Jean Moulin

« Jean Moulin (1899 -1943) , c'est d'abord une image : celle, illustre , qui le représente adossé à un mur , une écharpe nouée autour du cou, sur la tète un chapeau dont l'ombre lui masque une partie du visage , un énigmatique sourire (mais en est-ce un?) sur les lèvres .

Jean Moulin , c'est ensuite une voix : non la sienne , mais celle, profonde , lyrique, d'André Malraux prononçant l'éloge funèbre du héros de la Résistance lors du transfert de Jean Moulin , c'est enfin un nom : celui que portent maintes et maintes rues , places , écoles dans toute la France .

Cette image, cette voix, ce nom ont élevé Jean Moulin au rang de symbole de la Résistance française, de ces anonymes qui, aux heures sombres de l'Occupation , ont entrepris le long et périlleux combat pour la libération du pays .

Le symbole ne doit cependant pas occulter l'homme : haut fonctionnaire brillan~ artiste à ses heures, Jean Moulin refusa dés le début de se soumettre aux Allemands et parvint à réaliser le but qu'il s 'était fixé : unifier la Résistance .

Ille paya de sa vie.

une enfance heureuse aux côtés de son frère Joseph et de sa sœur Claire.

Il est passionné d'histoire et montre par ailleurs une réelle attirance pour le dessin et l'art en général.

LA FOIMAnoN Bachelier en 1917,1e jeune homme s'inscrit à la faculté de droit de Montpellier .

Parallèlement à ses études et grâce aux appuis de son père , il entre comme attaché au cabinet du préfet de l'Hérault C'est semble-t -il, durant cette période qu'il est initié à la franc­maçonne rie.

La Première Guerre mondiale le rattrape en avril1918.

Mobilisé, il est envoyé dans les Vosges après son instruction.

Mais l'armistice est signé en novembre sans qu'il ait eu à combattre .

1--------------1 De retour dans sa région natale un an plus tard , il reprend ses études et obtient une licence UN ENFANT DE LA RÉPUBLIQUE Jean Moulin voit le jour à Béziers , dans I'Héraul~ le 20 juin 1899.

Il est le fils d'AIItOIIin Mfllllill , un professeur d'histoire­géographie qui s'est engagé trés tôt dans la vie politique .

Membre du parti radical­ socialiste, Antonin sera adjoint au maire de Béziers et conseiller général de l'Hérault Franc-maçon, dreyfusard, membre de la Ligue des droits de l'homme , ce père admiré est un homme pétri des idéaux humanistes , défenseur de la justice sociale et de la laïcité, à l'Image de cette génération qui a permis l'affermissement de la Ill ' République .

Il aura une profonde influence sur son fils.

de droit en 1921.

Fort d'une première expérience remarquée , il choisit tout naturellement de s'engager dans la carrière préfectorale .

LE HAUT FONCTIONNAIRE UNE BIIUAN11 CAIIItiE PltFECTOIAU l'ascension de ce fonctionnaire hors pair sera fulgurante.

hon Moulin commence par la préfecture de I'Héraul~ où il a fait ses premières armes au service de la République durant ses études .

Il y occupe le poste de secrétaire général avant d'être muté à Chambéry , en Savoie , comme directeur de cabinet du préfet Ses mérites ne tardent pas à être récompensés : en 1925 , il est promu sous-préfet d'Albertville (toujours en Savoie).

A 26 ans, il est le plus jeune sous-préfet de France .

l'année suivante , il épouse la fille d'un notable , Marguerite Cerruti , mais cette union ne durera guère : le couple divorce deux ans plus tard.

C'est durant ce passage dans les Alpes qu'il se lie d'amitié avec Pitlft Cot.

Ce jeune député de Savoie de trois ans son ainé, ancien poilu de la Grande Guerre , est une figure montante du parti radical.

Cette rencontre aura une influence décisive sur sa carrière.

LE CONSEILLEI MINISThiEL En 1932 , Pierre Cot entre au gouvernement en tant que sous­ secrétaire aux Affaires étrangères .

Il appelle son ami Jean Moulin à ses côtés comme chargé de mission .

Cette première expérience dans les cabinets ministériels se poursuit les années suivantes , toujours au service du seul Pierre Col Jean Moulin est l'un de ses conseillers au ministère de l'Air en 1933 .

Cot perd son portefeuille au lendemain de la crise du 6 février 1934, mais le retrouve dans le gouvtmt~m Blum après la victoire du Front populaire, en 1936.

Au poste de directeur de cabine~ Jean Moulin se consacre à la nationalisation des industries aéronautiques .

Surtout, il sera en première ligne pour coordonner l'envoi clandestin d 'avions à destination des républicains espagnols après le coup d'État du général Franco , un soutien qui répond aux convictions antifascistes de ce républicain fervent UN PIÉFET MONDAIN n UN AIITISTE SOUS PSEUDONYME En février 1937 , Jean Moulin quitte le ministère de l'Air.

il vient d 'être nommé préfet- une fois encore, il est le plus jeune de France.

Sa première affectation est à Rodez, dans l'Aveyron.

Puis , après un nouveau et bref passage au côté de Pierre Cot au ministère du Commerce et de l'Industrie (de janvier à mars 1938) , il devient préfet d 'Eure-et-Loir et rejoint Chartres .

Parallèlement à sa carrière professionnelle, Jean Moulin n'a pas renoncé à sa passion de jeunesse pour les arts, en particulier le dessin.

Haut fonctionnaire le jour , il se meut le soir en dessinateur qui publie ses caricatures dans divers journaux satiriques .

Bien entendu, pour préserver le devoir de réserve due à sa charge officielle, il adopte un pseudonyme , signant ses œuvres Romanin .

Il exposera à plusieurs reprises ces aquarelles lors de différents salons et expositions .

Moulin ne dédaigne pas les mondanités et fréquente les endroits UN RÉSISTANT à la mode .

Lors de son passage à Albertville , il passe ses moments de loisirs à skier à Megève tnc-pognlt dtsonomi Pltlft Cot.

DE LA PREMIÈRE HEURE l'INSOUMIS DE CttAR'DES En août 1939 , à la déclaration de guerre, Jean Moulin , sergent de réserve , demande à rejoindre une unité combattante, mais l'Administration juge plus utile de le maintenir à son poste à Chartres .

En mai 1940 ,1'armée allemande déclenche son offensive et déferle sur la France.

Le préfet doit faire face à l'arrivée massive des populations chassées par les combats et tente d 'organiser leur accueil sous les bombardements.

Le 17 juin, les premières unités allemandes arrivent dans la ville.

Des officiers se rendent à la préfecture pour rencontrer le représentant de l'Étal D 'emblée, Jean Moulin montre sa force de caractère et son refus de toute compromission .

Les Allemands lui demandent en effet de signer un document accusant des tirailleurs sénégalais de l'armée française d 'avoir commis des atrocités envers des civils lors des combats dans la région- en réalité, ces crimes premier acte de résistance, son " premier combat •.

comme il l'appellera lui-même.

On le brutalise, il ne cède pas.

Il est aussitôt enfermé.

Dans la nui~ désespéré et craignant le déshonneur d'être contraint par la force de revenir sur son refus, il tente de se suicider en se tranchant Il est sauvé de ses geôliers.

Dès lors, il portera toujours un foulon/ ou une échorpt outour du cou pour dissimuler la cicatrice.

LA ltvOCAnON Soigné, Jean Moulin retrouve son poste à la préfecture de Chartres.

Pour peu de temps .

Le llllllrécho/ Pétllln arrive au pouvoir (16juin) , la république est abolie (10juillet), l'heure est à la • révolution nationale» .

Très vite, le régime de Vichy procède à une épuration des cadres de l'Administration jugés peu favorables aux nouvelles institutions .

Catalogué « préfet de gauche>>, Jean Moulin figure sur la liste.

Le 2 novembre 1940, il est révoqué.

Il gagne la zone libre et s'Installe à Saint-Andiol.

dans les Alpilles , où sa famille possède une maison.. »