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Hadrien

Publié le 27/02/2008

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Dans une des lettres de sa correspondance avec Pline le Jeune, chargé par lui d'un gouvernement des provinces de Pont et de Bithynie, l'empereur Trajan parle avec une gentillesse protectrice de ces " petits Grecs qui ont un faible pour les gymnases " : ils veulent ceux-ci trop grands, souvent trop coûteux pour leurs ressources : Graeculi gymnasiis indulgent... On ne laisserait pas de s'étonner qu'il ait choisi pour successeur celui que ses contemporains appelaient par excellence, à Rome, le Graeculus, si précisément l'authenticité de l'acte par lequel TrajanP2672 aurait adopté son petit-cousin Hadrien, sur son lit de fièvre et d'agonie de Cilicie (août 117), n'avait été contestée. A l'excès peut-être. Emporté prématurément au cours d'une expédition conquérante en Orient, Trajan avait eu le droit de ne pas se préoccuper positivement de sa succession. Hadrien, légat de la province de Syrie lors de ce drame, avait en main les principales troupes ; il avait pour lui, toute rumeur frivole mise à part, la faveur de l'impératrice Plotine, femme de Trajan, amie des philosophes, et soucieuse des choses de culture. Il avait, il eut contre lui, à son avènement, de hauts personnages, qui avaient participé au dessein conquérant de Trajan : c'était sans doute moins jalousie de son avènement que colère de voir le nouveau Prince renoncer aux annexions prononcées au-delà de l'Euphrate par le " Grand-Parthique " : une province de Mésopotamie, une province d'Arménie ! En fait, les révoltes avaient réduit ces conquêtes à presque rien. Les maintenir eût été en tout cas fort coûteux. Et le repli sur l'ancienne frontière (de l'Euphrate) par lequel Hadrien a commencé son règne, avant de gagner par étapes une Rome presque tranquille, n'a point suivi une capitulation ; les Parthes Arsacides restaient substantiellement vaincus. Mais le nouvel empereur, pesant ses responsabilités, prenait les mesures de l'empire, bien résolu à rétablir une juste proportion entre ses ressources et ses ambitions. De fait, à travers toute son oeuvre administrative, deux préoccupations vont visiblement le suivre : l'une est celle du recrutement de l'armée et de sa disposition tactique, l'autre celle des revenus de l'empire et de leur administration proprement fiscale.      

« temple comme pour le culte qu'il a conçu, l'administrateur économe, et l'intellectuel, se reprenant à tout instant de ses facilités par des mesures d'autorité, sont le même personnage.

Cruel ou libéral ? Toujours esthète, il faudrait presque dire “ égotiste ” ; et aussi hasarder le mot de “ snob ”, pour définir certaines de ses tendances trop insistantes, comme la préférence accordée aux auteurs archaïques sur les classiques, à Antimaque L1034 sur Homère L095 , etc., si, étant empereur et, au fond, n'oubliant jamais qu'il l'était il n'avait eu le pouvoir, plutôt, de lancer des modes dans l'empire : il le fit du port de la barbe, désormais préféré par les gens cultivés, comme il le fit, dans les beaux-arts, du goût égyptianisant.

Cette complexion eût pu en faire le plus distrait des empereurs : mais occupé d'approfondir ses jouissances d'artiste, devant les paysages comme devant les monuments, il n'oublie, en aucun de ses longs voyages, d'examiner quels sont les travaux à faire dans les villes où il passe ; résumant ensuite ses meilleures émotions dans les simili-architectures de sa villa près de Tibur P129C (Tivoli)...

Ernest Renan L180 , qui a tracé d'Hadrien un portrait nuancé, l'a peint escorté d'architectes et de conseillers. L'esthète, en effet, est doublé d'un “ technicien ”, et, à ce moment de l'Antiquité (où Trajan P2672 s'étonnait encore que Pline, pour des travaux publics en Bithynie, cherchât à faire venir de Rome des spécialistes !), ce rôle, à la tête de l'empire, peut être considéré comme bienfaisant.

Car il y avait quelque péril que la popularité montante de la culture grecque une seconde floraison de l'hellénisme, encadrée par ce mouvement qu'on appelle la Seconde Sophistique ne fît un peu négliger les entreprises exactes et positives en lesquelles, depuis Auguste P027 , le pouvoir impérial aidait ou orientait les cités.

L'hellénisme d'Hadrien n'est pas uniquement mode littéraire.

Il n'a pas tenu à lui que sa chère Athènes, doublée par lui comme d'une cité nouvelle, ne redevînt grande capitale.

Il ne pouvait d'ailleurs entrer dans ses intentions de diminuer l'activité des foyers de culture, qui s'étaient développés sur le sol d'Asie, d'Éphèse et Smyrne à Antioche de Syrie.

Les fondations plus scolastiques de chaires doctorales (une par école philosophique), que fera un Marc Aurèle P217 , prolongent le dessein d'Hadrien : c'est avec lui qu'Athènes redevint de fait ville universitaire, ses villas de banlieue y voyant naître, près d' Hérode P144 Atticus, jusqu'à l'élégante œuvre latine que seront les Nuits Attiques d'Aulu-Gelle L1054 .

Ce qui reste objet de discussion, souvent obscure, depuis Renan L180 , c'est l'attitude religieuse d'Hadrien.

Une sensibilité portée à des compréhensions mystiques, pourvu que les images fussent belles ; une intelligence omnicurieuse et très critique.

Sa seule intolérance fut pour la religion des Juifs ; et certes, il rencontra autour du “ Fils de l'Étoile ”, Bar-Kobécha P1174 , en 135, des fanatiques exaspérés.

Mais n'avait-il pas commencé par assiéger ce qui restait de la Judée de propagandes religieuses gréco-syriennes ? Il semble que ce soit une fatalité dans l'histoire des rapports entre l'empire romain et Israël, que l'antagonisme redevienne violent chaque fois que l'empereur opte pour “ l'hellénismos ” ; Hadrien est ici, presque littéralement, le second Néron P247 .

Ce n'est pas qu'il ait prétendu se faire adorer lui-même ; un scepticisme de spiritualisme badin s'exprime dans son épigramme connue : animula vagula blandula.

Mais pourquoi cet Athénien d'adoption tient-il à ce point au projet, injurieux pour tout Juif, de dresser un temple de Jupiter Capitolin sur le site de Jérusalem, devenue colonia Aelia Capitolina ? Il est vrai que, quelques années plus tôt (en 130), remontant le Nil, il avait écouté l'oracle solaire, magique, du Colosse de Memnon P129M2 , et certainement conféré, à Alexandrie, avec les prêtres du Sérapéum.

En ce voyage, il donna la preuve de ce que son imagination pouvait ajouter au divin du paganisme ; son trop beau favori Antinous s'étant noyé dans le fleuve sacré, il fit de lui un dieu et sur la rive fonda une ville en son nom.

Le même génie sera plus tard associé à Diane en plein Latium, à Lanuvium, par les petites gens d'un collège.

Pourquoi ? Sans doute en comprenons-nous une des raisons en suivant les chasses d'Hadrien.

Car cet “ intellectuel ”, qui ne s'intéressa, de la guerre, qu'à sa préparation technique exigeant là aussi des soldats, avant toute chose, du “ style ”, comme le montrent ses allocutions aux unités de Numidie gravées à Lambèse a eu le goût, la passion de la chasse.

Un des monuments les plus originaux que sans doute il éleva à Rome et dont les bas-reliefs en médaillons sont encastrés dans l'arc de triomphe de. »

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