La révolte des cipayes

« • La plaine du Gange , qui s'étend entre ces deux régions , en est entièrement dépourvue .

La révolte s'y propage d'autant plus vite.

En trois semaines, les garnisons des régions du Doab et du Rohilkhand se mutinent les unes après les autres.

Les Européens fuient les massacres et l'administration coloniale se désagrège.

Au cours du mois de juin, la rébellion gagne la région de l'Aoudh et atteint Azamgarh et Gorakhpur , aux confins du Bihar .

Les troupes britanniques ne tiennent plus alors , entre Delhi et Patna, que le fDrl d'Agm, un retranchement médiocre à Kanpur et un autre à Lucknow, trois positions bientôt assiégées où s'abritent des centaines de réfugiés civils .

• E11rl Clltlms Clllllllllf, le gouverneur général en poste depuis 1856 , se fixe alors deux objectifs: chasser les rebelles de Delhi et dépêcher des troupes britanniques à Calcutta en vue de réoccuper la plaine du Gange .

l'envoi dans la région, depuis Madras, des fusiliers du colonel James Neill marque le début de la répression qui dégénère bientôt en terreur .

Le 3 juin 1857 , Neill reprend le contrôle de Bénarès et d'AIIahabad, avant de lancer aux alentours une impitoyable chasse aux suspects ponctuée d'exécutions sommaires .

LE DIAME DE KANPUI • La nouvelle de ces représailles est à l'origine du drame qui va se nouer à Kanpur, à plusieurs centaines de kilomètres à l'ouest.

Cette importante ville-carrefour héberge trois régiments de cipayes qui se sont mutinés le UN SOUI!vEMENT UMM DANS L'ESPACE Bien que plusieurs chefs rebelles parviennent à prendre la fuite, la rébellion dans l'Inde centrale a vécu.

4 juin 1857 .

• Une grande partie du sous-continent Les mutins , n'est paS touchée par la révolte des LA SOUMISSION DU ROHILJ(HAHD conduits par cipayes .

C'est le cas notamment du ::.:n'=D:.:Ec::L'":A:=o"'uD::..:H'--:,---:-=---:-- N•IIII Stlllib, Pendjab , au nord-ouest de Delhi , ·En avril1858 , Campbell lance sur le héritier conquête certes récente mais Rohilkhand quatre colonnes de soldats du dernier fermement tenue en main par l'élite qui convergent vers Bareilly, la capitale peshwa coloniale.

D'ailleurs, le souvenir encore de la région .

Le 5 mai, celles -ci y marathe frais de la domination moghole, très affrontent l'armée de Khan Bahadur , déposé par impopulaire, y exdut toute sympathie petit -fils du dernier roi pathan , dans les Britanniques active pour la cause de Bahadur Shah.

une bataille décisive .

Battu , Khan Bahadur en 1811 , assiègent quelque quatre • C'est également vrai du Bengale , s'enfuit Au cours des semaines cents Européens retranchés dans dans le nord-est du pays, possession suivantes , les Britanniques reprennent deux casernements hâtivement fortifiés britannique depuis un siècle, dont le contrôle de l'ensemble du Rohilkhand .

dans l 'attente de secours .

Les cipayes la brillante intelligentsia anglophone Il leur reste à pacifier l'Aoudh .

proposent aux assiégés , en échange de et l'aristocratie foncière ont partie • La reconquête de l 'Aoudh passe par leur capitulation , de leur laisser la vie liée avec le régime colonial.

une réforme de l'administration des Indes .

sauve et de leur permettre de rejoindre • C'est enfin le cas de la totalité de En aoOt 1858 ,le Parlement de Londres Allahabad par le Gange .

!:offre est la péninsule du Dekkan , dans le sud, met fin à la domination de la Compagnie acceptée .

Le 27 juin 1857 , alors que qui n 'a jamais apporté son soutien au des Indes orientales sur le pays.

Le sous - les assiégés sont en train d 'embarquer, soulèvement des cipayes.

Ces vastes continent passe alors sous l'autorité une fusillade éclate .

La flottille prend régions ont fourni à la répression directe de la couronne britannique .

feu, provoquant une hécatombe .

britannique des bases solides et Annoncée par la reine Victoria en Seuls cent vingt -cinq femmes et enfants des renforts décisifs .

Ainsi, les soldats personne , cette réforme sera promulguée survivent au sikhs du Pendjab, comme les cipayes le 1 " novembre 1858.

La souveraine drame.

Ils sont de Bombay et de Madras, ont joué s 'engage à protéger les princes indigènes , ramenés captifs un rôle essentiel dans l'écrasement à respecter les religions et les coutumes dans Kanpur .

de la rébellion.

locales et accorde son pardon à tous Le 17 juillet 1-------------+les rebelles, à l'exception des meurtriers 1857,1orsque le de sujets britanniques.

général He11ry a repris Delhi, le rejoint à Kanpur • Cette 11m111stie conduit une partie H1111elock après avoir reconquis Agra au passage.

des landlords , LA DtUVIANCE DE LUCKNOW Le 17 novembre 1857, les cipayes de les grands Lucknow sont vaincus et l•l'ésitle11ce propriétaires est tlélivlft et évacuée .

fonciers qui avaient apporté leur soutien aux cipayes dans l'espoir de bénéficier de pouvoirs • Cependan~ quelque 30 000 cipayes assiègent depuis le début juin 1857 accrus, à se soumettre .

Beaucoup de cipayes mutinés retournent dans leurs villages.

En octobre 1858 , Campbell lance sa campagne finale .

Il cerne l'Aoudh, dernière région insoumise, par un puissant cordon de troupes qui progresse vers le nord .

Réduisant une à une les poches de résistance tenues par des chefs locaux , les forces britanniques repoussent les rebelles vers la frontière du N épal et les forcent à la franchir la résidence du gouverneur britannique à Lucknow, sir Henry Lawrence , où 3 000 Européens , dont 1 700 soldats, ont trouvé refuge .

Le général Havelock, qui dispose de moins de 2 000 hommes, doit attendre des renforts pour se porter à leur secours .

• Le 6 août, les cipayes qui contrôlent Lucknow annoncent que la région de LA IECONQuhl DE L'INDE CENTIALE à la fin du mois de décembre .

1------------..., l'Aoudh a de nouveau un roi, Bi~is Qadr , fils du raja autrefois détrôné .

Avec l'arrivée • Des renforts affluent à présent de métropole .

Le roi du Népal se joint aux Britanniques à la tête de 10 000 Gurkhas .

En février 1858 , après une préparation méticuleuse , Campbell entame la reconquête de l 'Aoudh .

Au même moment , la guerre fait rage dans l'Inde centrale , véritable mosaïque d'États princiers sous tutelle des Britanniques.

• Nana Sahib , Kahn Bahadur et les quelques milliers d'hommes qui les suivent encore sont ainsi rejetés en territoire hostile, où ils sont pourchassés llivOIJE SPONTANéE OU COMPLOT? •l'analyse du siaM des cipayes, la chronologie des événements et la localisation des mutineries indiquent à l'évidence que la révolte n'a résulté d'aucun plan préconçu .

• Pourtan~ beaucoup de témoins -et d'historiens, à leur suite -ont cru bon de crier au complot On a ainsi incriminé tantôt Bahadur Shah, tantOt le roi détrôné de l'Aoudh, tantôt Nana Sahib, voire une conjuration des musulmans de 11nde .

Certains ont même vu dans la révoltes des cipayes une machinerie souterraine de la Russie ou de la Perse .

• Aucune de ces assertions n'est solidement étayée, et la révolte s'explique sans qu'Il soit besoin de chercher un responsable afin de détourner l'attention des causes profondes de celle-ci, dont le réformisme social, le prosélytisme des missionnaires et la politique de modernisation engagée par lord Dalhousie ne sont pas les moindres .

de Sahib à Lucknow , la ville devient le symbole de la rébellion de l'Aoudh.

• Le 15 septembre 1857 , alors que le général John Nicholson a repris Delhi au terme de six jours de combats acharnés , le général Havelock reçoit enfin les renforts attendus.

À la tête de plus de 3 000 hommes, il se rue sur Lucknow, parvenant au prix de grosses pertes à entrer dans l'enceinte de la résidence.

Toutefois, trop faible pour organiser l'évacuation d 'une population non combattante de femmes et d'enfants , il se trouve à son tour pris au piège.

Et le siège se poursuit ·C'est seulement au début du mois de novembre que le nouveau commandant en chef de l'armée des Indes , sirColi11 C••pbell, parvient à se porter au secours des assiégés de Lucknow .

Une colonne de l'armée qui • Mais , là aussi , les Britanniques , qui ont renforcé leurs effectifs, engagent une reconquête vigoureuse, accompagnée d 'une sévère l'épresslo11, sous la conduite du général sir Henry Rose .

De bataille en bataille, Rose reprend Jhansi le 3 avril1858, puis Kalpi le 23 mai.

Les troupes rebelles en fuite , fortes encore de 7 000 hommes , marchent alors sur Gwalior .

Elles balaient la résistance du prince qui leur est hostile, s'emparent de son imposante forteresse -ainsi que de son trésor- et rallient ses troupes à leur cause.

Le souverain est restaur é en la personne de Nana Sahib .

• Rose se lance aussitôt à leur poursuite et Gwalior est reprise le 19 juin 1858 .

par les troupes népalaises à traver s les jungles des piémonts himalayens .

Environ 2 000 rebelles sont pris et livrés aux Anglais, parmi lesquels Kahn Bahadur , qui est jugé et pe11du.

Nana Sahib disparaît.

Quant à l 'empereur mogol Bahadur Shah, il est jugé en 1859 par une commission spéciale qui ordonne son bannissement en Birmanie où il mourra trois ans plus tard.

• De petites unités de l'armée des Indes continuent jusqu 'à la fin de l'année 1859 à traquer des bandes insoumises dans diverses régions .

Cela n 'empêche pas lord Canning de proclamer le retour à la paix le 8 juillet 1859.

UNE DtfAm INOOAILE • Ignorants du monde extérieur, les cipayes n'avaient aucune conscience de l'importance du véritable potentiel militaire britannique .

En cela réside la cause première de leur défaite .

À l'inverse , la situation des Britanniques , présents en très petit nombre dans le sous-continent au milieu de 200 millions d'Indiens , aurait pu devenir beaucoup plus critique .

• Il aura manqué aux cipayes un véritable chef, une stratégie d 'ensemble et une indispensable unité d'action pour transformer leur révolte en victoire sur les Britanniques .

La rébellion des cipayes n'a été qu'une addition de soulèvements locaux non coordonnés, que les Britanniques ont réduit un à un.

Dans chaque garnison mutinée , les cipayes ont hésité sur la conduite à suivre, restant souvent longtemps inactifs avant de se jeter dans la mêlée .

Plus largemen~ les cipayes ont payé le prix, jusque dans leur révolte, de leur condition de dominés.

Membres subalternes d 'une armée dont tous les cadres sont britanniques , ils ont combattu sous l'autorité de princes qui, nés sous le joug colonial , ignora ient tout de l'art de la guerre .

• Bien qu'elle se soit soldée par un échec militaire et politique, la révolte de 1857 a sensiblement modifié les relations entre Britanniques et Indiens .

Le souvenir durable des atrocités commises de part et d'autre a inévitablement avivé l'antagonisme réciproque.

• À partir de 1860, la domination coloniale devient résolument conservatrice .

Le réformisme cède la place à la prudence .

Londres n'intervient plus directement dans les coutumes, se bornant à maintenir la paix intérieure.

Les hiérarchies traditionnelles, notamment la place des princes , en sortent renforcées .

La pratique des annexions foncières cesse .

• Parallèlemen~ la composition de l'armée des Indes est rééquilibrée -100 000 cipayes de moins et 20 000 Européens de plus -et réorganisée sur la base des castes et des religions.

Ainsi fractionnée en communautés homogènes , l'armée des Indes devient moins susceptible de faire bloc contre ses maîtres .

!:ordre ainsi assuré, l'impérialisme britannique atteint son apogée .

UN MYTHE FONDATEUI • Dans les rangs du mouvement nationaliste qui prend son essor au cours des années IBBO, la révolte de 1857 est présentée comme une vèritable guerre d'Indépendance, conduite par d'authentiques chefs nationaux animés d'une volonté concertée de libérer le pays de la domination étrangère .

• ta cause de l'émancipation trouve là ses premiers héros et ses premiers martyrs.

Cette présentation des événements est encore aujourd'hui la version officielle et demeure profondément ancrée dans la consàence collective .

• Aujourd'hui, la plupart des historiens, indiens comme occidentaux, s'accordent pour dire que la révolte des cipayes a été à la fois beaucoup plus qu'une mutinerie et moins qu'une guerre d'Indépendance .. »