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François-Joseph Ier

Publié le 27/02/2008

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Il avait dix-huit ans lorsqu'il fut appelé au trône, alors que la révolution se déchaînait sur l'Empire d'Autriche. Il en avait quatre-vingt-six quand il mourut au plus fort de la Première Guerre mondiale, qui conduisait à l'écroulement de la double monarchie. Entre ces deux dates, soit durant soixante-huit ans, sans relâche, il a exercé le pouvoir et tenu son rôle de souverain. Ce fut une période qui juxtaposa curieusement une prospérité générale que les peuples n'avaient jamais connue, un progrès social évident et une difficulté croissante à maintenir la paix intérieure. François-Joseph a-t-il été la figure symbolique d'un passé qui s'effaçait un peu plus chaque jour ou au contraire le régulateur nécessaire de l'ordre institutionnel et public ? L'incontestable popularité dont il a joui provenait-elle d'une habitude paresseuse de l'opinion ou d'un sentiment de confiance en l'efficacité de son rôle ? L'homme a beaucoup changé au cours de l'interminable règne : le jeune cavalier bien pris, à la belle allure, devint assez tôt le vieux souverain chauve aux favoris blancs, mais dont la vigueur ne se démentait pas, qui continuait à travailler au rythme d'au moins dix heures par jour, à monter à cheval et à participer aux manoeuvres et qui ne trouvait de détente que dans des exercices physiques, la chasse dans les montagnes du Salzkammergut. En revanche, ce qui semble ne s'être jamais modifié, ni altéré, c'est la conscience du devoir à accomplir et de l'exemple à donner. Mais ce devoir avait pris d'autres formes : de 1848 à 1867, François-Joseph (dont le prince de Schwarzenberg avait suscité l'avènement pour arrêter la révolution et fonder un ordre monarchique nouveau) pouvait agir en souverain absolu. A partir de 1867, du compromis austro-hongrois et des lois de 1867 et 1868 dans chacun de ses deux États, il s'est comporté en souverain constitutionnel, respectueux de la légalité. Résolu sans doute à ne jamais admettre ce qui lui paraissait préjudiciable à l'intérêt et au bien de la double monarchie, mais alliant la persuasion à la fermeté, cherchant à convaincre ses ministres, les hommes politiques et l'opinion, il a mis beaucoup d'habileté dans la pratique du régime parlementaire ; temporisateur et arbitre, dont on disait que le système durerait autant que lui, comme s'ils étaient devenus consubstantiels l'un à l'autre.  

« des temps modernes, laisseraient s'épanouir librement, selon l'esprit des traditions locales, les coutumes particulières de chaque race ”.

Après lecompromis avec la Hongrie, il rechercha l'entente avec la Bohême.

S'il avait eu plus de sagacité, il eût négocié parallèlement les deux accords.

Unepartie de l'aristocratie et de la bourgeoisie tchèques était prête à accepter, après le couronnement à Prague, une autonomie limitée.

Mais l'affaireéchoua sur l'intransigeance des Allemands de Bohême, des Autrichiens et des Hongrois.

Autant le droit d'État était une notion accessible àFrançois-Joseph, autant le déconcertait le problème des nationalités qui allait devenir le plus redoutable de la deuxième partie de son règne.

Tousses sujets devaient fidélité à l'Empire, pourquoi les Slaves et les Italiens lui auraient-ils été moins attachés que les Allemands ? Les loisconstitutionnelles de 1867 et de 1868 reconnaissaient à chaque rameau (Volksstamm) le droit d'employer sa langue à l'école, à l'église, au tribunal.Ne devait-on pas trouver le moyen de régler équitablement l'application du principe ? François-Joseph était exempt de tout préjugé racial, il avaitfait effort pour apprendre les différentes langues de ses peuples, avec une réussite inégale.

Mais il se sentait lui-même un prince allemand : “ Ichbin ein deutscher Fürst ”.

Il ne se dégageait pas facilement d'une tradition qui avait fait de ses ancêtres les empereurs du Saint Empire romaingermanique, de lui-même un membre influent de la Confédération.

La compétition, puis la lutte avec la Prusse, terminée par l'humiliante défaite deSadowa et l'éviction de l'Autriche hors du système allemand, lui avaient été plus cruelles que la guerre de 1859 avec le Piémont et la France qui luiavait coûté la Lombardie.

Les anciens souvenirs lui rendirent plus faciles la réconciliation et l'alliance de 1879 avec le nouvel Empire, dontplusieurs princes étaient ses parents ( Louis II de Bavière P2016 ) ou ses amis personnels ( Albert de Saxe P1061 ).

Rien de plus caractéristique à cet égard que l'hommage qui lui fut rendu à Schönbrunn, lors du soixantième anniversaire de son règne, par Guillaume II P126 , les princes souverains d'Allemagne et même le sénateur de Hambourg en costume Renaissance, comme au patriarche de l'Europe centrale.

La politique extérieure demeurait, en Autriche-Hongrie comme dans les autres pays d'Europe au XIXe siècle, le domaine particulier du chef del'État.

François-Joseph se le réserva jalousement.

Il revendiqua toujours la responsabilité de ce qu'exécutaient en son nom ses ministres desAffaires étrangères.

Avec la Russie, malgré le secours fourni en Hongrie en 1849 et la solidarité monarchique, l'Autriche-Hongrie se trouvait encompétition, pour redouter le panslavisme et craindre la trop forte immixtion de la Russie dans la péninsule balkanique.

Après Sadowa, François-Joseph inclinait à l'alliance avec Napoléon III P244 .

Mais rien ne fut conclu et, après Sedan, la garantie la plus sûre parut provenir d'Allemagne et même d'Italie.

Les guerres avaient été trop coûteuses pour que François-Joseph ne fût pas favorable au maintien de la paix européenne.

Durant delongues années, jusque vers 1905, son action fut modératrice dans les débats internationaux et, malgré le risque, l'annexion de la Bosnie-Herzégovine fut obtenue en 1908 sans entraîner de guerre en Europe.

Mais l'empereur-roi n'en attachait que plus de prix à la solidité de son armée,réorganise après les défaites, et il se montrait intransigeant pour le maintien de son unité : “ Commune et une, ainsi qu'elle est, doit demeurer monarmée, la force solide qui défend la monarchie austro-hongroise contre n'importe quel ennemi.

Fidèle à son serment, mon armée tout entière doitcontinuer sa route, en remplissant le plus sacré des devoirs, pénétrée d'un esprit d'unité et d'harmonie qui respecte les particularités nationales etfait servir les qualités de chaque peuple au bien du grand ensemble ” (ordre du jour de Chlopy, 1903).

C'est sous l'uniforme (avec le bicorne et le panache vert de plumes de coq ou le simple képi) que sa figure étaitdevenue familière.

L'homme de la rue, à Vienne, aimait à voir passer l'empereur sur le trajet de la Hofburg àSchönbrunn, où, surtout dans les dernières années, il résidait le plus fréquemment.

La journée du souverain sedéroulait avec la régularité de celle d'un bureaucrate.

Commencée dès 5 heures du matin, elle comprenait lesrapports des ministres et d'innombrables audiences, car chaque importante nomination civile ou militaire était suivied'une brève visite du nouveau promu à l'empereur qui trouvait un mot de compliment ou d'encouragement.

Souvent,l'empereur inaugurait un service public, un monument ou une exposition et, dans cette époque fertile ennouveautés, il se montrait toujours satisfait : “ C'était très beau, cela m'a beaucoup plu ”, couvrant de cette bonnegrâce une opinion personnelle qu'il estimait inutile de déclarer davantage.

La nécessité de prendre son repos debonne heure limitait la durée des soirées que l'empereur réservait à la vie de cour, où reparaissait la rigoureuseétiquette espagnole, et au théâtre où il se félicitait quand “ la musique vraiment jolie et l'animation du balletl'empêchaient de s'endormir ”.

Il se montrait d'une extrême courtoisie dans toutes les relations de société, mais iln'était pas plus un mondain qu'il n'était un intellectuel ou un artiste.

Chaque année, la Hongrie recevait la visite duroi pour l'ouverture des Chambres et un séjour de quelques semaines au palais royal rénové ou au château deGödöllö.

Cette présence faisait plaisir à l'opinion.

En revanche, François-Joseph ne parut que rarement à Prague.

Ladéception de 1871 n'étant pas oubliée, il ne rencontrait là qu'un loyalisme respectueux assez tiède.

Il n'appréciaitguère les voyages à l'étranger, mais il aimait beaucoup s'établir, l'été, à Ischl, dans le Salzkammergut, où il chassait,vêtu du costume tyrolien et coiffé du petit feutre.

La bonhomie de cette existence, si bien accordée à l'humeurautrichienne, lui valait de la part de ses peuples et dans toutes les couches sociales un attachement dont il estdifficile de douter.

N'empêche que les critiques ne lui ont pas manqué, de son vivant même et plus encore aprèsl'effondrement de la monarchie.

Des historiens ont été déconcertés par cette figure en apparence si simple, nondépourvue de mystère néanmoins.

On lui a reproché l'excès de temporisation et trop de souplesse dans la quête del'apaisement intérieur pour qu'il n'y ait pas eu de sa part souvent de l'ingratitude ; on a parlé enfin de la sécheressede cœur chez un homme que certaines catastrophes de la vie privée avaient entouré d'un prestige tragique.

Le mariage d'amour en 1854 avec sa cousine germaine Élisabeth P1533 , duchesse en Bavière, ne lui avait pas réservé un bonheur tranquille. L'impératrice, incomparablement belle et séduisante, douée d'une intelligence brillante et vive, ne jouissait ni de bonne santé, ni d'équilibre ducaractère.

Elle ne s'intéressa jamais à la politique, sauf en Hongrie, dont elle favorisa la réconciliation avec l'Autriche et où elle gagna unepopularité que toutes les vicissitudes politiques et sociales n'ont point effacée jusqu'à notre temps.

Elle donna à l'empereur trois filles et un seulfils, intelligent et fantasque comme elle et qui se suicida à l'âge de trente ans, à un moment où ses opinions politiques libérales le mettaient endésaccord avec son père.

Ce n'est pas le lieu de parler ici de Mayerling, sauf pour dire que le caractère de ce douloureux événement a été déformépar la légende et le goût du scandale, exploité par la littérature romanesque et le cinéma.

La douleur du père fut profonde, mais dominée par lesouci du devoir et distraite par les obligations quotidiennes.

L'impératrice, qui ne trouvait pas les ressources d'une foi religieuse solide, fut jetéedans le désarroi.

Désertant ses capitales, elle passait la plus grande partie de son temps à voyager incognito, mais avec une suite nombreuse, enquête de sites célèbres P108M1 ou de cures dans les villes d'eaux, où l'empereur la rejoignait, quand il pouvait.

Mais les souverains entretenaient une correspondance constante, affectueuse et tendre, qui a été publiée et qu'on croirait l'expression d'une vie conjugale normale entre un mariretenu à sa tâche professionnelle et une épouse obligée par sa santé à vivre sous un autre climat.

Un jour de septembre 1898 à Genève, cettefemme inoffensive et malheureuse fut poignardée par un anarchiste italien.

L'amie commune du ménage impérial, die Freundin, dont leurs lettres parlent sans cesse, Mme Schratt, actrice du Burgtheater, prit désormais auprès de François-Joseph la place, non d'une favorite (elle mena sa. »

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