Devoir de Philosophie

L'AFFAIRE Brasillach

Publié le 08/12/2018

Extrait du document

L'AFFAIRE
Brasillach
 
Les quatre années d'occupation ont vu le règne de l'arbitraire et de la violence: procès expéditifs, exécutions sommaires, déportations. La Libération doit apporter le rétablissement du droit et répondre à une exigence de justice. Certes dans une atmosphère de guerre civile, troublée par le ressentiment et la haine, l’exercice de la justice n'échappe pas à l'affrontement des passions. L'heure de rendre des comptes est venue pour les hommes compromis dans la collaboia-tion: parmi eux, des intellectuels qui doivent répondre de Pacte d’écrire. d’exprimer des pensées et des jugements à une époque où le pouvoir des mots peut être effrayant. Comment évaluer leur responsabilité, comment les juger à l’heure où chacun juge, où d’autres intellectuels dressent des réquisitoires dans les organisations et la presse issues de la Résistance? Le procès de Robert Brasillach pose cette question avec une acuité particulière et témoigne d'une époque où toute une génération a dû choisir son camp, en fonction de convictions extrêmes. La courte vie de Brasillach est celle d’un intellectuel engagé du mauvais côté, en un temps où l'erreur de jugement n'admet pas le pardon. Traître Brasillach? Ou «poète assassiné»? Un demi-siècle après, la question est encore posée.
Un intellectuel idéaliste
 
Robert Brasillach naît en 1909 d’un père officier de carrière qui sera tué en 1914 au Maroc. Brillant sujet, il est bachelier à quinze ans puis prépare l'École normale supérieure au lycée Louis-le-Grand. C’est un littéraire qui écrit avec beaucoup d’aisance, curieux de tout, et singulièrement de poésie, de culture grecque et latine. Tout jeune, il publie Présence de Virgile et un roman, le Voleur d’étincelles. Il évolue dans les milieux des normaliens de sa génération qui cultivent des idées pacifistes, traditionalistes ou anarchistes, dans tous les cas extrêmes et assez éloignées des réalités sociales et politiques. Beaucoup sont attirés par le marxisme, d'autres, aussi nombreux, 

« !.:AFFAIRE­ BRASILLACH.

Plus fascisre que nazi, Roberr Brasillach n'en esr pas moins fasciné par le llf Reich.

Ci-conrre: l'teri vain à so n rerour d'Allemagne, en novembre 1941, enrouré norammem de P ie rre Drieu La Rochelle (à gauche) et d'Abel Bonnard.

© Il.

Roger -Violier L'AFFAIRE BRASILLACH.

Ridocteur en chef dt Je suis partout (ci-contre), écrivain de renom, Robert Brasillach s'engage rapidement dans la voie de la co llabo ra tio tl.

© Kharbine • Tapabor des comptes est venue pour les hommes compromis dans la collabora­ tion: parmi eux, des intellectuels qui doivent répondre de l'acte d'é­ crire, d'exprimer des pensées et des jugements à une époque où le pouvoir des mots peut être effrayant.

Comment évaluer leur responsa­ bilité, comment les juger à l'heure où chacun juge, où d'autres intel­ lccwels dressent des réquisitoires dans les organisations et la presse issues de la Résistance? Le procès de Robert Brasillach pose cette question avec une acuité particulière et témoigne d'une époque où toute une génération a dû choisir son camp, en fonction de convictions emêmes.

La courte vie de Brasillach est celle d'un intellectuel engagé du mauvais côté, en un temps où l'erreur de jugement n'admet pas le pardon.

Traître Brasillach? Ou «poète assassiné»? Un demi-siècle après, la question est encore posée.

UN INTELLECfUEL ID ÉALISTE Robert Brasillach naît en 1909 d'un père officier de carrière qui sera tué en 191� au Maroc.

Brillant sujet, il est bachelier à quinze ans puis prépare l'Ecole normale supérieure au lycée Louis-le-Grand.

C'est un littéraire qui écrit avec beaucoup d'aisance, curieux de tout, ct singulièrement de poésie, de culture grecque et latine.

Tout jeune, il publie Présence de Virgile et un roman, le Voleur d'étincelles.

Il évolue dans les milieux des normaliens de sa génération qui cultivent des idées pacifistes, traditionalistes ou anarchistes, dans tous les cas extrêmes et assez éloignées des réalités sociales et politiques.

Beau­ coup sont attirés par le marxisme, d'autres, aussi nombreux, subissent l'influence de Maurras.

C'est le cas de Brasillach qui, plein de mépris pour le personnel politique en place, souhaite avec force et enthou­ siasme que l'on bâtisse quelque chose de «nouveau, de propre, d'hon­ nêle».

Ce rêve amènera pour lui la tentation du fascisme, sans qu'il en imagine la redoutable dérive.

Dans Notre avant-guerre, il écrit: «Ûn ne s'étonnera pas, si pris entre le conservatisme social et la racaille marxiste, une bonne part de la jeunesse hésitait ( ...

].

Les triomphes de 1936 révélaient des injustices abominables, faisaient espérer des réformes nécessaires et justes ( ...

).

Hélas! les réformes annoncées se faisaient bientôt dans une atmosphère de gabegie, d'excès, de démagogie et de bassesse inimaginable.

C'est ainsi que naît l'esprit fasciste.» Avec Thierry Maulnier, il collabore bientôt à l'Action fran­ çaise, la revue de Charles Maurras.

Comme son maître, s'il est fasciné dans les années trente par le nationalisme allemand, il est aussi mé­ fiant: «Ce pays est d'abord[ ...

] et prodigieusement, et profondément, un pays étrange» (les Sepr Couleurs).

Un peu plus tard, au moment de l'accord «germano-bolcheviste>�, il affirme: «Partout, toujours, Maur- ras avait eu raison.

Le plus extraordinaire, l'accord des nationaux­ socialistes allemands et des bolchevistes russes, il ne s'était pas passé de mois, depuis les débuts de l'hitlérisme, qu'il ne l'eût annoncé» (Notre avant-guerre).

Pourtant, plus proche intellectuellement du ro· mantisme fasciste que du nazisme, Brasillach est hostile à un conflit avec l'Allemagne.

Rédacteur en chef de Je suis par row , il utilise les années d'avant-guerre à exercer ses talents de polémiste essentielle· ment contre la gauche, les antifascistes, les communistes.

Il publie beaucoup (Histoire du cinéma, Comme le remps passe ...

), il voyage à Nuremberg (septembre 1937) ou dans l'Espagne de la guerre civile.

Lorsque la guerre arrive, il est mobilisé et fait prisonnier.

L ·occuPATION, LA coLLABORATION Dès 1940, le gouvernement de Vichy souhaite la libération de Brasillach pour lui confier un poste de commissaire général au cinéma.

Mais celui-ci n'estlibéré que le 31 mars 1941.

Il avait le même mois fait publier dans Je suis partow un article intitulé "Le cri ardent du prisonnier: vive la France!».

Une France qui, dans l'humiliation de la défaite, sc réfugie dans un attentisme prudent et voit dans le maréchal Pétain une garantie rassurante.

S'engager signifie alors prendre des risques.

C'est pourtant le choix que fait Robert Brasil­ lach: il pense avoir raison, il lui faut dès lors polémiquer, et rien n'arrêtera sa plume.

Là est l'erreur de l'intellectuel qui n'a pas vu que, l'occupalion se durcissant, les mots peuvent être des balles.

Qu'écrit-il? À partir de mai 1941, dans les colonnes de Je su�r parrout, il prône la politique de collaboration engagée à Mon­ toire; mais il est en même temps très réservé à l'égard du personnel politique de Vichy ...

et très violent à l'égard des responsables de la défaite qu'il stigmatise dans ses articles.

Il estime bientôt que la poli­ tique de Vichy est une duperie.

Il quitte Je suis partout à la fin du mois d'aoOt 1943 mais c'est pour écrire dans d'autres journaux collabora­ tionnistes, Révolution narionale et Écho de la France, alors que le son de l'Allemagne semble déjà scellé.

C'est essentiellement cette série d'articles qui lui sera reprochée lors de son procès, articles où il dénonce aussi bien les gaullistes que les Anglais, le président Roose­ velt que les actions de la Résistance.

Articles aussi où s'exerce une verve férocement antisémite.

Dans le même temps, il soutient la LVF parce qu'elle lutte contre le bolchevisme et il fait siennes les paroles de Pierre Laval: «Je souhaite la victoire de l'Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme demain s'installerait partout." Brasillach donne des conférences, voyage en Allemagne à plusieurs reprises (en 1944, il y accompagne Doriot, qui porte l'uni­ forme allemand), en Pologne où il voit le charnier de Katyn, et conti­ nue de publier (les Quatre Jeudis en mai 1944).

Arrive la Libération.

On découvre la réalité des camps d'extermination.

Le pays demande que justice soit faite.

BrasiUach sait qu'il va devoir rendre des comptes, mais il pense qu'il pourra se justilier par la sincérité de ses convictions.

JI se cache dans une chambre, puis, apprenant l'arresta· tion de sa mère, puis de son beau-frère Maurice Bardèche, il se livre le 14 septembre 1944.

LE PROCÈS, L'EXÉCUTION Le procès de Robert Brasillach est exemplaire: bien que n'étant ni milicien ni agent de la Gestapo, l'écrivain est poursuivi pour «intelligences avec l'ennemi».

C'est donc sa responsabilité intellec­ tuelle et politique qui est mise en cause.

L'arrêt de renvoi devant la cour de justice affirme que «en participant de façon consciente, active, suivie et prépondérante aux thèmes de propagande allemands suscep· tibles de diminuer les forces de résistance à l'oppression de notre pays [ ...

],Brasillach est coupable d'intelligences avec l'ennemi».

Le procès s'ouvre le 19 janvier 1945, le siège du ministère public est occupé par le procureur Reboul tandis que M' lsorni assure la défense.

Un procès qui se déroule sur un ton courtois, d'un bout à l'autre, mais un procès passionné tout de même, émaillé d'accro­ chages entre l'accusé et le procureur.

Pour ce dernier, les voyages de Brasillach en Allemagne, la défense des thèmes de la propagande allemande, la récurrence systématique de propos antisémites, anti­ communistes et antianglais dans ses articles sont autant de preuves qu'il y a eu intelligences avec l'ennemi: «Brasillach, dit l'acte d'ac­ cusation, englobe tous ses ennemis dans la même haine et réclame une répression sans pitié; il dénonce toutes les personnalités ou collec­ tivités coupables à ses yeux de tièdeur et de sabotage ...

en un mot suspectes de résistance.,.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles