L'AFFAIRE Brasillach
Publié le 08/12/2018
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«
!.:AFFAIRE
BRASILLACH.
Plus fascisre que nazi,
Roberr Brasillach
n'en esr pas moins fasciné
par le llf Reich.
Ci-conrre: l'teri vain
à so n rerour d'Allemagne,
en novembre 1941,
enrouré norammem de
P ie rre Drieu La Rochelle
(à gauche)
et d'Abel Bonnard.
© Il.
Roger -Violier L'AFFAIRE
BRASILLACH.
Ridocteur
en chef dt
Je suis partout
(ci-contre),
écrivain de renom,
Robert Brasillach
s'engage rapidement
dans la voie
de la co llabo ra tio tl.
© Kharbine • Tapabor
des comptes est venue pour les hommes compromis dans la collabora
tion: parmi eux, des intellectuels qui doivent répondre de l'acte d'é
crire, d'exprimer des pensées et des jugements à une époque où le
pouvoir des mots peut être effrayant.
Comment évaluer leur responsa
bilité, comment les juger à l'heure où chacun juge, où d'autres intel
lccwels dressent des réquisitoires dans les organisations et la presse
issues de la Résistance? Le procès de Robert Brasillach pose cette
question avec une acuité particulière et témoigne d'une époque où
toute une génération a dû choisir son camp, en fonction de convictions
emêmes.
La courte vie de Brasillach est celle d'un intellectuel engagé
du mauvais côté, en un temps où l'erreur de jugement n'admet pas le
pardon.
Traître Brasillach? Ou «poète assassiné»? Un demi-siècle
après, la question est encore posée.
UN INTELLECfUEL ID ÉALISTE
Robert Brasillach naît en 1909 d'un père officier de carrière
qui sera tué en 191� au Maroc.
Brillant sujet, il est bachelier à quinze
ans puis prépare l'Ecole normale supérieure au lycée Louis-le-Grand.
C'est un littéraire qui écrit avec beaucoup d'aisance, curieux de tout,
ct singulièrement de poésie, de culture grecque et latine.
Tout jeune,
il publie Présence de Virgile et un roman, le Voleur d'étincelles.
Il
évolue dans les milieux des normaliens de sa génération qui cultivent
des idées pacifistes, traditionalistes ou anarchistes, dans tous les cas
extrêmes et assez éloignées des réalités sociales et politiques.
Beau
coup sont attirés par le marxisme, d'autres, aussi nombreux, subissent
l'influence de Maurras.
C'est le cas de Brasillach qui, plein de mépris
pour le personnel politique en place, souhaite avec force et enthou
siasme que l'on bâtisse quelque chose de «nouveau, de propre, d'hon
nêle».
Ce rêve amènera pour lui la tentation du fascisme, sans qu'il en
imagine la redoutable dérive.
Dans Notre avant-guerre, il écrit: «Ûn ne s'étonnera pas, si
pris entre le conservatisme social et la racaille marxiste, une bonne
part de la jeunesse hésitait ( ...
].
Les triomphes de 1936 révélaient des
injustices abominables, faisaient espérer des réformes nécessaires et
justes ( ...
).
Hélas! les réformes annoncées se faisaient bientôt dans
une atmosphère de gabegie, d'excès, de démagogie et de bassesse
inimaginable.
C'est ainsi que naît l'esprit fasciste.»
Avec Thierry Maulnier, il collabore bientôt à l'Action fran
çaise, la revue de Charles Maurras.
Comme son maître, s'il est fasciné
dans les années trente par le nationalisme allemand, il est aussi mé
fiant: «Ce pays est d'abord[ ...
] et prodigieusement, et profondément,
un pays étrange» (les Sepr Couleurs).
Un peu plus tard, au moment de
l'accord «germano-bolcheviste>�, il affirme: «Partout, toujours, Maur- ras
avait eu raison.
Le plus extraordinaire, l'accord des nationaux
socialistes allemands et des bolchevistes russes, il ne s'était pas passé
de mois, depuis les débuts de l'hitlérisme, qu'il ne l'eût annoncé»
(Notre avant-guerre).
Pourtant, plus proche intellectuellement du ro·
mantisme fasciste que du nazisme, Brasillach est hostile à un conflit
avec l'Allemagne.
Rédacteur en chef de Je suis par row , il utilise les
années d'avant-guerre à exercer ses talents de polémiste essentielle·
ment contre la gauche, les antifascistes, les communistes.
Il publie
beaucoup (Histoire du cinéma, Comme le remps passe ...
), il voyage à
Nuremberg (septembre 1937) ou dans l'Espagne de la guerre civile.
Lorsque la guerre arrive, il est mobilisé et fait prisonnier.
L ·occuPATION, LA coLLABORATION
Dès 1940, le gouvernement de Vichy souhaite la libération
de Brasillach pour lui confier un poste de commissaire général au
cinéma.
Mais celui-ci n'estlibéré que le 31 mars 1941.
Il avait le même
mois fait publier dans Je suis partow un article intitulé "Le cri ardent
du prisonnier: vive la France!».
Une France qui, dans l'humiliation
de la défaite, sc réfugie dans un attentisme prudent et voit dans le
maréchal Pétain une garantie rassurante.
S'engager signifie alors
prendre des risques.
C'est pourtant le choix que fait Robert Brasil
lach: il pense avoir raison, il lui faut dès lors polémiquer, et rien
n'arrêtera sa plume.
Là est l'erreur de l'intellectuel qui n'a pas vu que,
l'occupalion se durcissant, les mots peuvent être des balles.
Qu'écrit-il? À partir de mai 1941, dans les colonnes de Je
su�r parrout, il prône la politique de collaboration engagée à Mon
toire; mais il est en même temps très réservé à l'égard du personnel
politique de Vichy ...
et très violent à l'égard des responsables de la
défaite qu'il stigmatise dans ses articles.
Il estime bientôt que la poli
tique de Vichy est une duperie.
Il quitte Je suis partout à la fin du mois
d'aoOt 1943 mais c'est pour écrire dans d'autres journaux collabora
tionnistes, Révolution narionale et Écho de la France, alors que le son
de l'Allemagne semble déjà scellé.
C'est essentiellement cette série
d'articles qui lui sera reprochée lors de son procès, articles où il
dénonce aussi bien les gaullistes que les Anglais, le président Roose
velt que les actions de la Résistance.
Articles aussi où s'exerce une
verve férocement antisémite.
Dans le même temps, il soutient la LVF
parce qu'elle lutte contre le bolchevisme et il fait siennes les paroles de
Pierre Laval: «Je souhaite la victoire de l'Allemagne, parce que, sans
elle, le bolchevisme demain s'installerait partout."
Brasillach donne des conférences, voyage en Allemagne à
plusieurs reprises (en 1944, il y accompagne Doriot, qui porte l'uni
forme allemand), en Pologne où il voit le charnier de Katyn, et conti
nue de publier (les Quatre Jeudis en mai 1944).
Arrive la Libération.
On découvre la réalité des camps d'extermination.
Le pays demande
que justice soit faite.
BrasiUach sait qu'il va devoir rendre des
comptes, mais il pense qu'il pourra se justilier par la sincérité de ses
convictions.
JI se cache dans une chambre, puis, apprenant l'arresta·
tion de sa mère, puis de son beau-frère Maurice Bardèche, il se livre le
14 septembre 1944.
LE PROCÈS, L'EXÉCUTION
Le procès de Robert Brasillach est exemplaire: bien que
n'étant ni milicien ni agent de la Gestapo, l'écrivain est poursuivi pour
«intelligences avec l'ennemi».
C'est donc sa responsabilité intellec
tuelle et politique qui est mise en cause.
L'arrêt de renvoi devant la
cour de justice affirme que «en participant de façon consciente, active,
suivie et prépondérante aux thèmes de propagande allemands suscep·
tibles de diminuer les forces de résistance à l'oppression de notre pays
[ ...
],Brasillach est coupable d'intelligences avec l'ennemi».
Le procès s'ouvre le 19 janvier 1945, le siège du ministère
public est occupé par le procureur Reboul tandis que M' lsorni assure
la défense.
Un procès qui se déroule sur un ton courtois, d'un bout à
l'autre, mais un procès passionné tout de même, émaillé d'accro
chages entre l'accusé et le procureur.
Pour ce dernier, les voyages de
Brasillach en Allemagne, la défense des thèmes de la propagande
allemande, la récurrence systématique de propos antisémites, anti
communistes et antianglais dans ses articles sont autant de preuves
qu'il y a eu intelligences avec l'ennemi: «Brasillach, dit l'acte d'ac
cusation, englobe tous ses ennemis dans la même haine et réclame
une répression sans pitié; il dénonce toutes les personnalités ou collec
tivités coupables à ses yeux de tièdeur et de sabotage ...
en un mot
suspectes de résistance.,..
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