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La révolution des œillets : Comment, un jour d'avril 1974, le Portugal sort de près de cinquante ans de dictature

Publié le 11/11/2018

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portugal

RENOUVEAU ET ESPOIR

En ce 25 avril 1974, il ne faut que quelques heures aux troupes dirigées par le Mouvement des forces armées (MFA) pour asseoir leur coup d'État militaire et renverser la plus ancienne dictature d’Europe.

Cette «révolution des Œillets»,

initiée par de jeunes militaires d'extrême gauche, lassés par l’impasse des guerres coloniales et les conséquences économiques désastreuses qu'elles engendrent dans le pays, va littéralement bouleverser les structures sociales portugaises et ramener ce pays extrêmement pauvre dans le giron de l’Europe.

• Au terme de cette révolution pacifique, qui ne se solde que par six morts, victimes d’une fusillade déclenchée par les membres de la police secrète du régime salazariste, le Portugal entame un processus de modernisation et de décolonisation qui, douze ans plus tard (1er janvier 1986), le conduit à intégrer la Communauté européenne, en même temps que l’Espagne.

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Tandis que les pays occidentaux opèrent une profonde mutation culturelle et sociale, le pays est en proie à l'immobilisme.

 

La pauvreté est omniprésente, on compte 30% d'illettrés au sein de la population, les salaires y sont les plus bas d'Europe. En 1970, le taux de mortalité infantile est de 58 %o; 57% des logements n'ont pas l'eau courante, et 36%, pas d'électricité.

 

Entre 1960 et 1974, plus de

 

1 million de Portugais quittent le pays pour aller gagner leur vie ailleurs ou fuir leur enrôlement dans les guerres coloniales qui se sont déclarées en Afrique.

Des grèves ouvrières et étudiantes se déclenchent sporadiquement.

La bourgeoisie et les industriels, traditionnels piliers du régime, réclament un assouplissement de la politique autarcique mise en place depuis plus de trente ans.

 

C'est dans cette situation de déliquescence qu'en 1968 Marcelo Caetano (1906-1980) succède à Salazar, contraint à la retraite par une attaque cérébrale. Les timides tentatives de réforme politique prônées par le nouveau président sont minées de l’intérieur par l’oligarchie en place et la toute-puissante police politique.

Le fardeau
DES GUERRES COLONIALES
• Dès le début des années 1960, le Portugal, comme la plupart des autres pays européens, doit faire face aux mouvements de libération qui se sont développés dans ses colonies africaines, à savoir l'Angola, le Mozambique, Sâo Tomé et Principe, la Guinée (actuelle Guinée-Bissau) et Cabo Verde (les îles du Cap-Vert).
La lutte des factions
À l'euphorie de la libération succède une période instable où les factions militaires, les partis politiques naissants et les syndicats tentent tous de faire prévaloir leurs idées.
Le 16 mai, un gouvernement est désigné, avec à sa tête le général de Spinola, président de la République par intérim. Âlvaro Cunhal, Francisco Sà Carneiro, le président du tout nouveau Parti démocratique populaire, et Mârio Soares sont au nombre des ministres.
Le nouveau pouvoir dissout la PIDE et les institutions de l'ancien régime, et rétablit les libertés fondamentales, comme le droit de grève et la liberté d'association et d'expression. Des secteurs clés de l'économie sont également nationalisés.
Cependant, très vite, des dissensions se font jour sur le devenir des colonies. Le général de Spinola, qui n'est pas favorable au processus d'indépendance mais à l’intégration des colonies dans une fédération, tente de rameuter les éléments les plus modérés, mais il est contraint à la démission le 30 septembre, sous la
pression des militaires d’extrême gauche conduits par le major de Carvalho et le général Vasco
Conçalves (1921-2005).
Désormais le pouvoir est aux mains du Mouvement des forces armées, la présidence de la République étant confiée au général da Costa Gomes. Mârio Soares, en tant que ministre des Affaires étrangères, entame aussitôt des négociations avec les mouvements indépendantistes des colonies.
portugal

« GIIANDOLA.

VILA MORENA LA LUTTE DES FACTIONS Voici le texte de la chanson de José Alfonso qui donne le signal du coup d'État, le 25 avri1 1974.

• À l'euphorie de la libération succède une période instable où les factions militaires, les partis politiques naissants et les syndicats tentent tous Grândola, vila morena Terra da fraternidade 0 povo é quem mais ordena Oentro de ti, 6 cidade Dentro de ti, 6 cidade 0 povo é quem mais ordena Terra da fraternidade Grândola, vila morena fm coda esquina um amigo fm cada rosto igualdade Grândola, vila morena Terra da fraternidade Terra da fraternidade Grândola, vila morena fm cada rosto igualdade 0 povo é quem mais ordena A sombra duma azinheira Que jti nào sabia a idade Jurei ter par companheira Grândola a tua vontade Grândola a tua vontade Jurei ter por companheira A sombra duma azinheira Que jti nào sabia a idade insurgés, qui les fichent dans le canon de leurs fusils.

• En seize heures, la révolution dite désormais • des Œillets» triomphe du régime dictatorial.

les généraux Ant6nio de Spinola et Francisco da Costa Gomes s'étant aussitôt ralliés à leur cause.

Ils fournissent des renforts pour annihiler toute résistance.

• Le président Caetano, qui s'est réfugié dans la principale caserne de gendarmerie de Lisbonne, est encerclé par les insurgés.

Vaincu, il se rend à un jeune capitaine d'artillerie, Salgueiro Maia, remet sa démission et nomme le général de Spinola à la tête de l'État, afin que le pouvoir «ne tombe pas dans la rue».

Caetano est alors immédiatement exilé vers le Brésil.

• Seule la police politique oppose une résistance armée et tire sur la foule, faisant six victimes.

LES TROIS D • le lendemain du coup d'État, le général de Spinola annonce la formation d'une junte de salut national, placée sous sa présidence et composée par deux généraux de l'armée de terre, deux généraux de l'armée de l'air et deux amiraux.

Il annonce également que le pouvoir sera remis aux civils au terme d'élections libres.

Enfin, il présente la politique définie par le MAF.

Grândola, ville brune Terre de la fraternité de faire prévaloir leurs idées.

Le peuple est celui qui commande le plus À l'Intérieur de toi, ville • Le 16 mai, un gouvernement est désigné, avec à sa tête le général de À l'Intérieur de toi, ville le peuple est celui qui commande le plus Terre de la fraternité Grândola, ville brune Dans chaque coin un ami Dans chaque visage un ami aussi Grândola, ville brune Terre de la fraternité Terre de la fraternité Grândola, ville brune Dans chaque visage un ami aussi le peuple est celui qui commande le plus À l'ombre d'un chêne Dont je ne savais pas l'âge Je t'ai juré comme compagne Grândola à ta volonté Grândola à ta volonté Je t'ai juré comme compagne À l'ombre d'un chêne Dont je ne savais pas l'âge.

Spinola, président de la République par intérim.

Alvaro Cunhal, Francisco Sà Carneiro, le président du tout nouveau Parti démocratique populaire, et des partis politiques, la population et Mario Soares sont au nombre des descen d dans les rues, encerclant ministres.

les casernes.

La grève générale est • Le nouveau pouvoir dissout la PIDE décrétée.

et les institutions de l'ancien régime, • L'échec des putschistes renforce le et rétablit les libertés fondamentales, pouvoir du MAF, qui remplace la Junte comme le droit de grève et la liberté de salut national par un Conseil d'association et d'expression.

Des suprême de la révolution.

Les banques secteurs clés de l'économie sont sont nationalisées et les grands également nationalisés.

domaines fonciers de l'Alentejo • Cependant, très vite, des dissensions confisqués au nom de la réforme se font jour sur le devenir des agraire.

colonies.

Le général de Spinola, qui • Ces initiatives plongent le pays dans n'est pas favorable au processus un marasme économique aggravé par d'indépendance mais à l'intégration le retour de quelque 700 000 rapatriés des colonies dans une fédération, des colonies.

tente de rameuter les éléments les • Un mois plus tard {25 avril), à l'issue plus modérés, mais il est contraint à des premières élections libres la démission le 30 septembre, sous la organisées dans le pays, les partis pression des modérés sont plébiscités par les militaires électeurs.

Le Parti socialiste (PS) d'extrême obtient 38% des voix; le Parti gauche populaire démocratique (POP), 27%.

conduits par • Mario Soares réunit autour de lui • Cette politique dite des "trois D » le major de les opposants aux extrémistes, dont (démocratiser, décoloniser et Carvalho et le radicalisme effraie de nombreux développer) s'oppose radicalement à le général représentants des petite et moyenne l'ancienne politique des «trois F» (fado, Vasco bourgeoisies.

Fatima et football) prônée par Salazar.

Gonçalves {1921-2005).

• Le 10 juillet, le PS et le POP quittent • Les prisonniers politiques sont • Désormais le pouvoir est aux mains le gouvernement de Vasco Gonçalves, aussitôt libérés; l'existence des partis du Mouvement des forces armées, qui tentait de les assujettir.

politiques et des syndicats est de la présidence de la République étant • Au sein même du MAF, les divisions nouveau légale.

confiée au général da Costa Gomes.

sont palpables.

Les factions modérées • les leaders politiques en exil rentrent Mario Soares, en tant que ministre des du Mouvement s'allient aux principaux au pays.

Le Affaires étrangères, entame aussitôt partis politiques pour faire tomber socialiste des négociations avec les mouvements Vasco Gonçalves le 29 août.

Morio indépendantistes des colonies.

• En octobre, les chefs conservateurs Soares de l'armée reprennent le contrôle des (né en unités militaires les plus à gauche en 1924) démobilisant plusieurs milliers arrive le C'est au cours de l'année 1975 que d'hommes.

29 avril, se joue véritablement le sort de la • Le tournant décisif de la révolution et le communiste Alvaro Cunhal, le révolution.

des Œillets se produit le 25 novembre lendemain.

Ils célébreront ensemble, • Le 11 mars, des militaires partisans 1975, avec une tentative de coup d'État dans les rues de Lisbonne.

la première du général de Spinola tentent un coup menée par les unités militaires les plus fête du 1" mai non interdite.

d 'État.

Aussi tôt, à radicales.

Vaincus, ils se rendent aux f------------ - --L..

____ _;__.:...:_ __ _,_ _ __, unités commandée s par le lieutenant- OTELO SARAIVA DE CARVALHO colonel Antonio Ramalho Eanes.

Ottllo Saraiva premiers mouvements de contestation • le printemps révolutionnaire a vécu.

titi Carvalbo qui, qui se propagent dans l'armée.

Trois Son capitaine emblématique, Otelo plus tard, sera le ans plus tard, il rentre à Lisbonne et Saraiva de Carvalho, a perdu tout symbole participe à la réunion secrète qui pouvoir, et le parti communiste est emblématique du réunit 136 officiers à Evora.

le 25 avril contraint d'adopter une position plus Mouvement des 1974, il prend la tête de la révolution modérée.

capitaines est né des Œillets.

En juille� il est promu • Un compromis émerge quant au dans la capitale du général de brigade et se voit attribuer partage des pouvoirs.

les militaires y Mozambique, lourenço Marques le commandement de la région conservent un rôle important, dans (aujourd'hui Maputo), en 1936.

Issu militaire de Lisbonne.

À peine nommé une société fondée sur le pluralisme d'un milieu modeste, il effectue ses général, il est démis de ses fonctions politique et la diversification études secondaires à Maputo, avant après la tentative de coup d'État économique.

de partir pour Lisbonne à l'âge de dix- d'extrême gauche du 25 novembre.

neuf ans, et entre à l'académie Arrêté pour abus de pouvoir, il reste militaire.

Ses études terminées, il en prison quarante jours avant d'être participe aussitôt à la guerre coloniale libéré.

L'année suivante, il se présente qui vient de se déclencher.

Envoyé en à l'élection présidentielle, puis est de Angola dès 1961 en tant que sous- nouveau arrêté et privé de ses droits lieutenant, il y combat jusqu'en 1967, civiques.

En 1979, il est versé dans avec le grade de capitaine depuis l'armée de réserve.

En juin 1984, il est 1965.

En 1970, il est envoyé en Guinée de nouveau arrêté pour appartenance portugaise, où il sert sous les ordres à une organisation terroriste, mais il du général de Spinola en tant que obtient sa liberté conditionnelle en responsable des affaires et de la 1989.

Depuis, il a quitté l'armée et propagande civile.

C'est à cette s'est reconverti dans l'import-export période qu'il rejoint les avec les anciennes colonies.

LA DtCOLONISATION les négociations entreprises en 1974 par Mario Soares avec les différentes factions indépendantistes aboutissent très vite au retrait des troupes portugaises et à l'accession à l'indépendance des colonies africaines.

• La Guinée obtient le statut d'État souverain le 10 septembre 1974.

Suivront le Mozambique le 25 juin 1975, puis les iles du Cap-Vert (5 juillet) ainsi que Sâo Tomé et Principe le 12 juillet.

Enfin, l'Angola et l'enclave de Cabinda y accèdent le 11 novembre.

• Suite au retrait portugais, l'Angola et le Mozambique deviennent un des enjeux de la guerre froide, Cuba envoyant même un corps expéditionnaire défendre le régime marxiste en place.

Ces deux pays seront ravagés par la guerre civile durant deux décennies.

• En Asie, le Timor est évacué en 1975 et aussitôt envahi et annexé (1976) par l'Indonésie, sans l'aval de l'ONU.

• Reste Macao, qui ne reviendra à la Chine qu'en 1999, conformément aux accords conclus entre Lisbonne et Pékin en mars 1987.

LA PÉRIODE SOCIALISTE • Après la période de tumulte révolutionnaire, le peuple apporte sa confiance au Parti socialiste.

Une nouvelle Constitution est promulguée le 2 avril 1976.

Désormais, le président de la République est élu au suffrage universel, mais ses pouvoirs sont considérablement limités.

• Dans la foulée, de nouvelles élections législatives confortent la prééminence du PS, qui recueille 35% des voix, suivi du Parti démocratique populaire (24%).

Mario Soares, nommé Premier ministre, entreprend la modernisation et la démocratisation du pays, qui conduira à son adhésion à la Communauté européenne.

• Le 27 juin 1977, 1e général Antonio Ramalho Eanes, un militaire modéré, est élu à la présidence de la République avec 60% des voix.

Il restera en poste jusqu'en 1986, date de l'entrée du Portugal dans la Communauté européenne.

L'ADHÉSION À LA COMMUNAUTÉ tCONOMIQUE EUROPtENNE • Pour la première fois depuis la révolution des Œillets, un gouvernement de centre droit obtient une majorité au gouvernement en 1979.

Francisco Sa Carneiro devient alors Premier ministre, jusqu'en 1980, où il périt dans un accident d'avion.

Il est remplacé par Francisco Pinto Balsemao.

• Le Conseil de la Révolution, ultime vestige de l'épopée des capitaines du 25 avril, disparaît lors d'une révision de la Constitution, le 24 septembre 1982.

• La dernière phase de la politique des trois D, prônée par le MAF, est désormais en marche.

L'heure est au développement.

·Mario Soares, revenu aux commandes, axe toute sa politique étrangère sur l'adhésion à la CEE.

En 1984, il signe à Dublin un constat d'accord qui rend irréversible le processus d'adhésion.

le 1" janvier 1986, le Portugal intègre officiellement l'Europe des Douze, en compagnie de l'Espagne.

Enfin, en 1998, sous le gouvernement d'Ant6nio Guterres, la situation économique favorable permet au Portugal d'intégrer le groupe des onze pays qui ont choisi l'euro comme monnaie unique.. »

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