Israël de 1995 à 1999 : Histoire
Publié le 24/12/2018
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Pour Israël, les années 1995-1999 constituent une période charnière concernant l’évolution aussi bien de sa situation politique intérieure que de ses relations avec les Palestiniens et ses voisins arabes. En mai 1996, la victoire de la droite a exacerbé les profondes divisions - politique, religieuse et communautaire - de la société israélienne. Promettant aux trois millions d’électeurs « la paix avec la sécurité », Bcnyamin Netanyahou, le candidat du Likoud (droite), a déjoué tous les pronostics en remportant la première élection d’un Premier ministre israélien au suffrage universel, avec 50,4 % des voix. Parallèlement, les élections législatives se soldent par le succès de formations défendant les identités culturelles spécifiques, reflétant l’accentuation des divisions de la société selon des clivages fondés de plus en plus sur l’appartenance communautaire.
Une société de plus en plus fragmentée La défaite surprise du travailliste Shimon Pérès, qui avait succédé à Itzhak Rabin, assassiné en novembre 1995 par un intégriste juif, est la conséquence immédiate de la vague d’attentats commis par les islamistes du Hamas, en février et mars 1996. Cette violence brutale a jeté le discrédit sur la politique du leader travailliste et fragilisé le processus de paix lancé par les accords d’Oslo (1993), pour lesquels le Premier ministre s’était fortement impliqué. Au cours de sa campagne, son adversaire, soutenu par les formations de toute la droite (Likoud, Tzomet, Gesher) et par les partis religieux, exploite habilement les contradictions entre les espoirs suscités par une politique de pacification et la réalité quotidienne des Israéliens marquée par les attentats imputés aux Palestiniens.
Le scrutin de mai 1996 reflète surtout les transformations et les clivages au sein de la société israélienne. Alors que
«
La
progression des partis
religieux et communautaires
marque l'évolwion récente de
la vie politique israélienne.
©Levy-Gamma/Liaison Alors que
les électeurs juifs donnent
près de 56 % de leurs suffrages à
Benyamin Netanyahou, 95 % des
Arabes plébiscitent Shimon Pérès et
votent à une forte majorité pour les
deux partis prônant la laïcisation de
l'État et la défense des droits collectifs
arabes (le Hadash, parti communiste
qui milite ouvertement pour
1 'autonomie nationale des Arabes
israéliens, et la Liste arabe unifiée).
L'arrêt du processus de paix
Après 1996, le paysage politique
israélien apparaît donc plus éclaté,
même si le nouveau Premier ministre
réussit dans un premier temps à
rassembler autour de son nom une
majorité confortable reposant sur le
Likoud, les formations religieuses et
les partis centristes (Troisième Voie,
parti russe).
Le gouvernement de
Netanyahou n'exclut pas la reprise des
négociations avec les Palestiniens,
acceptant finalement de signer les
accords de Wye, en octobre 1998, sur
une rétrocession supplémentaire de
territoires cisjordaniens, mais reste
ouvertement favorable au
développement des colonies juives (à
Jérusalem-Est, notamment), au
maintien de la souveraineté israélienne
sur le plateau syrien du Golan, et
rejette toute idée de reconnaissance
d'un État palestinien.
Durant les trois
ans de son mandat, Benyamin
Netanyahou n'a pu tempérer ses
engagements idéologiques ni choisir
une voie plus pragmatique susceptible
de relancer le processus de paix dans la
région.
D'autant que ses sympathisants
extrémistes religieux, qui profitent
largement des subsides de l'État et dont
le gouvernement Likoud est dépendant,
le poussent à refuser tout compromis
sur la question palestinienne.
L'obtention d'une paix durable avec
l'Autorité palestinienne et les voisins
arabes est pourtant une condition
nécessaire pour relancer l'économie
israélienne.
L'aggravation de la situation
économique
Durant l'année 1998, les manifestations
marquant le cinquantième anniversaire
de la fondation de 1' État d'Israël battent
leur plein, mais ne peuvent masquer les
faiblesses de l'économie israélienne,
dont l'avenir reste étroitement lié au
règlement de la question palestinienne.
De 1997 à 1999, la croissance chute et
la récession entraîne le maintien d'un
taux d'inflation important et
l'aggravation du chômage.
Cette
situation précipite la démission du
ministre des Affaires étrangères David
Lévy, en début de l'année 1998, en
signe de protestation contre la politique
d'austérité comprenant des coupes
sombres dans les dépenses sociales
(réduction de la contribution de l'État
au financement des retraites, des services
de santé et des aUocations
familiales).
Malgré le soutien financier
de Washington -qui accepte d'accorder
sa garantie pour un emprunt de
1,4 milliard de doUars auprès de
banques commerciales américaines et
l'existence de dizaines de milliers de
foyers vivant au-dessous du seuil de
pauvreté -, le budget réservé à la
protection sociale ne cesse de chuter.
En revanche, la Commission
européenne accuse le gouvernement
israélien d'asphyxier délibérément
l'économie palestinienne.
En mai, elle
adresse un avertissement à Israël,
l'enjoignant de cesser d'utiliser le label
« made in Israël " pour les productions
émanant des colonies de peuplement
dans les territoires occupés, qui ne
relèvent pas de rAccord intérimaire sur
le commerce et les questions afférentes,
signé en 1996 entre l'UE et Israël.
Inversement, les exportateurs
palestiniens sont contraints de faire
appel à des firmes israéliennes pour
pouvoir expédier fleurs coupées,
aubergines et fraises en Europe, sous le
label israélien, en contradiction avec
toutes les conventions internationales.
Malgré l'aide de I'UE (1,2 milliard de
dollars de 1993 à 1997), l'économie
palestinienne ne cesse de se dégrader et
l'accord de commerce et de
coopération ambitieux, signé en 1997
avec l'Autorité palestinienne, n'est pas
mis en œuvre en raison de l'obstruction
israélienne.
L'attitude du gouvernement
israélien durant le mandat de
Netanyahou ne met pas seulement en
danger les relations bilatérales, mais
aussi tout le projet de zone de libre
échange euro-méditerranéenne, mis en
chantier lors de la réunion de Barcelone
de 1995.
Le retour des travaillistes au pouvoir
Le 17 mai 1999, en un seul tour, les
électeurs israéliens choisissent à la fois
leurs députés et leur Premier ministre.
Après le retrait des autres candidats (le
Palestinien Azmi Bishara, Benny
Begin, candidat de l'extrême droite, et le
centriste Itzhak Mordechai), seuls le
Premier ministre sortant et son
challenger travailliste restent en lice.
Trois ans après sa victoire sur Shimon
Pérès, Benyamin Netanyahou est battu
largement par Ehoud Barak, qui
recueille plus de 56 % des suffrages.
La cause essentielle de sa défaite réside
dans le blocage systématique qu'il
impose depuis 1996 aux négociations
israélo-palestiniennes, avec ses
conséquences sur la société israélienne.
Autant l'avancée vers la paix est un
stimulant, comme en témoigne l'essor
de l'économie durant la période
travailliste avec 6 à 7 % de croissance
moyenne annuelle, autant l'impasse
quasi permanente depuis 1996 replonge
le pays dans la crise, ainsi que
l'illustrent le recul des investissements
étrangers, le ralentissement de la
croissance, la hausse du chômage et le
développement de la pauvreté et des
inégalités.
Le bilan de Netanyahou est
catastrophique et accélère 1 'effritement
de la société israélienne : avec
l'éloignement de l'idéal sioniste des
premières décennies d'existence de
l'État d'Israël -fondé sur la défense de
la« citadelle assiégée par l'ennemi
arabe », et sur la défense d'un mode de
vie relativement égalitaire cimentant la
société et intégrant les apports
successifs des flux d'immigrants-,
chacune des communautés constitutives
du corps social israélien se replie
désormais sur elle-même.
Les ultra
orthodoxes, les juifs orientaux et ceux
originaires de l'Union soviétique
remettent en cause l'hégémonie de la
bourgeoisie ashkénaze, d'une part, et
les Arabes israéliens et les ouvriers
immigrés non juifs revendiquent de
plus en plus le respec� de leurs droits,
d'autre part.
La composition de la
nouvelle Knesset reflète ce
morcellement : 15 partis y sont
représentés (contre 11 dans la
précédente), les formations à dominante
communautaire occupant 38 sièges sur
120 (26 élus en 1996) ; les religieux
détiennent 27 sièges (contre 23), tandis
que les groupes laïques progressent
avec 16 élus (contre 9).
La décision d'Ehoud Barak de former
un large cabinet coalition traduit sa
volonté d'impliquer le maximum de
forces politiques dans la reprise des
négociations avec 1 'Autorité
palestinienne et les voisins arabes, en
particulier la Syrie, ct d'apparaître
comme un fédérateur de la société.
Le
désir de paix de la majorité des
électeurs israéliens, 1 'acceptation de
plus en plus partagée, y compris au
sein de la droite, du principe d'un État
palestinien, offrent une base solide au
nouveau Premier ministre qui
s'engage pleinement en faveur d'une
reprise des négociations et d'une
ouverture en direction de la Syrie, en
vue d'un accord sur le sud du Liban
comme sur le Golan.
L'application.
»
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