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L'Autriche-Hongrie :Prison des peuples ?

Publié le 22/02/2012

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« Nous Slaves, nous accueillerons le dualisme avec une douleur sincère, mais sans crainte. Nous avons existé avant l'Autriche, nous existerons encore après elle. » Palacky, chef du parti national tchèque, L'idée de l'Etat Autrichien, 1865 Cette phrase de Palacky, chef du parti national tchèque résume à elle seule le problème des identités nationales au sein de l'Empire austro-hongrois. L'Empire austro-hongrois naît le 1er février 1867, avec la signature d'un Compromis. Celui-ci met en place deux Etats souverains, l'Autriche et la Hongrie, ayant leur Constitution propre, leur administration, réunis au sein d'une monarchie unique avec un empereur d'Autriche qui est couronné roi de Hongrie. Le Compromis remet donc à égalité le royaume de Hongrie avec l'Autriche (c'est le sens du mot Ausgleich, nom allemand du compromis qui implique une égalisation). Les deux entités conservent leur propre exécutif mais certaines compétences sont partagées (diplomatie, défense et finances) et une harmonisation est faite en matière de douanes et de transports pour conserver à l'économie un marché unique. La ligne de partage est fixée sur la rivière de la Leitha. La Cisleithanie (la Cisleithanie, à l'ouest de la Leitha, ne s'appelle pas encore l'Autriche, bien que l'adjectif « autrichien » existe déjà. La Cisleithanie est aussi appelée « Pays et Royaume représentés au Reichsrath », c'est-à-dire au Parlement de Vienne) comptera en 1880 près de 22 millions d'habitants, dont 37% d'Allemands qui cohabitent avec des Italiens, des Tchèques, des Polonais dans dix-sept « Pays de la Couronne ». La Transleithanie, royaume de Hongrie, compte en 1880 16 millions d'habitants dont 42% de Magyars vivant avec des Roumains, des Tchèques et des Slaves du Sud. Les divers peuples se répartissent dans les provinces de façon plus ou moins homogène. Les différents peuples, dont nous parlerons en terme de nationalités, qui cohabitent dans l'empire austro-hongrois jouissent-ils de la même autonomie, des mêmes libertés politiques, économiques, culturelles, ou au contraire sont-ils comme enfermés dans cette nouvelle entité dualiste, privés de tout droit d'expression ? Faut-il voir dans l'Autriche-Hongrie une prison des peuples ? L'expression prison des peuples est employée traditionnellement pour parler de l'Empire russe, au caractère multinational mais dominé par l'ethnie russe pourtant minoritaire et la religion orthodoxe (comme l'Autriche, dominé par les Germains et le catholicisme). Il faut donc voir comment une mosaïque multinationale peut persister dans le contexte de la fin du XIXeme siècle et début du XXeme. Les autorités austro-hongroises vont-elles parvenir à gérer la question des nationalités entre l'instauration de la Double monarchie et la dissolution de l'Empire ? La signature du Compromis laisse de relatives libertés aux différents peuples, mais elle ressemble dans la pratique à un refus de reconnaître le droit des nationalités autres que les Allemands et les Hongrois. Les peuples tchèques, slovaques, roumains, subissent involontairement l'enfermement dans une nouvelle entité dualiste. Néanmoins, le manque de droit, ou l' « excès » de droit vont contribuer à l'accélération des revendications nationales, à la violence et au terrorisme, réponse à l'enfermement sous autorité impériale.
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« indiquer librement la langue usuelle (Umgangsprache), celle dont il se sert dans sa vie sociale et professionnelle.

Lescitoyens habitants en Hongrie doivent indiquer, en revanche, leur langue maternelle, ce qui n'a rien à voir car ils'agit d'une langue qu'on ne choisit pas.

Il n'en demeure pas moins que les peuples ont le droit, théoriquement, deparler la langue de leur nationalité.

En réalité, le droit de parler sa langue ne sera respecter qu'en Cisleithanie, ettrès partiellement ou tardivement.En Cisleithanie, les peuples ont des droits politiques.

Après 1867 en Bohême et en Moravie, ils peuvent par exempleparticiper à la multiplication des associations.

En 1870, les associations rassemblent 40% de la populationautrichienne.

Toutes les activités économique, sociale, culturelle, prennent alors une coloration nationale.Lespeuples ont aussi le droit de créer des associations non politiques.

Ainsi, nous le verrons plus loin, seront créés desassociations sportives.

Les peuples jouissent donc, au moins en théorie du droit de s'exprimer sans renier ni leurnationalité, ni leur loyalisme envers l'Empereur.

Certains peuples vont d'ailleurs largement utiliser ce droit. B) Quelques peuples dans une « prison dorée ». L'Autriche-Hongrie n'a pas d'histoire commune et unificatrice, ce qui donne libre champ à toutes les propagandesnationales.

Certaines nationalités en profitent pour exalter leur héros historiques : Jan Hus, le grand réformateur duXVIe siècle pour les Tchèques, Mathias Corvin, le défenseur contre les Turcs, ou Louis Kossuth, le révolutionnaire de1848 pour les Hongrois, par exemple.

Cela contribue en partie à la création, dès avant 1867, de patriotismes locauxqui permettent de rassembler les nationalités dominantes.

Cela est vrai uniquement pour les peuples qui ont déjàune histoire et qui vont pouvoir s'appuyer dessus pour asseoir leur légitimité.

Ces peuples là vont bénéficier d'unesituation particulièrement favorable, en particulier en Cisleithanie.

Les Polonais, les Tchèques, les Italiens ou encoreles Croates dans une certaine mesure, ayant des droits historiques, jouissent de libertés plus importantes qued'autres nationalités.Si les Polonais n'ont pas pu acquérir de droit d'Etat, le Reichsrath de 1868 promulgue une « résolution galicienne »qui met sur pied une administration séparée avec un vice-roi responsable devant la Diète et l'autonomie pour lesaffaires intérieures de la Province.

En 1869, Vienne impose le polonais comme langue administrative ; en 1870, ellecréée à Cracovie une Académie des sciences et installe un Polonais comme ministre sans portefeuille pour la Galicie.Les Diètes des différentes régions représentent les couches supérieures de la population.

Les Ruthènes étant exclusdu droit de vote, les Polonais possèdent donc la majorité des sièges et l'appui du « club polonais » s'avèreindispensable au Reichsrath.

Ils fournissent d'ailleurs plusieurs ministres et Premiers Ministres aux gouvernements deVienne, tels Potocki (1870-1871) ou Badeni(1895-1906).

Des institutions spécifiques sont créées : une Banqueprovinciale polonaise en 1883 par exemple.

Les grands propriétaires polonais assujettissent la masse paysanneRuthène, leur enlevant toute possibilité d'action.De leur côté, si les Tchèques sont exclus de la vie politique depuis le refus de l'Empereur de signer les dix-huitarticles fondamentaux qui aurait donné à la province le même statut que la Hongrie, ils gagnent peu à peu enautonomie.

La Bohême et la Moravie se couvrent, nous l'avons vu, d'un réseau d'associations, auquel se greffe leparti national tchèque.

En 1884, la chambre de commerce de Prague, dominé par les Allemands, passe sous contrôletchèque.

Ils développent leurs propres caisses d'épargne et un réseau de caisses mutuelles qui collectent l'épargnepopulaire.

A partir de 1890, Prague est le centre financier des pays slaves de la Monarchie.

Ils participent aussiactivement à la vie culturelle, même s'il faut attendre 1882 pour voir la création d'une Université tchèqueindépendante.

En 1881 est inauguré le Théâtre National Tchèque.

Une école nationale tchèque de musique estcréée, auréolée du prestige de Smetana et Dvorak, compositeurs tchèques, et organise des concerts populaires etde l'orchestre philharmonique.

Les arts plastiques et l'architecture exaltent les héros tchèques.

La langue tchèqueest rendue obligatoire dans l'administration de Bohême en 1901.Les Italiens eux aussi bénéficient d'avantages incontestables : taux d'analphabétisme faible, prospérité économique,forte assimilation de leur langue.Enfin, en Transleithanie, la Croatie est la seule à conserver quelques droits spécifiques.

Son statut est défini dans lecompromis hungaro croate de 1868 (la Nagodba).

Elle a un Parlement (Sabor) qui envoie trente-neuf députés auParlement de Budapest.

Trois départements autonomes sont placés sous l'autorités d'un gouverneur : l'intérieur, lescultes et l'instruction, la justice.

En réalité, la province qui se voit reconnaître quelques droits historiques a promisen échange sa soumission à Budapest.

Seul 2% des hommes ont le droit de vote, 8% après la réforme de 1910.

Enfait, ce n'est qu'en Cisleithanie que certains peuples peuvent réellement s'émanciper.Entre l'adhésion au principe dynastique et l'attachement de chacun à son groupe ethnique, il semble au départ yavoir une place pour une action libre des citoyens en faveur de leur nationalité.

Ce système fonctionne dans lapartie autrichienne, moins dans le royaume de Hongrie où rapidement s'affirme une tendance largement intolérante.Dans la partie autrichienne, certains peuples réussissent à se forger une prison dorée.

Pourquoi « prison », puisqu'ilsbénéficient de droits importants ? Tout simplement parce que si le niveau des droits constitutionnels permet auxpartis nationalistes de développer leur activité, le système parlementaire à tous les niveaux, des Diètes auxquellesils peuvent participer au Reichsrath où ils sont sous représentés, assure une efficace régulation.

Et lesrevendications nationales demeurent stériles pendant un certains temps.

Quoiqu'il en soit, seuls une minorité depeuples sont enfermés dans une prison dorée.

Les autres peuples subissent une « incarcération » plus dure etcontraignantes. II) Le Compromis fait de l'Autriche-Hongrie une prison pour les peuples minoritaires. Comme nous le disions dans l'introduction, le compromis rassemble une Autriche libérale et centralisée, une Hongrieconservatrice appuyée sur des droits historiques, seule à bénéficier d'une autonomie complète ou d'un « droit d'Etat» avec sa Constitution propre et son exécutif -gouvernement responsable hongrois présidé d'abord par Andrassy- et. »

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