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La Chine

Publié le 27/02/2008

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L'histoire de la Chine dans l'après-guerre, c'est l'histoire de la révolution chinoise elle-même, puisque la guerre civile qui aboutira à la fondation de la République populaire de Chine en 1949 éclate moins d'un an après Hiroshima et la capitulation japonaise. Le prestige de " l'ancien régime " et de son chef, Tchang Kaï-chek, avait cependant bénéficié de la victoire alliée : naguère encore (selon Sun Yat-sen, ancêtre commun des révolutionnaires chinois de toute obédience " semi-colonie " de tous les Blancs, la Chine se voyait d'emblée reconnue comme l'un des " Quatre Grands ", bénéficiaire d'un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies. En fait, cette imposante façade masquait une crise extrêmement grave, suffisamment avancée en 1945 pour qu'une poignée d'observateurs lucides aient pu pronostiquer la victoire des Communistes avant même le déclenchement de l'inévitable guerre civile. La " guerre de résistance " (c'est le nom que les Chinois de tous bords donnent aux huit années de lutte contre l'envahisseur japonais) avait pu faire de Tchang Kaï-chek le symbole de l'unité nationale, elle n'en a pas moins représenté pour le régime nationaliste chinois une épreuve démesurée, presque aussi impitoyable qu'avait été pour la Russie tsariste la lutte contre l'Allemagne de Guillaume II : les deux grandes révolutions de notre siècle sont filles des deux guerres mondiales. Un exemple parmi d'autres : l'effort de guerre ­ qui exige des dépenses accrues en un temps où la perte des provinces les plus développées (les provinces côtières) et la saisie des droits de douane maritime par l'adversaire japonais ont considérablement réduit les ressources ­ a déjà déclenché l'inflation dans laquelle sombrera le régime. Durant les huit années de guerre, les prix se sont multipliés par cinq cents : si modeste qu'apparaisse cette hausse par rapport au rythme vertigineux des derniers mois du régime (les prix se multiplieront par cent trente-cinq mille entre août 1948 et avril 1949), elle a déjà largement entamé, avec son sinistre cortège (corruption des fonctionnaires, spéculation des profiteurs de guerre, démoralisation des citoyens), la légitimité du gouvernement en place.
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« et mobiliser la majeure partie des villageois en renversant la domination séculaire des propriétaires fonciers, enconfisquant et en répartissant leurs biens.

Déjà achevée dans les " régions anciennement libérées " de Chineseptentrionale, la réforme agraire (c'est l'appellation anodine donnée par ses auteurs à ce gigantesque etdramatique transfert de propriété et de pouvoir) fut officiellement promulguée le 30 juin 1950 (neuf mois seulementaprès la victoire finale) et progressivement étendue à l'ensemble du pays.

En raison de la pression démographique, laréforme agraire aboutit à diffuser les micro-exploitations non viables, ce qui explique la rapidité extrême du passageà l'étape suivante : la redistribution des terres n'était pas encore achevée que déjà l'on organisait des " équipesd'entraide mutuelle ", bientôt remplacées par les premières coopératives de production.

Avec ces mesures de "transition vers le socialisme " qui la complètent et l'infléchissent (en réduisant à peu de chose une propriété privée àlaquelle elle venait de donner une diffusion sans précédent), la réforme agraire représente probablement latransformation la plus significative des premières années du régime, de toute cette première phase d'installation etde consolidation, qui ne s'achève définitivement qu'en 1955. Désormais débarrassée des tâches préalables et assez forte pour s'attaquer à l'œuvre de construction économique àlong terme, l'équipe révolutionnaire au pouvoir entreprend à partir de 1955 l'industrialisation du pays.

Pour ce faire,elle s'inspire étroitement du modèle soviétique : priorité à l'industrie lourde, qui bénéficie d'investissements six foissupérieurs à ceux qui alimentent l'énorme secteur agricole, et à l'amélioration de la productivité au détriment de larésorption du chômage.

Les résultats sont à la fois brillants et inégaux.

Ils reflètent le déséquilibre desinvestissements : l'industrie lourde progresse à pas de géant, l'industrie légère beaucoup moins vite, l'agriculturestagne et compromet par sa faible productivité et l'ampleur de ses fluctuations la régularité et la poursuite del'expansion industrielle elle-même.

Dès la fin du premier plan quinquennal, en 1957 (sur le papier, le premier plan acommencé en 1953, bien qu'on n'ait pas été en mesure de le faire démarrer de façon effective avant 1955), il estdevenu clair que la stratégie de développement appliquée par Staline en URSS n'est pas adaptée aux conditionschinoises.

1957 est l'année du grand tournant, le moment décisif où les révolutionnaires chinois s'écartent de la voiebalisée par le " grand frère " soviétique.

Avant même d'inaugurer une " voie chinoise " du développement, Mao Tsé-toung impose en 1957 à un Bureau politique divisé une expérience de libéralisation inédite en régime communiste :les fameuses Cent Fleurs (" que cent écoles de pensée s'affrontent et que cent fleurs s'épanouissent ").

L'épisoderévèle le mécontentement profond des intellectuels et de toute l'élite non communiste, qu'on se contenteradésormais de guider de façon autoritaire, plutôt que de courir à nouveau le risque de solliciter leurs critiques. Ce climat politique n'incite guère à consulter les experts et retient ces derniers d'exprimer leurs appréhensions,lorsqu'on lance en 1958 le Grand Bond en avant, dont l'échec déclenchera la première crise véritablement gravequ'ait subie le régime.

Il faut se garder néanmoins de condamner sans appel et sans nuances la nouvelle stratégiedu développement économique, incarnée par le Grand Bond : au lieu de compter sur les seuls investissementscoûteux qui épuisaient les rares capitaux d'un pays pauvre et n'employaient qu'avec parcimonie une main-d'œuvresurabondante, elle entreprend aussi de mobiliser cette dernière en l'attelant à de grands travaux (d'irrigation, dereboisement, etc.) ou en la répartissant dans une multitude d'ateliers ruraux à l'équipement sommaire, organisés etgérés par les Communes populaires rurales.

Mais l'affranchissement du modèle soviétique demeura incomplet, lesdirigeants chinois ne se résignant pas à rogner sur les investissements du secteur moderne.

Afin de procurer àl'agriculture et aux industries rurales le minimum d'équipement nécessaire pour rendre fructueux un labeur sansprécédent.

Ce ne fut pas, tant s'en faut, la seule erreur imputable aux planificateurs ou plutôt aux dirigeants quiimposaient leurs vues aux planificateurs, leurs normes aux responsables locaux, leurs méthodes et un rythme detravail insensé aux masses réticentes.

A partir de 1959, la production agricole puis industrielle tomba, échanges ettransports furent désorganisés et anémiés, et pour finir, un fléau qu'on avait pu croire à jamais conjuré fit saréapparition au cours des années noires 1960-1961 : la famine.

Le marasme économique imposa un nouvel ordre depriorité : l'agriculture bénéficie depuis le début des années 60 des investissements massifs qu'on lui avait jusqu'alorsrefusés, et l'industrie se préoccupe désormais de la servir, en lui fournissant par exemple les engrais chimiquesindispensables.

Dictée par la nécessité, cette réorientation salutaire a permis d'améliorer un peu la diète de huit àneuf cents millions d'hommes et assure un répit à la faveur duquel on peut tenter de poursuivre une industrialisationelle aussi nécessaire. La restauration de l'économie était, selon les secteurs, accomplie ou en bonne voie de l'être, au moment où la Chinepopulaire faisait exploser sa première bombe atomique (octobre 1964).

Coïncidant avec la chute de Khrouchtchev àMoscou, l'événement parut donner du poids aux ambitions du communisme dissident, qui, non content d'emprunterdepuis 1958 une voie vers le développement différente de la voie soviétique, avait en outre affirmé avec de plus enplus de netteté et de vigueur son originalité par rapport au modèle, puis son hostilité à l'encontre des "révisionnistes ".

Déclenchée en 1966, la révolution culturelle avait pour ambition affichée de prévenir en Chine ladégénérescence qui avait, aux yeux de Mao Tsé-toung, corrompu la révolution russe au point d'y restaurer lecapitalisme.

En fait, l'histoire interne de la révolution chinoise est la première responsable de cette nouvelle crise,qu'on comprendrait mal si l'on omettait de tenir compte des séquelles de la précédente.

L'échec du Grand Bond avaitprovoqué une crise politique : il avait, en particulier, accentué au sein de l'équipe dirigeante des divisionsantérieures à son déclenchement.

Mao Tsé-toung lui-même fut critiqué à mots couverts, son autorité fut contestéeet affaiblie : c'est en partie pour la recouvrer qu'il prit la responsabilité de déclencher la révolution culturelle.

Luttepour le pouvoir au sein des quelques dizaines d'oligarques qui dirigent le Parti Communiste, celle-ci fut en mêmetemps et indissociablement un combat pour telle ou telle politique, un conflit sur l'orientation à long terme, voiremême la signification de la révolution.

Mao Tsé-toung redoutait sincèrement que l'ensemble des mesures quivenaient de permettre la restauration économique ne rétablisse ou ne renforce du même coup les inégalités sociales,les privilèges des cadres, les pratiques et la mentalité capitalistes, etc.

Les critiques qu'il a prodiguées avecsarcasme ou fait reprendre par les gens de son entourage rappellent à l'occasion celles qu'avaient formulées, quatre. »

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