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Le cordonnier Simon Pas si méchant que ça!

Publié le 17/10/2012

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Le cordonnier Simon Pas si méchant que ça! Beaucoup de légendes et de calomnies, dont les royalistes sont en grande partie responsables, ont été répandues sur le personnage de Simon qui garda quelques mois le jeune Louis XVII au Temple. On l'a accu* d'avoir été grossier, violent, brutal avec le petit dauphin, de l'avoir en fait martyrisé. Il semble que la vérité est quelque peu différente. Né à Troyes, Antoine Simon est, à la veille de la Révolution, maître cordonnier rue des Cordeliers (l'actuelle rue de l'Ecole-de-Médecine). Voisin de Marat qu'il connaît bien, il embrasse la cause révolutionnaire et devient membre du club des Cordeliers où il rencontre Danton et Camille Desmoulins. A la veille de la journée du 10 août 1792, il est élu membre de la Commune de Paris par la section de son quartier. Son épouse, au lendemain de la journée sanglante qui mit fin à la royauté, s'emploie à soigner les fédérés marseillais qui ont pris part à l'assaut des Tuileries. Simon tente en vain de s'opposer aux massacres de Septembre, ce qui montre bien qu'il n'est pas l'homme cruel et impitoyable que dépeignent certains récits ou certaines gravures. Estimé dans son quartier pour son honnêteté et reconnu comme un vrai révolutionnaire, avec l'appui de Marat et de Robespierre, il est nommé gardien de Louis XVII par le conseil général de la Commune. Il occupe cette fonction à partir du 3 juillet 1793 et, grâce à son salaire, cesse ses activités de cordonnier. L'image qui le montre savetier au Temple est donc invraisemblable. Certes, cet homme du peuple n'a pas un 1736-1794 langage châtié, il doit proférer des jurons devant le dauphin; il lui chante des refrains républicains et peut-être le rudoie-t-il parfois. Mais on sait qu'il a cherché à divertir l'enfant en lui apprenant à jouer aux dames, aux dominos, aux quilles et aux boules. Chaque jour, il l'emmène faire une petite promenade dans le jardin du Temple. Simon remplit son office pendant six mois puis, le 19 janvier 1794, il démissionne et reprend son métier de dordonnier ainsi que ses fonctions à l'Hôtel de Ville où siège la Commune. Il a donc quitté le Temple dix-huit mois avant le décès de Louis XVII, ce qui suffit à démontrer qu'il ne fut pas responsable de cette mort, comme on le croit généralement. Le 9-Thermidor, au moment de l'arrestation de Robespierre dont il est demeuré l'ami fidèle, il est lui-même mis hors la loi, capturé et guillotiné le lendemain. Rien n'indique finalement que le personnage de Simon soit d'un intérêt particulier pour l'historien de la Révolution, hormis un cas précis: le mystère entourant la mort du dauphin au Temple. Il ressort des enquêtes faites à ce sujet que Simon et sa femme ont dû être au courant de tout ce qui s'est tramé autour de l'enfant royal. Si au moins ils avaient laissé des Mémoires!... Edouard Herriot Une incarnation du radicalisme 1872-1957 Au terme d'une carrière de plus de cinquante ans, Edouard Herriot est sans doute l'homme politique le plus représentatif de toute une période de l'histoire française. Agrégé des lettres dès 1893, il enseigne à Nantes puis, en 1904, à Lyon. La même année, il soutient une thèse de doctorat sur Madame Récamier et ses amis. Militant du parti radical, il est élu maire de Lyon en 1905 et le restera jusqu'à sa mort. Ayant obtenu le mandat de sénateur en 1912, il lui préfère celui de député du Rhône en 1919. Il est ministre des Travaux publics en 1916-1917, dans le cabinet Briand. A la chute de Caillaux, on le porte à la présidence du parti radical. Edouard Herriot est servi par un très grand talent oratoire. Face au «Bloc national«, il est l'animateur du cartel des gauches qui l'emporte aux élections de 1924. Le président Doumergue le charge de former le gouvernement. Le ministère Herriot reconnaît aux fonctionnaires le droit de se syndiquer, défend le désarmement à la Société des Nations, reconnaît diplomatiquement l'URSS et accepte d'évacuer la Ruhr. Cependant, son programme laïque heurte les catholiques. En outre, la situation financière s'aggrave. L'annonce d'un impôt sur le capital dresse les possédants contre Herriot. L'argent fuit à l'étranger. Les nouvelles souscriptions de bons du Trésor ne compensent plus les remboursements. Les organismes de crédit et la Banque de France ne consentent pas d'avance. Mis en minorité devant le Sé- nat, le gouvernement démissionne en avril 1925. En 1926, le deuxième ministère Herriot est renversé le jour même de sa présentation devant le Parlement. En juin 1932, une victoire de la gauche amène de nouveau le maire de Lyon à la présidence du Conseil, au moment où les effets de la crise mondiale se font ressentir en France. Le ministère tombe en décembre sur la question des dettes françaises envers les Etats-Unis, que le chef du gouvernement souhaite rembourser. Herriot devient de nouveau ministre dans des cabinets de coalition. Il est élu président de la Chambre des députés après la victoire du Front populaire. Ses opinions se font de plus en plus modérées. A la Chambre, repliée à Vichy en 1940, il se montre partisan du ralliement à Pétain, sans toutefois prendre part au vote de l'Assemblée. Le régime du maréchal l'assigne à résidence de 1942 à 1944. Après avoir essayé d'obtenir la convocation des Chambres, il est déporté en Allemagne. Les Soviétiques le libèrent. Après la guerre, il s'efforce de restaurer le parti radical et refuse d'entrer dans le gouvernement de Gaulle. De nouveau député de Lyon et président de l'Assemblée, il doit quitter ses fonctions en 1954 pour raisons de santé. Toussaint Louverture L'ascension d'un esclave Né esclave noir à Saint-Domingue, Toussaint Louverture démontre très tôt son intelligence et sa compétence: simple gardien de bestiaux, il devient l'intendant des domaines du comte de Noe. Au lendemain de la Révolution éclate dans l'île une insurrection contre les Blancs. Toussaint Louverture y prend part et en devient le chef après avoir éliminé tous ses concurrents. Jusqu'en 1794, il sert les Espagnols et s'oppose aux Français. Puis la Convention ayant supprimé l'esclavage dans les colonies, il se rallie à la France et le gouverneur de Pile le nomme secrètement général de brigade. Toussaint se retourne alors contre les Anglais, s'empare de la ville du Cap et délivre le général Lavaux qui avait été fait prisonnier. Visant à dominer entièrement Saint-Domingue, il profite de la faiblesse du Directoire pour renvoyer le commissaire de la République et pour traiter directement avec les Anglais. Son ascendant sur les Noirs est en effet très fort; de plus, il est soutenu par les créoles en faveur desquels il a pratiquement rétabli l'esclavage. Mais les mulâtres, commandés par Rigaud, s'opposent à son despotisme, à ses décisions illégales, et entrent en révolte. En 1799, Toussaint Louverture parvient à réprimer le mouvement et renvoie Rigaud en France. Bonaparte, devenu Premier consul, décide de mettre un terme à la dictature de Toussaint. Celui-ci feint de se soumettre, mais continue cependant à contrôler 1743-1803 arbitrairement l'ensemble de Pile après avoir chassé les Espagnols de la ville de Santo Domingo. Il fait rédiger une nouvelle Constitution et se fait nommer président à vie. Bonaparte, dans une lettre à Caffarelli datée de 1802, le traite de rebelle; il envoie contre lui une expédition dirigée par le général Leclerc. En novembre 1802, il adresse à Toussaint une longue lettre où il lui demande de se soumettre à la souveraineté française, tout en rendant hommage à ses talents et à sa force de caractère. Mais le rebelle, loin de capituler, incendie la ville du Cap. Pourtant, on le trahit et on le livre aux Français du général Brunet, successeur de Leclerc qui est mort de la fièvre jaune. Toussaint Louverture est expédié en France avec sa famille. Après avoir été enfermé au Temple, il est incarcéré au fort de Joux, près de Pontarlier, où il meurt des suites d'un refroidissement, à moins, comme on l'a prétendu, qu'il ait été empoisonné. Pierre Broussel Le patriarche de la Fronde On sait peu de chose de Pierre Broussel. Son rôle politique est, en fait, fort bref et sans grand relief, quoiqu'on le considère souvent comme un des chefs de la Fronde. Né dans une famille appartenant au monde parlementaire, il est reçu comme conseiller-clerc au parlement en 1602 ou 1637. Cette dernière date paraît peu vraisemblable, car Pierre Broussel est l'un des doyens du parlement lorsque les événements le portent sur le devant de la scène politique. En dépit de manières compassées et autoritaires, ce vieillard jouit d'une grande popularité à Paris en raison de son opposition intransigeante au gouvernement dans toutes les discussions relatives aux impôts. Il se signale, en 1648, en combattant vigoureusement l'enregistrement des «édits bursaux«, préparés par Mazarin et destinés à accroître les recettes de l'Etat. Ces édits mécontentent le parlement qui entre en rébellion en s'unissant aux autres Cours souveraines pour délibérer de la «réformation de l'Etat« et pour voter une limitation du pouvoir royal. Décidée à mater cette révolte, Anne d'Autriche engage l'épreuve de force. Le 26 août 1648, tandis que l'on chante un Te Deum à Notre-Dame pour célébrer la victoire de Lens sur les Espagnols et que Paris est distrait par cet événement, elle fait arrêter Pierre Broussel, Blancmesnil et le président Charton, espérant ainsi priver la rébellion de ses chefs. L'arrestation de Broussel n'est pas aussi discrète qu'on l'avait souhaité. Le carrosse qui le conduit à la prison du châ- Vers 1576-1654 teau de Madrid se rompt à deux reprises. La foule reconnaît le parlementaire. La colère gronde; des attroupements se forment. Non sans difficultés, Broussel est emmené par les gardes à Saint-Germain. Les Parisiens réclament sa libération en marchant sur le palais aux cris de «Broussel et liberté«. La capitale se couvre de barricades. Anne d'Autriche doit céder. Libéré le 28 août, Broussel rentre à Paris sous les acclamations. L'année suivante, lorsque le peuple s'empare de la Bastille, Broussel en est nommé gouverneur par le parlement. C'est en fait son fils Jérôme qui exerce cette fonction. En 1650, lorsque Mazarin est exclu du ministère, Broussel se signale en demandant que cette mesure soit applicable à tous les cardinaux. En 1652, les frondeurs ayant destitué le prévôt des marchands, Broussel est élu à cette fonction. Mais, au moment de rentrer à Paris, le roi refuse d'entériner cette nomination. Il exige la démission de Broussel et son bannissement. L'exil du parlementaire ne durera guère mais suffira à le faire rentrer dans l'oubli. Broussel s'éteindra peu après, à l'âge de 78 ans. Les chantiers de jeunesse Une prise en main de la jeunesse 1940-1944 Dès l'armistice, le gouvernement de Vichy doit faire face au problème de la jeunesse. La débâcle de l'armée a empêché d'incorporer les 100000 conscrits de la classe 1940, convoqués le 10 juin, et qui, depuis, errent sur les routes. Les clauses de l'armistice interdisant le service militaire, le gouvernement demande au général d'artillerie de La Porte du Theil, un ancien scout, de trouver le moyen d'encadrer ces jeunes. Le 30 juillet, une loi crée les chantiers de jeunesse. Les jeunes y sont incorporés pour six mois. En janvier 1941, une nouvelle loi décide que tous les Français de la zone non occupée y seront appelés à l'âge de 20 ans pour un stage de huit mois. Si la création des chantiers de jeunesse est une mesure d'urgence, c'est aussi une tentative pour embrigader les jeunes et en faire le moteur de la «Révolution nationale«. L'organisation des chantiers est conforme aux idées de Pétain: éloigner les jeunes gens des villes, où ils sont soumis à des influences néfastes, et les disperser par petits groupes dans la campagne, au contact direct de la nature, afin de les retremper en endurcissant leur corps et en forgeant leur âme dans un climat moral propice. Les chantiers de jeunesse exaltent tout à la fois la discipline, la camaraderie virile, la morale de l'effort, la vie rustique et, par-dessus tout, le régime de Vichy. Les chantiers sont installés dans les forêts de la zone libre, à l'écart des agglomérations. Les jeunes sont logés sous la tente ou dans des hameaux abandonnés. Vêtus d'un short, d'une chemise kaki et d'un béret, ils mènent une vie spartiate, inspirée à la fois du scoutisme et du service militaire, rythmée par les obligatoires manifestations de soutien au régime: salut aux couleurs et à la francisque, chansons. On se lève tôt; la journée se partage entre les exercices physiques, l'entretien du camp, des cours sur l'ordre social ou sur l'histoire de France à la manière de Jacques Bainville, un des dirigeants de l'Action française. On travaille en forêt à abattre des arbres ou à faire du charbon de bois. Les chantiers de jeunesse vont toucher tous les jeunes de la zone sud, jusqu'au moment où ceux-ci seront soumis au Service du travail obligatoire, en 1943. On en supporte diversement les conditions: il existe des chantiers pour les indisciplinés, les antimilitaristes et les communistes. Les chantiers d'Afrique du Nord passeront complètement dans la dissidence. En métropole, nombre de jeunes gagneront le maquis. Mais il ne faut pas oublier que les chantiers avaient aussi pour but de maintenir un recrutement pour une reprise éventuelle des hostilités. Le général de La Porte du Theil a ainsi forgé pour l'avenir. Les Allemands, qui l'ont déporté en 1944, l'ont bien compris. L'Assemblée constituante Constitution éphémère 14 juillet 1790-30 septembre 1791 Après l'intermède de la fête de la Fédération (14 juillet 1790), voulue par l'Assemblée pour marquer l'union de tous les Français et dont l'euphorie ne fut qu'illusion, les membres de la Constituante continuèrent leurs travaux, mais ils se sentaient pris entre deux menaces: d'un côté, les émeutes populaires; de l'autre, l'offensive contre-révolutionnaire, menée par les émigrés ou par la cour. Les sources de conflit étaient nombreuses. La Constitution civile du clergé votée le 12 juillet 1790 après des discussions houleuses, signée à regret le 24 août par Louis XVI, déchira les consciences et eut comme conséquence indirecte la fuite de la famille royale (21 juin 1791). Après l'humiliante arrestation à Varennes et le retour forcé à Paris, les républicains demandèrent la déchéance du roi, mais les députés partisans de la monarchie constitutionnelle affirmèrent l'inviolabilité et l'irresponsabilité du souverain, prétendument «enlevé« des Tuileries. Cette fiction semblant inadmissible aux républicains, l'agitation aboutit à la fusillade du Champ-de-Mars (17 juillet) qui creusa un fossé entre les modérés et les «patriotes«. A l'Assemblée, par crainte des républicains, certains membres du centre gauche se rapprochèrent de la droite. Les «triumvirs« Barnave, Lameth et Duport, se ralliant aux idées qu'ils avaient combattues, tentèrent de réviser la Constitution en élevant notamment le cens électoral. Il fallait cependant en finir. La Constitution fut votée le 4 septembre 1791; dix jours plus tard, le roi l'accepta solennellement et prêta serment de fidélité à la nation. La tâche des députés était terminée. Au mois de mars précédent, ils avaient généreusement mais malheureusement convenu qu'aucun d'eux ne pourrait se faire élire à la nouvelle Chambre. Le 30 septembre 1791, l'Assemblée se sépara pour laisser la place à la Législative. Les membres de la Constituante avaient conscience d'avoir accompli une oeuvre immense. Ils avaient énoncé de grands principes: liberté (de presse, d'opinion, de conscience), égalité des citoyens, respect de la propriété, souveraineté de la nation. Ils avaient transformé le système des contributions, réorganisé l'administration du royaume en divisant le territoire en départements, créé une organisation judiciaire nouvelle, etc. En ce mois de septembre 1791, ils avaient des raisons de croire que la Révolution était close. Ils se trompaient lourdement. Le régime constitutionnel qu'ils avaient instauré n'allait pas durer un an. Les rachimbourgs Les auxiliaires de la justice franque VI' siècle A l'époque mérovingienne, les institutions publiques connaissent un profond déclin. La justice se maintient cependant, sans doute parce qu'elle est particulièrement nécessaire en cette période troublée. Le roi est le juge suprême; il se réserve les causes les plus importantes ou celles qui concernent son entourage; pour le reste, il délègue son autorité à un comte qui l'exerce sur le territoire qui lui a été confié. Mais, selon un usage constant aussi bien dans le monde romain que dans la société franque, aucun juge ne rend seul son arrêt et tous siègent entourés de notables locaux. Les textes désignent ceux qui forment cette «Cour« soit sous le vocable latin de boni homines, soit par le terme germanique latinisé de rachimburgi. Les deux mots s'appliquent certainement aux mêmes personnages. On les a longtemps considérés comme de simples hommes libres ou, encore, comme des délégués élus par l'ensemble de ceux d'une région. En fait, ce sont bien des notables, des hommes riches puisque la loi salique prévoit que, s'ils se trompent, chacun d'eux sera frappé d'une énorme amende de 600 deniers d'argent. Ils ne sont ni élus par leurs concitoyens ni nommés par le roi, mais plus vraisemblablement choisis par le comte en fonction des circonstances, de la nature des procès, de leur compétence à dire le droit et, plus encore, en raison de la caution morale qu'ils peuvent apporter au tribunal. On trouve parmi eux aussi bien des Gallo-Romains que des Francs, des laïques comme des clercs; en ville, il est naturel que l'évêque siège; mais, quand le tribunal se tient dans un village, les juges sont exclusivement des propriétaires fonciers. Le rôle des rachimbourgs n'est pas seulement consultatif; ils participent à l'interrogatoire comme au jugement lui-même. Toutefois, ils n'ont pas la fonction de véritables juges, ni en droit, ni en fait; ils ne rendent jamais le verdict en leur nom. De son côté, le comte, lorsqu'il préside le tribunal, ne rend sa sentence qu'après avoir délibéré avec eux. Mais ils n'ont de pouvoirs que dans la mesure où le comte les a choisis: ce sont donc ses assesseurs. Dans la pratique toutefois, il arrive qu'ils jugent seuls, car le comte qui exerce dans son domaine toutes les prérogatives royales ne peut assister à toutes les audiences; d'autre part, généralement étranger à la région, il a tout intérêt à se décharger sur les gens du cru plus au fait des coutumes locales. Il semble que les rachimbourgs aient joué un rôle primordial dans les causes criminelles pour déterminer le montant de la composition pécuniaire ou Wergeld qui, versée à la famille de la victime, doit enlever à celle-ci tout motif de se faire justice elle-même et de troubler la paix publique. Charles Barbaroux Une riche personnalité Charles-Jean-Marie Barbaroux naît à Marseille en 1767; il fait de brillantes études d'avocat au barreau de sa ville et participe avec enthousiasme et compétence aux débuts de la Révolution. On remarque son intelligence et son talent oratoire; il devient député de Marseille à l'Assemblée législative. A Paris, il se lie avec le ministre de l'Intérieur Roland, dont il fréquente le salon qu'animent Mme Roland et le groupe girondin de l'Assemblée. Il participe ensuite à la journée du 10 août 1792, qui aboutit à la chute de la royauté; à l'automne de la même année, il devient député de son département à la Convention. Agé de 25 ans seulement, il paraît promis à une carrière brillante. A la Convention, il trouve sa place naturelle parmi les Girondins, le groupe modéré, dont il incarne la fougue, la jeunesse, le courage, dans le respect de la Constitution. Comme secrétaire de l'Assemblée, il est membre du comité de la Constitution et du Comité de Salut public, dont il a pourtant réprouvé la création, comme celle, d'ailleurs, du Tribunal révolutionnaire, source prévisible d'abus. Cette modération l'oppose à Robespierre, à Marat, aux Montagnards, à la Commune de Paris; il s'élève aussi contre Danton et les massacres de Septembre. S'il vote la mort du roi, il réclame la ratification de cette sentence par le peuple; on ne le suit pas. Devenu suspect aux extrémistes, il est proscrit après les journées des 31 mai et 2 juin 1793. Arrêté 1767-1794 avec tous les Girondins, il s'évade et gagne le Calvados où il tente d'organiser une insurrection fédéraliste; celle-ci échoue. A Caen, il rencontre Charlotte Corday, la future meurtrière de Marat; mais il ne semble pas qu'il l'ait poussée à accomplir son acte. Charles Barbaroux se réfugie ensuite à Bordeaux; traqué, il se cache dans un souterrain où, sur le point d'être découvert, il tente de se suicider au pistolet, mais sans succès. C'est blessé qu'il est jugé et guillotiné à Bordeaux, le 25 juin 1794. Voici le portrait que Mme Roland a laissé de Barbaroux dans ses Mémoires: «Barbaroux... actif, laborieux, franc et brave, avec toute la vivacité d'un jeune Marseillais, était destiné à devenir un homme de mérite et un citoyen aussi utile qu'éclairé. Amoureux de l'indépendance, fier de la Révolution, déjà nourri de connaissances, capable d'une longue attention avec l'habitude de s'appliquer, sensible à la gloire, c'est un de ces sujets qu'un grand politique voudrait s'attacher, et qui devaient fleurir avec éclat dans une République heureuse...« Le ministère Brienne Une suite d'expédients L'Assemblée des notables, réunie à Versailles en février-mars 1787, a repoussé les réformes financières proposées par le Premier ministre Calonne. Démissionnaire, celui-ci est remplacé, le 3 mai 1787, par un protégé de Marie-Antoinette, Etienne-Charles de Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, un mondain ambitieux, au caractère médiocre. Brienne, président de l'Assemblée des notables, a contribué à la chute de Calonne, mais, devant les difficultés de la situation financière, il doit reprendre le plan de son prédécesseur, du moins son projet de subvention territoriale. Cet impôt foncier doit atteindre toutes les classes de la nation, donc également la noblesse. Les notables, en majorité des privilégiés, le refusent, comme ils l'ont fait précédemment. Brienne dissout alors leur Assemblée le 25 mai; il s'adresse en juillet au parlement de Paris pour l'enregistrement de ses édits; le parlement refuse et, comme les notables, demande la convocation des états généraux, seuls habilités à accepter un impôt nouveau et définitif. Le ministre répond par la force: en août, il exile les parlementaires à Troyes. A Paris, l'opinion est en effervescence. Les besoins du Trésor devenant urgents, Brienne transige: il promet la convocation des états généraux en 1792, moyennant le lancement d'un grand emprunt, jusque-là refusé. Le 9 septembre, les magistrats reviennent à Paris; le public les reçoit triomphalement. Le 19 novembre, Louis XVI tient un lit de justice (séance solennelle du parlement, présidée par le roi) au Mai 1787-août 1788 cours duquel il impose la création d'un emprunt de 5 millions, échelonné sur cinq ans. Dès le départ du souverain, les membres du parlement déclarent cette séance d'enregistrement nulle. Le duc d'Orléans parle d'illégalité. Il est exilé dans ses terres de Villers-Cotterêts et deux des plus violents parlementaires, au château de Doullens. Ces mesures, loin d'apaiser l'opinion, propagent l'agitation dans tout le pays. Celle-ci redouble quand, le 3 mai 1788, le parlement publie une Déclaration des lois fondamentales du royaume, véritable déclaration des droits de la nation face à la monarchie; dans cet arrêt, il est rappelé que le roi doit gouverner «selon les lois«. Le 8 mai, Brienne, comme l'avait fait Maupeou en 1771, décrète la dissolution des Cours souveraines. Aussitôt, en province comme à Paris, des émeutes éclatent; la colère se déchaîne contre le contrôleur des Finances et contre la reine que l'on commence à appeler «Madame Déficit«. Aux abois, Brienne doit céder: le 8 août, il décrète la réunion des états généraux pour le 1er mai 1789. C'est son dernier acte officiel: Louis XVI le remercie en lui offrant le chapeau de cardinal. Le 25 août, Necker revient à Versailles. La trahison du connétable de Bourbon «Où que le soleil darde ses rayons...« 1523 Né en 1490, fils de Gilbert de Bourbon, comte de Montpensier, et de Claire de Gonzague, Charles de Bourbon est voué dès son enfance à l'état militaire. Il fait ses premières armes en Italie, aux côtés de Bayard, se distingue à la bataille d'Agnadel (1509), reçoit de François In l'épée de connétable. Il a épousé Suzanne, fille unique de Pierre de Bourbon et d'Anne de Beaujeu qui avait tenu la régence pendant la minorité de son frère Charles VIII. Charles de Bourbon est ainsi le dernier grand souverain territorial de la France féodale; il possède en fief des provinces entières: le Bourbonnais et le Dauphiné, dont il est duc, Montpensier, dont il est comte, Carlat et Murat, dont il est vicomte, ensemble compact au centre du royaume, qui enjambe la Saône par le Beaujolais et les Dombes, sans compter d'autres héritages qui lui viennent de Saint Louis. Il a une capitale, Moulins; il y tient sa cour, lève des soldats, des impôts. Fort comme un Turc, orgueilleux, il est sensible à l'affront. Son différend avec le roi, comme une affaire prudhommesque, débute par un procès en succession: en mourant, Suzanne laisse un héritage auquel prétendent à la fois Charles, soutenu par sa belle-mère Anne de Beaujeu, et Louise de Savoie, mère du roi. Fin 1522, François Ier, par simple lettre, donne à sa mère une bonne partie des terres de Bourbon: Combrailles, Murat; le reste est mis sous séquestre. Déni de justice? En tout cas, le 18 juillet 1523, Bourbon signe un traité avec Charles Quint; en échange de l'entrée du connétable dans la ligue formée contre la France, l'empereur lui offre la main de sa soeur Eléonore, veuve du roi du Portugal. L'affaire devient politique; le déni de justice entraîne la trahison. Que fait François Pr? Il s'amuse à Fontainebleau du 25 juillet au 2 août, arrive à Saint-Pierre-le-Moûtier le 17, où il apprend l'accord qui entraîne Bourbon à «faire la guerre dedans les entrailles de la France«. Il poursuit alors jusqu'à Moulins où a lieu une réconciliation apparente; mais, dès le départ du souverain, Bourbon prend la fuite à travers l'Auvergne, traverse le Rhône, remonte les Alpes, puis le Jura, avant de faire une entrée triomphale dans Besançon. Les dés sont jetés. Devenu lieutenant général dans l'armée de Charles Quint, le connétable rentre en France par la Provence. Il cède devant Marseille, mais rencontre le roi devant Pavie et participe — suprême revanche — au désastre du «Roi-Chevalier« (24 février 1525). Pour François Ier, l'aventure se termine provisoirement par la captivité. Pour Bourbon, elle se poursuit en Italie, jusqu'à ce qu'il trouve la mort, en 1527, dans l'hécatombe tragique du sac de Rome, fidèle à sa devise: «Où que le soleil darde ses rayons, J'irai les attendre au passage.« L'ordonnance de Villers-Cotterêts «Rédiger les actes en langage maternel français« 1539 Sous François I", l'autorité monarchique s'affermit et s'étend. L'Etat se donne les moyens de centraliser l'administration d'un royaume aux provinces disparates par leurs traditions linguistiques, dynastiques, économiques; il s'efforce de réduire tout obstacle sérieux à la volonté royale. L'ordonnance de Villers-Cotterêts, prise en 1539, répond à ce but. Elle est fceuvre d'un roi vigilant, soucieux de son prestige, amoureux de la gloire des armes et des lettres, mais aussi d'un chancelier avisé, Poyet, ancien avocat au parlement. Par son zèle à défendre Louise de Savoie dans le procès qu'elle intenta à Charles de Bourbon, ce magistrat s'est attiré la faveur royale. Avocat du roi puis président au parlement, il parvient à la Chancellerie en 1538 et y utilise sa longue et efficace expérience. Si elle s'applique surtout aux questions judiciaires, l'ordonnance touche aussi, en théorie et en pratique, à bien d'autres domaines. Rédigés «pour aucunement pourvoir au bien de nostre justice, abréviation des procès et soulagement de nos sujets«, ses 192 articles concernent la justice civile et ecclésiastique, la langue, l'économie, la démographie. Fondement du droit français moderne, l'ordonnance aspire à construire l'Etat tout en assurant le bonheur du peuple. Elle limite la justice ecclésiastique aux seules causes touchant à la discipline du culte et aux sacrements, ce qui est remarquable en un temps où les hérétiques sont justiciables; elle fixe les règles de la procédure pénale; elle organise, en opposition avec les usages médiévaux, le système de la procédure écrite et secrète, s'inspirant ainsi de l'Inquisition mais aussi de l'idéal humaniste; elle s'occupe des grâces ou des rémissions de peines et fixe le règlement des Cours de justice, armatures du royaume. Dans le domaine économique, elle définit la forme des contrats obligataires, les procédures de criées et d'adjudications de biens. En cette période d'inflation, elle ordonne aux notaires de conserver leurs minutes, d'enregistrer chaque semaine «la valeur et estimation commune de toutes espèces de gros fruits comme bleds, vins, foins...«. Fait particulièrement notable pour l'histoire littéraire, elle prescrit aux officiers de rédiger actes, contrats et arrêts en «langage maternel françois et non aultrement«, en un temps où la langue française est encore peu employée au coeur des provinces. S'il ne se traduit pas immédiatement dans la pratique, le principe est néanmoins fixé. L'ordonnance a aussi le mérite d'amorcer un contrôle de la démographie: pour la bonne forme des procès en matière bénéficiale, «registres des sépultures et des baptêmes doivent être tenus par les curés, parafés par les notaires, déposés au greffe« (art. 50 à 54). Enfin, la police des métiers est instaurée: interdiction des confréries, assemblées et monopoles. L'exil de Napoléon Le pestiféré de Sainte-Hélène 1815-1821 Le 17 octobre 1815, Napoléon I" débarque à Sainte-Hélène, ce «lieu perdu« où les Anglais ont choisi de l'exiler. Instruit par l'aventure des Cent-Jours, le cabinet britannique a mis tout en oeuvre pour ne pas laisser au souverain déchu la moindre chance de ressusciter l'Empire une fois de plus. L'isolement de Sainte-Hélène est une solide garantie. Un fort détachement de troupes décourage en outre toute velléité d'évasion. Seules quelques personnes ont été autorisées à accompagner l'Empereur: les généraux Bertrand et Montholon avec leurs épouses, le général Gourgaud, Las Cases et son fils, quelques serviteurs dont le valet Marchand, le mamelouk «Ali«, Cipriani, Santini et Noverraz. Pendant les premiers mois, Napoléon est hébergé par la famille Balcombe, aux Briars; puis on l'installe à Longwood House, une résidence au confort sommaire, isolée sur un plateau humide battu par les vents. L'exilé jouit en théorie d'une certaine liberté de mouvement à l'intérieur de ne mais, pour éviter les vexations des Anglais qui l'épient continuellement, il restreint lui-même ses promenades. Le sort du captif s'aggrave singulièrement dès l'arrivée du gouverneur Hudson Lowe, que Londres a chargé d'instructions rigoureuses. Hanté par l'éventualité d'une évasion, Hudson Lowe exerce une surveillance mesquine et vexatoire qui isole peu à peu Longwood. Cela exaspère Napoléon qui préfère bientôt se cloîtrer sur son domaine. La vie à Longwood se fait chaque jour plus désespérante. Les promenades à cheval ou en calèche s'espacent. Les visiteurs se font plus rares. L'atmosphère de la résidence devient étouffante. Les familiers se jalousent et se querellent. L'entourage s'éclaircit. Las Cases, à qui Napoléon dictait ses souvenirs, est expulsé à la fin de 1816. Gourgaud, puis Mme de Montholon regagnent l'Europe. Napoléon ne peut s'accoutumer au désoeuvrement. L'ennui l'accable. L'espoir de quitter Sainte-Hélène, ou simplement de voir son sort adouci, s'évanouit au fil des mois. A travers ses entretiens avec son entourage et les souvenirs qu'il dicte à Las Cases, puis à Gourgaud, Montholon ou Marchand, Napoléon s'attache à façonner l'image qu'il souhaite léguer à la postérité. Les Anglais n'ont pas compris que le régime sévère qu'ils imposent à l'ex-Empereur contribue à lui conférer l'auréole du martyr au lieu de le faire oublier. La légende napoléonienne se nourrira abondamment de l'exil de Sainte-Hélène. Cependant, la santé du prisonnier décline. Les médiocres médecins qui l'assistent sont incapables de le soigner. Douleurs et nausées se font plus fréquentes. L'Empereur rédige son testament en avril 1821 et s'éteint quelques jours plus tard, le 5 mai. Félix Eboué Premier résistant de la France d'outre-mer 1884-1944 Félix Eboué descend d'esclaves africains affranchis qui se sont enracinés en Guyane française. Son père, un chercheur d'or, meurt prématurément. Eboué est élevé par sa mère, Marie-Joséphine Léveillé. 11 obtient une bourse pour achever ses études secondaires à Bordeaux. Après avoir fait son droit, il s'inscrit à l'Ecole coloniale et devient élève-administrateur des colonies. Nommé en 1908 au Congo français, il est mis à la disposition du gouverneur de l'Oubangui-Chari. Il doit vaincre les préjugés raciaux que la société coloniale nourrit à son égard. Certains de ses supérieurs n'apprécient guère ses convictions socialistes. En dépit de ces difficultés, Eboué se montre brillant. Il trace des routes, délimite les circonscriptions coutumières, développe l'économie en introduisant les cultures du coton, du riz, du café. Il est à l'origine de l'exploitation des gisements aurifères d'A.-E.F. Il s'attache à préserver les sociétés indigènes, ouvre des écoles de chefs et de notables. En outre, il se livre à des études approfondies d'ethnographie qui l'aident à mieux comprendre ses administrés. En 1932, Reynaud le nomme secrétaire général de la Martinique. En deux ans, il relève l'économie de ne. Ses talents s'exercent ensuite au Soudan français. En 1936, il est promu gouverneur de la Guadeloupe. En 1938, Mandel, qui apprécie ses qualités, le nomme gouverneur du Tchad en lui disant: «La guerre arrive et vous allez être appelé à jouer là-bas un très grand rôle.« Le Tchad occupe en effet une position clef en Afrique. Eboué s'attache à préparer le pays au conflit. Il recrute et organise des troupes, élève des fortifications pour protéger les voies stratégiques. Dès le 18 juin 1940, il répond à l'appel du général de Gaulle. Le 26 août, il refuse d'obéir à Vichy, qui lui ordonne de retirer les garnisons du Tibesti, et proclame officiellement le ralliement du Tchad à la «France libre«. Le Comité de Londres nomme bientôt Eboué gouverneur général d'A.-É.F. Eboué lève une armée de 40000 hommes. Il crée les routes et les aérodromes qu'utilisera Leclerc. Son administration associe les chefs coutumiers à la gestion locale. Ses conceptions d'une politique africaine progressiste, rassemblées en un document, «La nouvelle politique indigène pour l'Afrique-Equatoriale«, triomphent à la conférence africaine de Brazzaville, en 1944. Mais la santé d'Eboué se détériore; il est épuisé par le travail et par le climat. Ayant quitté l'A.-É.F. pour prendre quelque repos, il s'éteint au Caire le 27 mai 1944. Depuis 1948, il repose au Panthéon. Après le débarquement des Américains en Afrique du Nord, en novembre 1942, l'amiral Darlan a prétendu, en se ralliant à eux, interpréter la volonté secrète du maréchal Pétain. Eboué est de ceux qui ont condamné le plus formellement cette équivoque. Louis-Antoine Saint-Just L'intransigeance faite homme 1767-1794 Fils d'un ancien soldat de Louis XV, Saint-Just s'établit avec sa famille à Blérancourt, près de Noyon, après avoir passé sa première enfance dans le Nivernais. Orphelin de père à l'âge de 10 ans, il est confié au collège des Oratoriens de Noyon, avant de commencer à Reims des études de droit. Il apparaît alors, à l'âge de 20 ans, comme un homme de haute taille, au visage énergique et pâle, aux moeurs austères. Fin 1789, il se rend à Paris et est présenté à Camille Desmoulins qui le convertit aux idées de la Révolution. De retour à Blérancourt, Saint-Just endoctrine à son tour sa famille et son village; il devient lieutenant-colonel de la garde nationale, ce qui lui permet de participer à la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790. Il s'adresse alors à Robespierre pour obtenir des faveurs pour sa commune. Mais sa carrière politique ne commence vraiment qu'en septembre 1792, quand il est élu député à la Convention. Il siège à la Montagne et, pendant l'instruction du procès du roi, démontre son éloquence, son intransigeance et sa rigueur dans un célèbre discours, le 13 novembre 1792. Dès lors, à 25 ans, il prend une part active à la Révolution: il s'occupe de la nouvelle Constitution, se montre favorable à la liberté du commerce, envoie à la guillotine les Girondins, ses amis d'hier, condamne, dans des rapports sévères, les hébertistes et les dantonistes, prépare lui-même les lois sur les suspects, organisant ainsi la Terreur. Il est envoyé en mission dans le Bas-Rhin auprès d'une armée démoralisée; il y ré- tablit la discipline par sa seule présence; inflexible et autoritaire, il terrifie soldats et officiers. Il visite aussi l'armée du Nord; dans les deux cas, il a réorganisé les troupes révolutionnaires et a contribué à leurs victoires, notamment à Landau et à Fleurus: il a communiqué aux soldats son énergie, sa volonté de vaincre et sa foi en la République dure et pure. Toutefois, son esprit sectaire, son «despotisme d'opinion«, son attachement inconditionnel à Robespierre suscitent la haine. Le 9-Thermidor, il s'apprête à formuler de nouvelles accusations contre ses collègues de la Convention, à «ouvrir son coeur«, comme il l'a dit imprudemment. Mais il ne peut prononcer son discours tant il est interrompu, hué et injurié par Tallien, Barras et leurs amis qui se sentent compromis. Il est bientôt décrété d'accusation, ainsi que bon nombre de ses amis, comme Couthon et Robespierre. Emprisonné, il est délivré par les soldats de la Commune; de nouveau arrêté par les troupes dépêchées par la Convention, il veut résister en s'appuyant sur la Commune; mais Robespierre, plus légaliste que lui, hésite. C'est avec stoïcisme, avec le courage que donne l'orgueil, que Saint-Just montera sur l'échafaud, le 28 juillet 1794. La révolte de Montmorency Les grands contre le trône Depuis le Xe siècle, la maison de Montmorency occupe le premier rang de la noblesse. Celui qui en sera le dernier chef, le duc Henri II, né à Chantilly en 1595, est le filleul d'Henri IV qui l'appelle «mon fils«. Amiral à 17 ans, gouverneur du Languedoc (comme tous les Montmorency), beau, bon, brillant, d'une bravoure folle, Henri II est l'idole de la cour. Il se distingue contre les huguenots au siège de Montauban et à la prise de Montpellier où il est blessé; en 1626, il commande la flotte qui s'empare des nes de Ré et d'Oléron; en 1630, dans le Piémont, il remporte une victoire sur les Impériaux: Louis XIII le fait maréchal de France. Le héros n'en est pas moins amer; Richelieu lui a soufflé la surintendance de la Navigation; il a pbussé le roi à supprimer le rang de connétable, considéré par les Montmorency comme un droit héréditaire. C'est en effet aux prétentions des grands que s'attaque la politique de Richelieu; il veut abattre la féodalité, l'éternelle rivale du pouvoir royal. La noblesse, mécontente, souhaite la chute du ministre; elle a pour chef le propre frère du roi, Gaston d'Orléans. En 1631, «Monsieur«, réfugié en Lorraine, prépare une nouvelle conspiration. Assurant qu'il va bientôt rentrer en France avec une armée recrutée dans la région, il entraîne dans son parti Henri de Montmorency. Ce dernier escompte, quant à lui, un soulèvement populaire dans sa province, ce qui lui permettrait de s'entremettre avec profit entre le roi et les rebelles. Au milieu de juin 1632, sans grands prépa- 1632 ratifs et sans attendre le signal d'Henri, Gaston d'Orléans se met en marche à la tête de 4000 à 5000 mercenaires allemands. Il appelle la population à se joindre à lui, mais sans succès. Il est talonné par deux armées royales, commandées par le duc de La Force et le maréchal de Schomberg, qui parviennent en Languedoc à sa suite. Le 22 juillet, les états de cette province s'allient à son gouverneur mais les grandes villes, Nîmes, Narbonne, Toulouse, restent loyales. Fin août, les 7000 hommes de «Monsieur« et de Montmorency sont menacés d'encerclement par Schomberg. Le combat a lieu près de Castelnaudary le 1er septembre 1632. Henri de Montmorency, blessé sous son cheval abattu, est capturé. Accusé de lèse-majesté, déchu de ses charges et de son rang, ses biens saisis, il est condamné par la Cour de justice de Toulouse à la décapitation. Malgré les intercessions venues de toutes parts, les supplications de la population et de son frère, Louis XIII reste inflexible, au nom de la raison d'Etat. Henri de Montmorency est exécuté à Toulouse, le 30 octobre 1632. L'HISTOIRE VIVANTE Voir la statue du mausolée d'Henri de Montmorency, par les frères Anguier, à la chapelle de la Visitation (lycée de Moulins, Allier). Eugène de Beauharnais Le fils adoptif de Napoléon 1781-1824 Eugène de Beauharnais est le fils du général Alexandre de Beauharnais, premier époux de Joséphine, guillotiné sous la Révolution. Grâce à la protection de Bonaparte, il sert dans l'armée d'Italie en 1797, puis devient aide de camp de son beau-père en Egypte, en 1798. Il se comporte avec bravoure, notamment lors du siège de Saint-Jean-d'Acre où il est blessé. De retour à Paris, il participe à la bataille de Marengo en 1800 et devient général en 1804, à 23 ans. Napoléon, qui a pour Eugène de Beauharnais l'affection d'un véritable père, lui confère, en 1805, le titre de prince et d'archichancelier d'Etat de l'Empire. A cette occasion, Napoléon déclare au Sénat: «Quoique, jeune encore, nous le considérons dès aujourd'hui, par l'expérience que nous en avons faite dans les plus grandes circonstances, comme un des soutiens de notre trône et un des plus habiles défenseurs de la patrie.« En 1806, Eugène épouse la princesse Augusta-Amélie, fille de l'Electeur de Bavière; Napoléon le nomme vice-roi d'Italie et annonce au Sénat qu'il a décidé d'en faire son fils adoptif. Pendant trois ans, Eugène de Beauharnais administre son royaume avec diligence, fait construire des routes, assécher des marais, creuser des canaux d'irrigation. Il introduit dans ses Etats le Code Napoléon et veille au développement de l'enseignement. En 1809, il parvient à contenir les armées autrichiennes et remporte la victoire de Raab, le 4 juin. Un mois plus tard, il contribue à la victoire de Wagram. Le 1« mars 1810, Napoléon place Eugène de Beauharnais à la tête du grand-duché de Francfort pour le remercier de sa compréhension lors du divorce avec Joséphine; il le maintient toujours à son poste italien. En 1812, Eugène reprend du service lors de la campagne de Russie et il se montre très actif à Borodino. Après la retraite et les campagnes d'Allemagne, il cherche à défendre le royaume d'Italie. Il est attaqué par Murat qui a fait défection. Peut-être a-t-il essayé de sauver son royaume en négociant secrètement avec les Autrichiens. Toujours est-il qu'il doit se réfugier chez son beau-père, Maximilien de Bavière, qui le fait duc de Leuchtenberg et prince d'Eichstadt. Il meurt à Munich d'une attaque d'apoplexie, ayant toujours refusé de revoir ses anciens compagnons d'armes. Napoléon a souvent témoigné de sa paternelle affection pour Eugène de Beauharnais. Au moment de la défaite d'avril 1814, il dit à Joséphine: «Ils m'ont tous trahi; oui, tous; j'excepte de ce nombre ce bon Eugène, si digne de vous et de moi.« Benjamin Constant «Le Suisse le plus français« (Sainte-Beuve) 1767-1830 Né à Lausanne, Benjamin Constant appartient à une famille protestante, d'origine artésienne, émigrée en Suisse après la révocation de l'édit de Nantes. Orphelin de mère, Benjamin Constant est confié par son père à un précepteur; il se révèle un élève à la fois brillant et orgueilleux. Il fait ses études supérieures aux universités d'Oxford et d'Édimbourg et s'installe en 1787 à Paris, où il mène joyeuse vie; il se lie avec des hommes de lettres comme La Harpe et Marmontel. Son père le rappelle de France et le place comme chambellan à la cour du duc de Brunswick. De retour à Lausanne, il fait la connaissance de Mme de Staël à laquelle il reste attaché de longues années. Il la suit à Paris et fréquente en sa compagnie la société du Directoire. Il publie ses premières brochures politiques, devient le secrétaire du club de Salm, fondé par Talleyrand, et apparaît comme un républicain modéré. C'est alors qu'il se fait naturaliser Français afin de se présenter à diverses élections où il échoue. Remarqué par Bonaparte qui voudrait bien s'attacher cet intellectuel brillant, il entre, après le 18-Brumaire, au Corps législatif. Peu après, il devient membre du Tribunat. Mais il en est exclu en 1802 parce qu'il répugne à suivre les directives autoritaires du Premier consul. Il entre alors dans l'opposition que réunit, dans son salon, Mme de Staël. Banni de France par l'Empire, il se réfugie à Weimar, puis s'installe au château de Coppet, chez Mine de Staël. Cette cohabitation est orageuse; les deux amants se querellent et Constant finit par rompre. Il épouse en 1808 une princesse de Brunswick. En 1816, il publie à Londres son célèbre roman Adolphe, où il peint sans doute ses amours difficiles avec Mme de Staël; il est aussi l'auteur de différents essais, comme De la religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Lors de la première Restauration, il publie, dans le Journal des débats, un pamphlet contre Napoléon; mais il accepte, aux Cent-Jours, de rédiger l'Acte additionnel aux Constitutices de l'Empire. Après Waterloo, il trouve refuge en Angleterre. Revenu en France en 1816, il est élu député de la Sarthe en 1819. Chef du parti libéral, il attaque avec talent les ultraroyalistes, ce qui lui vaut une grande popularité. En 1830, déjà très malade, il se rallie à Louis-Philippe et meurt en décembre de la même année. De grandioses funérailles lui sont faites. Des étudiants et des ouvriers traînent son char funèbre et le discours est prononcé par La Fayette. Les jugements de Napoléon sur Benjamin Constant ont toujours été très sévères; il parle à Cambacérès de la «clique« qui entoure l'homme de lettres; il le traite même de «canaille« dans une lettre à Fouché, ministre de la Police, mais il admet qu'en 1815 «Benjamin était l'homme le plus éminent des partisans du système constitutionnel«. Georges Bidault De la démocratie chrétienne à l'OAS 1899- En 1968, le général de Gaulle décrète une amnistie en faveur des activistes de l'Algérie française. Elle permet entre autres à Georges Bidault de rentrer de son exil brésilien. Il se signale bientôt par une lettre ouverte, Vie du monde, et la fondation d'un nouveau groupement politique, le Mouvement pour la justice et la liberté. Né le 5 octobre 1899, à Moulins, Georges Augustin Bidault étudie à Turin chez les jésuites, puis à la faculté des lettres de Paris, dont il sort agrégé d'histoire. Jeune enseignant, il entre à l'Association catholique de la jeunesse française, où il se montre ouvert aux idées de Marc Sangnier. Avec Francisque Gay, il fonde L'Aube et lutte avec conviction contre l'Action française. Pilier de divers mouvements et rédacteur de plusieurs journaux démocrates-chrétiens, il se montre favorable aux accords de Munich. Prisonnier de guerre durant quelques mois, il entre bientôt dans la Résistance (mouvement «Combat«) et organise une véritable agence de presse de journaux. clandestins. Il est même nommé président du C.N.R. à la mort de Jean Moulin (1943). C'est à ce titre qu'il accueille le général de Gaulle à Paris, en août 1944. Bidault devient ministre des Affaires étrangères. Il participe donc aux négociations d'alliance avec Moscou. Dès lors, il cumule un nombre impressionnant de postes: député de la Loire en 1946, 1951 et 1958, président, puis président d'honneur du M.R.P. dont il était un des fondateurs, mais, surtout, président du gouvernement provisoire (1946), président du Conseil (19491950), quatre fois vice-président du Conseil entre 1950 et 1952. Il occupe en outre plusieurs postes ministériels. Son premier revers, il l'essuie en 1953: président du Conseil désigné, il n'est pas investi par l'Assemblée nationale. Le second vient quelques années plus tard. En effet, en 1958, tout semble aller pour le mieux: en juin, Bidault fonde le mouvement Démocratie chrétienne de France et salue avec enthousiasme le retour du général. Il fait même campagne pour le «oui«. Mais, lorsque se dessine la tendance à l'autodétermination, Bidault, qui est président depuis 1959 du Rassemblement pour l'Algérie française, condamne l'attitude du gouvernement envers les insurgés d'Alger, signe la Charte de l'USRAF et accède à la présidence du nouveau C.N.R. Il entre dans la clandestinité en 1962, se réfugie dans des pays voisins, dont l'Italie, le Portugal, puis dès 1963, le Brésil. L'étape suivante le conduit en Belgique, après 1967. En 1969, un an après qu'il a réintégré sa patrie, son Mouvement invite ses partisans à soutenir Main Poher. Selon Georges Bidault, le Mouvement pour la justice et la liberté n'exclut que «les inconditionnels du pouvoir et les partisans d'un régime totalitaire. Le Mouvement est au service des intérêts essentiels de la France, et donc de la France«. La disgrâce de Fouquet Avertissement aux prévaricateurs 1661 Conseiller d'Etat, maître des requêtes, procureur général du parlement de Paris (1650), surintendant des Finances (1653), Nicolas Fouquet, attaché à Mazarin depuis 1648, réussit à satisfaire les besoins du Trésor ruiné par la Fronde; comme le cardinal, il réalise une fortune énorme. Il mène une vie princière de mécène, acquiert des terres, fait édifier le magnifique château de Vaux et les défenses de sa citadelle de Belle-Isle. Comment s'y prend-il? En empruntant aux banquiers grâce à son crédit personnel, à son habileté, son intelligence, en dépensant deux ou trois ans d'avance le produit des impôts, en grossissant tous les jours la dette de l'Etat, en jonglant avec les chiffres par des irrégularités d'écritures. Qu'il confonde la caisse de l'Etat avec la sienne, Mazarin, qui fait de même, ne l'ignore pas. Mais, avant de mourir, le cardinal prend soin de léguer au jeune roi son intendant dévoué, un comptable vétilleux, rival et ennemi de Fouquet, Colbert. A la mort de Mazarin (9 mars 1661), Louis XIV règne seul. Colbert lui donne les preuves des malversations et des «voleries« du surintendant, mais, ce qui irrite et inquiète surtout le roi, c'est la puissance de Fouquet. Il est un véritable «Etat« dans l'Etat, avec ses créatures, ses espions, ses gardes, et il détient l'arme essentielle: l'argent. Pour l'abattre, il faut ruser. En lui faisant hypocritement miroiter le titre de chancelier, on le persuade de vendre sa charge de procureur général. Ainsi, privé (juin 1661) de ses privilèges parlementaires, il n'est plus justiciable que du roi. A cette première erreur, Fouquet en ajoute deux autres: il tente de séduire par l'argent Louise de La Vallière, la maîtresse de Louis XIV, et, le 17 août, il offre au roi et aux reines, dans son château de Vaux, une fête dont la magnificence humilie Louis XIV et soulève son envieuse colère. La perte de Fouquet est décidée. A la fin d'août 1661, Louis XIV se rend aux Assemblées de Bretagne. Fouquet est du voyage. Le 5 septembre, il est arrêté à Nantes, au nom du roi, par le lieutenant des mousquetaires, d'Artagnan. Les scellés sont mis sur tous ses biens; ses demeures, fouillées. Le plan de défense armée que Colbert trouve à Saint-Mandé autorise une accusation de lèse-majesté. Fouquet est emprisonné à Vincennes. L'instruction de son procès dure trois ans. La sentence, rendue le 20 décembre 1664 par le tribunal siégeant à l'Arsenal, condamne Nicolas Fouquet à la perte de ses biens et au bannissement. Louis XIV aggrave la peine en la transformant en emprisonnement perpétuel. Jusqu'en 1680 (date supposée de sa mort), Fouquet est incarcéré dans la forteresse de Pignerol, sans communication avec les siens. Châtiment exemplaire visant à dissuader les féodalités financières ou vengeance personnelle de Louis XIV? L'affaire Fouquet reste, par certains aspects, un mystère. Jacques Necker Des remèdes de banquier 1732-1804 D'origine allemande, né à Genève où son père était professeur de droit, Jacques Necker arrive à Paris à 15 ans et entre comme commis chez le banquier Vernet. Protégé de Choiseul, nommé syndic de la Compagnie des Indes en 1762, il réussit de fructueuses opérations qui lui permettent de fonder sa propre maison en association avec un confrère londonien, Thelusson. Peu à peu, sa réputation de financier sérieux et honnête se répand. Le salon de sa femme (née Suzanne Curchod) est le rendez-vous en vogue des intellectuels (Marmontel, Suffon, d'Alembert, Grimm, Diderot...). Ses ouvrages d'économie politique, Eloge de Colbert (1773), Essai sur le commerce des grains, opposés aux mesures libérales de Turgot, suscitent l'intérêt. Recommandé et introduit auprès de Louis XVI, Necker accepte de succéder à Turgot, le 12 mai 1776. Etranger et protestant, il ne peut être ministre; on lui donne le titre de directeur du Trésor, puis, en 1777, de directeur général des Finances. La situation budgétaire de l'Etat, déjà alarmante, s'aggrave encore, en 1778, par les lourdes dépenses de la guerre d'Amérique. Pour les couvrir, Necker utilise un palliatif de banquier: l'emprunt. En trois ans, il emprunte pour 450 millions de francs de l'époque. Parallèlement, comme son prédécesseur et avec aussi peu de succès, il essaie d'imposer des économies et des réformes. La proposition qu'il fait aux notables de s'associer à l'administration provinciale est repoussée avec colère par les parlements qui se croient dépouillés de leurs prérogatives. Pour faire taire ses ennemis, Necker publie, en 1781, le Compte rendu au roi, bilan partialement optimiste de sa gestion, mais qui donne le chiffre exact des gaspillages de la cour et des pensions allouées aux courtisans. Ceux-ci, furieux, accablent Necker de calomnies. Ecceuré, celui-ci se retire. A la suite de l'échec de ses successeurs Calonne et Brienne, il est rappelé par le roi en août 1788. Necker, favorable à la convocation des états généraux, intervient de manière décisive sur l'avenir de la Révolution en faisant donner, le 27 décembre 1788, une double représentation au tiers état. Le programme financier qu'il présente le 5 mai 1789, bien que trop peu réformiste, irrite la cour qui obtient son renvoi le 11 juillet. Mais le peuple, ayant pris la Bastille, promène son buste en triomphe; Necker est rappelé en hâte, le 16. Plus tard, il s'oppose en vain à la confiscation des biens du clergé et à l'émission abusive des assignats; débordé par le flot révolutionnaire, il donne sa démission définitive le 18 septembre 1790 et se retire avec sa famille à Coppet. Amer, il publie des ouvrages pour justifier son administration financière. Sa femme avait fondé, en 1778, l'hôpital Necker à Paris. Leur fille, Mme de Staël, est illustre dans la littérature. L'Aquitaine et ses Marches La fin d'un royaume L'Aquitaine est la vaste région qui s'étendait depuis la Loire jusqu'aux Pyrénées où elle comprenait la Gascogne et la Septimanie avec son annexe, la Marche d'Espagne (Roussillon et Catalogne). L'Aquitaine a toujours fait preuve d'un grand particularisme. Aussi, dès 781, Charlemagne en fait-il un royaume vassal de la monarchie franque; il le confie à son fils, le futur Louis le Pieux. Lorsque celui-ci devient empereur, il cède le royaume d'Aquitaine à son jeune fils Pépin. Soutenu par le particularisme aquitain, Pépin Ier participe à toutes les révoltes contre son père avant de mourir en 838. Les Aquitains lui donnent comme successeur Pépin II, sans consulter l'empereur. Pépin II est ensuite mêlé au conflit successoral qui aboutit, en 843, au traité de Verdun conclu entre Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve. Il fait d'ailleurs les frais de leur réconciliation, car l'Aquitaine est dévolue au lot de Charles le Chauve qui, en 844, décide de s'en emparer. Il vient mettre le siège devant Toulouse; se croyant vainqueur, il détache la Septimanie de l'Aquitaine pour la confier à l'un de ses fidèles et multiplie les donations aux églises pour se gagner leur appui. Mais, en juin 844, Pépin II réussit à écraser l'armée que Charles avait envoyée soumettre l'Aquitaine occidentale. Le roi franc doit alors battre en retraite. Privé de l'aide de ses frères, harcelé par les premières flottes normandes, il préfère traiter. En juin 845, à Saint-Benoît-sur- 844-864 Loire, il reconnaît l'Aquitaine, moins la Septimanie, à Pépin II qui, en échange, lui prête un serment de fidélité. Ce n'est pas une paix durable. En juin 848, Charles se fait sacrer à Orléans roi de Francie et d'Aquitaine. L'année suivante, il marche sur Limoges puis sur Toulouse qui, cette fois, tombe facilement. Inquiet de la poussée franque, le comte de Gascogne Sanche Sanchez croit habile de s'emparer de Pépin II et de le livrer à Charles le Chauve qui, en 852, le fait tonsurer et enfermer dans l'abbaye de Saint-Médard de Soissons. Aussitôt, l'Aquitaine est disputée au roi franc, non plus par un seul, mais par plusieurs compétiteurs auxquels Pépin II, bientôt évadé, vient se joindre. Charles le Chauve décide alors de proclamer roi d'Aquitaine son second fils, Charles l'Enfant, qui est sacré à Limoges. La rébellion pourtant ne s'éteint pas; elle redouble même quand Charles l'Enfant, âgé de 15 ans, se révolte lui aussi contre son père en 863. En 864, Charles le Chauve réussit toutefois à obtenir la soumission de son fils qui est destitué de ses pouvoirs et de son titre. C'est la fin du royaume d'Aquitaine. Restait Pépin II: en mai 864, il est capturé, condamné à mort, gracié mais définitivement enfermé à Senlis, où il sombre dans la folie. Jacques Clément «Ah! le méchant moine!« 1567-1589 Le dominicain Jacques Clément, né à Serbonnes près de Sens, d'un esprit sombre et mélancolique, n'a pas trouvé dans les ordres la satisfaction désirée par son âme inquiète. D.ns son imagination déréglée, il se croit investi d'une mission sacrée: tuer le roi Henri III qui, pense-t-il, mène la France et la religion catholique à la ruine. Henri III et Henri de Navarre assiègent alors la capitale. Les Seize apprennent le dessein de Clément; comme les ducs de Mayenne, d'Aumale et la duchesse de Montpensier, ils l'encouragent: tous veulent venger les Guise assassinés à Blois. De Harlay, premier président du parlement, et le comte de Brienne, tous deux prisonniers de la Ligue, sont induits en erreur: le premier donne au moine des lettres pour le roi et le second, un sauf-conduit pour traverser les lignes. Le 31 juillet 1589, Jacques Clément sort de Paris; il est conduit par les gardes du camp royal à Jacques de la Guesde, procureur général au parlement de Paris. Henri III occupe alors, à Saint-Cloud, la maison de Pierre de Gondi, cardinal évêque de Paris, qui a refusé de prêter serment à la Ligue. Le le' août, introduit sans avoir été fouillé dans la chambre du roi, Clément tend à ce dernier, demeuré seul, les lettres dont il est porteur; profitant de l'inattention du souverain, absorbé par sa lecture, il lui perce le bas-ventre de son couteau. «Ah! le méchant moine! il m'a tué!« s'écrie Henri III en s'effon- drant. Clément, debout, attend. Les gardes se jettent sur lui et le tuent. Son corps est exposé, traîné sur la claie et brûlé devant l'église de Saint-Cloud. Dans Paris assiégé, fanatique et déchaîné, la réaction est immédiate: on exalte frère Clément comme un martyr; les libelles de louanges, imprimés avec le privilège de la sainte Union, prolifèrent. On distribue le portrait gravé de l'assassin devant les églises; à l'intérieur, on l'encense par des prières et des sermons. Le 11 septembre 1589, le pape Sixte Quint fait l'éloge du tyrannicide en plein consistoire; il le met au-dessus de Judith et d'Eléazar: un grand exemple a été donné afin que chacun connût la force des jugements de Dieu! Puis le vent tourne. Après la victoire d'Henri IV, on recherche les complices de Clément; le duc d'Aumale est écartelé en effigie. Mais certains continuent à défendre la mémoire du moine, tel le jésuite Mariana dans son traité De rege et regis institution (Du roi et de la royauté), publié en 1599. Le duc Victor de Persigny Plus bonapartiste que l'empereur 1808-1872 «Quel gouvernement que le mien: l'impératrice est légitimiste, le prince Jérôme républicain, Morny orléaniste, je suis moi-même socialiste. Il n'y a qu'un bonapartiste, c'est Persigny, et il est fou«, note avec humour Napoléon III. Nul n'est plus dévoué à la cause du second Empire que Jean Gilbert Fialin, duc de Persigny, dont le tempérament est si fougueux qu'il passe parfois pour un hurluberlu. Persigny s'est attaché de bonne heure à Louis-Napoléon. Mais son zèle et son franc-parler, Mes au prince pendant la conquête du pouvoir, deviennent embarrassants après l'instauration du régime impérial et Napoléon III écartera du pouvoir son vieux compagnon tout en le comblant d'honneurs. Né dans une famille ruinée par des spéculations malheureuses, Persigny s'engage dans l'armée à 17 ans. Abandonnant les convictions royalistes qu'il avait tout d'abord manifestées, il prend activement part à la révolution de Juillet et ses supérieurs le mettent en congé pour insubordination. Il se lance alors dans le journalisme, collabore au Temps et s'intéresse aux idées saint-simoniennes. La lecture du Mémorial de Sainte-Hélène le convertit au bonapartisme dont il se fait le propagandiste en fondant la revue L'Occident français (1834) qui, faute d'argent, cesse de paraître après le premier numéro. Introduit à Arenenberg auprès de Louis-Napoléon Bonaparte, Persigny se donne tout entier à la cause du prétendant. Il est l'un des principaux instigateurs du coup de force de Strasbourg (1836), dont l'échec le contraint à se réfugier en Angleterre. Quatre ans plus tard, il participe à la tentative de Boulogne. Arrêté, il est condamné à vingt ans de captivité. Libéré par la révolution de 1848, il organise le parti bonapartiste. Louis-Napoléon, devenu président de la Républiqu...

« Edouard Herriot Une incarnation du radicalisme 1872-1957 Au terme d'une carrière de plus de cin­ quante ans, Edouard Herriot est sans doute l'homme politique le plus repré­ sentatif de toute une période de l'histoire française.

Agrégé des lettres dès 1893, il enseigne à Nantes puis, en 1904, à Lyon.

La même année, il soutient une thèse de doctorat sur Madame Réca­ mier et ses amis.

Militant du parti radi­ cal, il est élu maire de Lyon en 1905 et le restera jusqu'à sa mort.

Ayant obtenu le mandat de sénateur en 1912, il lui préfère celui de député du Rhône en 1919.

Il est ministre des Travaux pu­ blics en 1916-1917, dans le cabinet Briand.

A la chute de Caillaux, on le porte à la présidence du parti radical.

Edouard Herriot est servi par un très grand talent oratoire.

Face au «Bloc national», il est l'animateur du cartel des gauches qui l'emporte aux élections de 1924.

Le président Doumergue le char­ ge de former le gouvernement.

Le minis­ tère Herriot reconnaît aux fonctionnai­ res le droit de se syndiquer, défend le dé­ sarmement à la Société des Nations, reconnaît diplomatiquement l'URSS et accepte d'évacuer la Ruhr.

Cependant, son programme laïque heurte les catho­ liques.

En outre, la situation financière s'aggrave.

L'annonce d'un impôt sur le capital dresse les possédants contre Herriot.

L'argent fuit à l'étranger.

Les nouvelles souscriptions de bons du Tré­ sor ne compensent plus les rembourse­ ments.

Les organismes de crédit et la Banque de France ne consentent pas d'avance.

Mis en minorité devant le Sé- nat, le gouvernement démissionne en avril1925.

En 1926, le deuxième ministère Herriot est renversé le jour même de sa présen­ tation devant le Parlement.

En juin 19 3 2, une victoire de la gauche amène de nouveau le maire de Lyon à la prési­ dence du Conseil, au moment où les effets de la crise mondiale se font res­ sentir en France.

Le ministère tombe en décembre sur la question des dettes françaises envers les Etats-Unis, que le chef du gouvernement souhaite rem­ bourser.

Herriot devient de nouveau ministre dans des cabinets de coalition.

Il est élu président de la Chambre des députés après la victoire du Front popu­ laire.

Ses opinions se font de plus en plus modérées.

A la Chambre, repliée à Vichy en 1940, il se montre partisan du ralliement à Pé­ tain, sans toutefois prendre part au vote de l'Assemblée.

Le régime du maréchal l'assigne à résidence de 1942 à 1944.

Après avoir essayé d'obtenir la convo­ cation des Chambres, il est déporté en Allemagne.

Les Soviétiques le libèrent.

Après la guerre, il s'efforce de restaurer le parti radical et refuse d'entrer dans le gouvernement de Gaulle.

De nouveau député de Lyon et président de l'Assem­ blée, il doit quitter ses fonctions en 1954 pour raisons de santé.. »

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