nom de ce héros dans le discours prononcé par Saint-Just à l'occasion du débat sur le sort de Louis XVI.

Les régicides de 93,au moment de mettre à mort le monarque, se recommandent du tyrannicide dont l'histoire leur a laissé l'exemple.Aujourd'hui, dans notre culture, la figure de Brutus semble avoir perdu beaucoup de son prestige.

Serait-ce que notre époque s'est définitivementdébarrassée de tous les tyrans? On peut à juste titre en douter.

Paul M.

Martin, au terme de son remarquable ouvrage, Tuer César (Complexe, 1988),propose de cette réalité une explication à la fois plus pessimiste et plus convaincante :«...

le monde moderne a secrété un type de pouvoir, qui est la projection sur la terre des cités idéales des philosophes, des merveilleuses utopies : lepouvoir totalitaire, dans ses variantes rouge et noire — et, à vrai dire, ii est bien possible que la différence essentielle entre elles ne soit que dans leurdurée.

Un tel pouvoir rend vaine, d'avance, l'entreprise d'un Brutus.

Emoussé son poignard ! A ranger au magasin des accessoires de théâtre inoffensifs ou,à la rigueur, à solder dans les surplus militaires.

Car ceux sur qui pèse le joug totalitaire savent trop que la bureaucratie comme appareil d'Etat, est le pluspuissant des pouvoirs.

On ne peut pas l'abattre, on ne peut pas lui couper la tête...

parce qu'elle n'en a pas.

Parce que le système se suffit à lui-même dèslors qu'il perdure dans son être comme un organisme primaire.

Le totalitarisme a l'éternité fruste de la méduse.Et contre la Méduse, le poignard d'un Romain, d'un homme aussi simplement homme que celui dont il versa le sang, est impuissant.

Il faudrait un héros, unGrec, Persée.

Mais Persée, lui, n'est vraiment qu'un mythe, sans existence, et non un homme qui, pour avoir creusé le sillon de sa vie plus profond qued'autres, a mérité que la mémoire de l'humanité fit de lui un mythe.Imperturbablement dans sa grimace, la Méduse tire la langue à Brutus.

». »

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