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Élisabeth Ire

Publié le 27/02/2008

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Quand Élisabeth accéda au trône en 1558, elle trouva une situation périlleuse et confuse. Au moment de sa mort, elle était la dernière de sa branche, solitaire, mais elle avait conscience d'un succès remarquable. Les quarante-cinq années de son règne virent l'Angleterre se transformer de pays déchiré par des luttes intestines, rattaché au bloc d'influence espagnol, en un chef incontesté de l'Europe protestante et en voie d'acquérir l'empire des mers. Bien que ce règne ait été ardu et souvent troublé, quand bien même que son dernier tiers ait connu avec l'Espagne une guerre, qui menaça sa stabilité, mit les finances nationales en danger contre le gré d'une reine pacifique, cette période se fixa bientôt dans les mémoires comme une époque glorieuse. Dans ses efforts pour donner un grand éclat à ses années de règne, la reine fut, sans l'avoir sollicité, secondée par une éclosion exceptionnelle d'un haut niveau culturel. Si nous regardons en arrière, le temps d'Élisabeth est celui de Drake et de Hawkins, héros de l'aventure maritime, de Burghley et de Walsingham, hommes d'État d'une compétence exceptionnelle, de Sidney et de Raleigh, aristocrates excellant aussi bien à manier la plume que l'épée, de grands poètes comme SpenserL1855, Marlowe et Shakespeare, de peintres comme Nicholas Hillyard et de musiciens comme William Byrd. La " Renaissance " de ce demi-siècle a rendu à bon droit ce règne à jamais fameux. Naturellement, la réalité a été souvent différente et beaucoup d'élisabéthains, même parmi les plus célèbres, ne méritent pas leur réputation ; mais l'éclat du souvenir a aussi sa réalité.      

« réunification générale basée sur la loyauté à la couronne, l'attachement à une certaine forme d'Église protestante et surtout un nationalisme sûr delui et agressif, cherchant à s'exprimer par une expansion par-delà les mers et par une ostentation nationale sensée, telle fut l'œuvre d'Élisabethpendant ces quinze premières années décisives.

Cette œuvre allait lui permettre, ainsi qu'à son royaume, de surmonter toutes les crises à venir : lesconflits intérieurs touchant à la religion et aux pouvoirs politiques, la diplomatie compliquée et parfois méprisable des puissances auxquellesÉlisabeth s'intéressait particulièrement afin d'éviter la guerre ou d'y être entraînée, la guerre qui survint finalement avec son merveilleux début parla destruction de l'Invincible Armada P098M2 en 1588 et la poursuite de moins en moins heureuse et même la réapparition de mécontentement factieux sous forme de troubles sociaux et économiques en 1590.

Élisabeth, toujours présente, toujours admirée, toujours obéi et réussissanttoujours dans un certain sens, apportait les soins maternels, le sentiment de stabilité, le fond de sécurité permettant aux hommes actifs de l'époqued'effectuer leurs éclatantes entreprises.

Drake P1496 ne fit pas le tour du monde pour la plus grande gloire de la reine, Shakespeare L201 ne désira point chanter ses louanges dans ses pièces, mais pour l'un comme pour l'autre elle représentait le symbole de cette Angleterre à laquelle ilsvouaient leurs vies créatrices.

Cette reine ce symbole de son époque était fière d'être la fille d' Henry VIII P143 .

Et elle l'était réellement ; elle en avait la taille, l'excellent physique, les cheveux roux, le nez busqué ; elle avait sa majesté, son don de s'attirer la fidélité et le dévouement.

Elle avait hérité de sa très grandeintelligence et en usait bien.

Mais bien qu'étant aussi égoïste que lui, elle savait mieux qu'un égocentrisme absolu est une erreur pour les princes.Le caractère emporté, qui chez le père avait suscité tant de violences et d'attaques désastreuses contre certains des plus remarquables serviteursqu'ait jamais eus la dynastie Tudor, n'était guère moins impétueux chez la fille, mais si elle pouvait jeter feu et flammes contre les meilleurs d'entreeux, Élisabeth savait où s'arrêter.

Détestant verser le sang, elle n'acquit jamais cette épouvantable tare des autocrates ; elle abhorrait les soupçonssans base ni discernement.

Ayant dû apprendre à se maîtriser et à peser ses jugements, elle le fit toute sa vie durant.

Elle avait connu trop deviolences et de dangers dans sa jeunesse pour oublier ce que pouvait faire la colère et jamais elle ne s'y abandonna.

Elle commanda particulièrement à ses passions en tant que femme.

Comme reine, elle connut de nombreuses difficultés qu'un roi aurait ignorées,moindre n'était pas de succéder à une autre reine dont l'incompétence, la bigoterie et la soumission servile à un mari étranger semblaient donnerraison à la méfiance traditionnelle envers les monarques féminins.

John Knox P1929 fut peu heureux quand en 1557 il attaqua le gouvernement des femmes au moment même où la “ Déborah anglaise ” était sur le point de remplacer sa sœur papiste, mais John Aylmer put seulement lui répondreque dans un pays régi par une constitution, conformément à la loi faite en coopération avec le Parlement, la personne du souverain n'avait pas uneimportance suffisante pour rendre dangereuse une succession féminine.

Toute la vie d'Élisabeth devait prouver le contraire.

Sa personnalité avaitune grande importance, ce qui ressortit très nettement quand après sa mort l'Angleterre eut à subir Jacques Ier P1832 , roi particulièrement inapte à accomplir les tâches normales d'un monarque, et, comme on le vit par la suite, elle fut pratiquement plus autocrate qu'aucun autre Tudor.

Mais ellene tarda pas à se concilier même ceux qui se plaisaient à appliquer au gouvernement d'une reine les remarques acides de saint Paul L159 sur les femmes dans l'Église.

Son habileté réelle se manifesta dans la façon dont elle transforma en avantage capital les inconvénients d'être femme.

Seuleune femme pouvait jouer le rôle de “ Gloriana ”, maîtresse adorée et épouse spirituelle de tout son royaume.

Seule une femme pouvait réduire lesrivalités et les inimitiés qui marquaient et souillaient sa cour, comme toutes les autres, à un jeu de flirts personnels qui enlevaient tout dangerpolitique aux luttes pour le pouvoir de ces hommes fiers et hardis.

Seule une femme pouvait temporiser et changer d'avis avec autant dedésinvolture afin de se ménager les délais qui bien souvent permirent de résoudre des problèmes.

Élisabeth usa délibérément de sa qualité defemme pour détourner l'attention des formidables opérations de son intelligence subtile, tortueuse et souvent déplaisante.

Elle obtint son principal triomphe avec la plus astucieuse des manœuvres.

Le premier devoir de tout monarque du XVIe siècle était de perpétuer ladynastie et d'éviter les horreurs d'une succession indécise et disputée.

L'Angleterre, que de telles querelles avaient ruinée un siècle plus tôt,continuait à appréhender ce problème.

Le propre père d'Élisabeth n'avait-il pas lancé le royaume dans la révolution parce qu'il n'avait pas puassurer une succession bien établie ? Mais comment pouvait agir une reine ? Si elle épousait un prince étranger, elle engagerait le royaume d'uncôté de la structure politique européenne et abandonnerait l'indépendance nationale.

Si elle se mariait dans son pays, elle abdiquerait saprédominance et deviendrait victime de factions domestiques.

Les deux Marie, sa sœur Marie Tudor P2681 et sa rivale Marie Stuart P2594 , avaient récemment fourni une preuve décisive du réel danger des deux solutions.

Fidèle à ce qui était peut-être son trait de caractère le plus fortementenraciné, Élisabeth résolut le problème en évitant d'agir.

Elle écarta volontairement le très réel amour qu'elle éprouvait pour le comte de Leicester P1973 et idéalisa ses sentiments dans des jeux factices d'amour courtois, en des flirts politiques destinés à ne jamais aboutir, en des affections pour des favoris dont le comte d'Essex P1547 fut le plus choyé et le plus malheureux, enfin dans le rôle de maîtresse de sa nation qu'elle joua superbement.

Et elle fit un capital politique de sa virginité hautement proclamée.

Pour son peuple, la Reine vierge Diane, la Lune et lachasseresse devint un symbole de pureté semi-divine.

Dans la diplomatie internationale de l'époque, la main de la reine Élisabeth fut la mieuxexploitée des richesses du royaume, jamais accordée mais éternellement proposée à une succession de prétendants.

Sans nul doute le caractèred'Élisabeth répugnait à l'idée d'un mariage, surtout dans une société à tel point masculine où les maris commandaient à leurs épouses, mais il estnet que sa décision de rester célibataire et de n'avoir point d'enfant représenta un réel sacrifice qui eut de malheureuses conséquencespsychologiques.

Mais le bénéfice politique, bien plus pour la reine que pour la femme, était immense et devint la base effective de son succès.

Le risque était naturellement énorme.

En un temps où les vies étaient d'ordinaires brèves, Élisabeth misa sur unelongue existence.

Elle faillit mourir de la variole en 1562 mais ce fut sa dernière maladie grave jusqu'à la fin de sesjours.

Elle atténua les risques en se soumettant à un régime judicieux, fait peu commun à son époque, et en tenantà l'écart ses docteurs.

Mais sa politique fondée sur l'inaction avait ses inconvénients.

Personne, même pas elle, nepouvait savoir que sa vie se prolongerait bien au-delà de l'existence normale des Tudor.

Son frère était mort à seizeans, sa sœur à quarante-deux.

La race n'était pas forte et l'âge proche de soixante-dix ans qu'Élisabeth atteignitétait tout à fait exceptionnel en ce siècle.

Sa virginité et sa stérilité inquiétèrent bien des gens, surtout quand lareine catholique d'Écosse était première à lui succéder, et des débats sur le mariage de la reine et sur sa successionfurent l'origine de graves crises politiques dans les parlements successifs.

Elle mit vraiment en jeu l'obéissance et laloyauté de la partie politiquement active de son pays avec l'expédient qui finit par la lui attacher le plus fermement.Si elle avait réellement sa chance, on peut dire qu'elle gagna.

Contre toute probabilité elle vécut longtemps et parsa seule longévité elle justifia sa politique et ses buts.

Élisabeth eut donc de la chance.

Elle en eut aussi dans sa réputation.

Cette femme et souveraine remarquable, cepoliticien et diplomate habile, cette splendide incarnation du désir de grandeur d'une nation fut de son vivant l'objet. »

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