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La nature morte : interprétation de ce projet pictural

Publié le 22/02/2012

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    La nature morte se présente comme le projet de peindre de la vie ce qui est le plus ordinaire, le plus banal. Son projet est donc d'emblée modeste et c'est pour cela qu'elle occupe dans la hiérarchie des représentations picturales proposée par les écoles d'art, entretenues par les cours royales, l'échelon le plus bas. Cette hiérarchie correspond au schéma de "l'arbre porphyrique" selon lequel la réalité s'ordonne à partir de l'inanimé, l'incorporel, jusqu'à l'homme à l'âme immortelle et aux Idées.  [ N B : En effet, Porphyre, philosophe néoplatonicien, développe, dans la lignée de Plotin, une ontologie, une conception du réel, une théorie de ce qui est, selon laquelle le niveau sensible, empirique, du réel est dégradé, souillé, avili, tandis que le niveau intelligible du réel, composé d'Idées mène jusqu'au principe ultime. Cette ontologie postule que le réel est composé de niveaux hiérarchisés et elle est doublée d'un mysticisme car pour Porphyre, comme pour plotin, l'âme de l'homme est tombée dans la matière (corps) : l'âme, ici-bas est engagée dans la matière.

« aux prises avec le vice) et enfin viennent les hauts faits historiques destinés à témoigner de la grandeur de l'hommequi a su conférer à ses actions la valeur de l'éternité.

A travers la peinture d'un héros, c'est donc l'éternité conquisesur la mort qui est louée, mise en scène.

L'ambition de l'art est grande également lorsque la peinture cherche à nousmettre en présence d'un grand homme car il symbolise alors un Etat ou une nation.

En revanche, à l'écheloninférieur, nous trouvons les portraits d'individus qui nous présentent seulement une subjectivité, une personnalité,un être humain unique qui se contente d'être lui-même.

Notons toutefois que d'après "l'arbre porphyrique", cesportraits ont encore quelque noblesse puisque le sujet mis en scène est censé avoir une âme. Au contraire, la nature morte représente l'inanimé, le périssable : les choses, c'est-à-dire des fruits, des nappes,des assiettes, des ustensiles.

Ce projet de peindre l'ordinaire peut donc paraître ridicule et même grossier puisqu'onreprésente ce que la nature a de plus commun, de plus vulagire et ce que l'artifice humain, la technique humaine,produit de plus utilitaire. A ce titre, le problème posé par la nature morte se découvre d'emblée; autrement dit, si l'on saisit immédiatementles raisons qu'il y a à peindre des scènes religieuses ou des fresques historiques de par la majesté de sujets qui sesuffisent à eux-mêmes, pourquoi peindre des "natures mortes", pourquoi peindre le sans vie, l'insignifiant ? I.

La médiation de l'art est nécessaire pour percevoir le réel Si certaines représentations picturales occupent, dans la hiérarchie inspirée par Porphyre, les échelons les plusélevés, c'est par la noblesse de leurs motifs.

Ces représentations ont tout entières investies d'une "noble cause".Elles appartiennet à la catégorie d'un art qu'on pourrait dire, d'un mot certes anachronique, "engagé".

Engagé aunom de l'Eglise, ou engagé au nom de l'histoire. Mais si cet engagement a pu produire les chefs-doeuvre que nous connaissons, ne contribue-t-il pas également àalourdir l'œuvre d'un poids de motivation qui est peut-être extérieur à l'art? cette motivation religieuse ou historiquen'enferme-t-elle pas l'œuvre d'art dans une finalité (religieuse, historique, devoir de mémoire) qui empêche l'œuvred'apparaître comme un pur produit de la liberté de l'artiste ? Par contraste, l'énigme de la nature morte, l'impossibilité d'en cerner la finalité, la visée, pourrait bien, dans unpremier temps, lui conférer une certaine valeur; la nature morte apparaîtrait par conséquent comme un art auservice de lui seul et non plus de la morale, de l'histoire ou de la religion.

La nature morte serait ainsi le comble del'art : elle seraitl'art pour l'art.

Pas l'art pour lamorale, pas l'art subordonné à la commémoration ou à la religion.

L'artaurait l'art pour finalité.

Il n'aurait pas une finalité extérieure à lui même, comme peut l'être l'édification morale de lapeinture d'une scène biblique. La nature morte serait le symbole d'une art libre, détaché de toute visée religieuse, morale ou politique; Elleinviterait le spectateur à un semblable détachement.

La nature morte serait à regarder pour elle-mêmesans lemoindre effort de réflexion ou d'analyse.

N'étant pas alourdie d'un poids didactique, ne cherchant pas l'instructionhistorique ou l'édification morale, elle serait à regarder pour elle-même, sans questionnement, sans jugement.

Ici ceserait l'œil qui regarderait.

L'œil seul.

Et que regarderait-il, l'œil ? Des choses, simplement posées là, sans fonction.Des fruits impossibles à goûter, une assiette impossible à déplacer, une nappe au faux pli irrémédiable.

L'œildécouvrirait la souveraineté des choses, leur totale indépendance, la pénitude de leur forme sensible qui pour unefois est regardée pour elle-même.

L'œuvre d'art marquerait ainsi une rupture avec la vie active toujours gouvernéepar la notion de besoin, d'utilité.

Pour une fois, l'objet serait vu comme une fin en soi et non comme un moyen (citron, huître) ou comme un outil (nappe, verre).

La nature morte serait-elle alors l'école de la gratuité, du regarddésinterresé ? Dans la vie quotidienne, les choses ne sont jamais vues pour elles-mêmes mais saisies rapidement, schématiquementpar un coup d'œil de manière à être identifiées et reconnues dans leur fonction; On voit un monde fonctionspossibles, pas un monde d'objets.

Notre regard préfigure l'action, il est toujours motivé par nos intérêts.

Dans la viequotidienne (justement nommée aussi "vie active"), les choses n'existent jamais pour elles-mêmes.

Le monde quientoure l'homme est un monde servile, tout est un outil pour l'homme.

On pourrait appeler notre environnementmonde mécanisé, monde d'outils, d'instruments pour l'homme. En revanche, devant la toile de la nature morte, le fruit rayonne, devient le centre du monde.

Ce n'est plus l'homme,le centre du monde.

C'est la gauffrette, la mouche qui est centre, c'est la pomme qui est centre, la mûre, la poire.Et l'œil tourne autour, fasciné par ces objets rayonnants grâce à la peinture.

Le ragrd est happé par ces choses siinjustement oubliées , cette corbeille de verres, cette assiette, ce morceau de pain.

Le monde des choses n'est plusservile, assujetti à une fonction, subordonné aux besoins huamins ; cette fois, c'est le regard de l'homme qui estpétrifié, enchanté par ces choses devenues autonomes, devenues des fin en soi et non plus des moyens.

Il y a unbouleversement par rapport à l'instrumentalisation du monde qui caractérise la vie quotidienne. Et puis il y a un renversement qui tient à la magie, au merveilleux : la vie dévoile ses plis intimes, la profusion de sesdétails, de ses espèces, son infinie variété, et cela devant le regard étonné de l'homme.

profusion des fruits,profusion des fleurs entremêmées toutes espèces confondues.

La gloire, la beauté, la grâce sont du côté de l'objet.. »

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