Le peuple de Paris en deuil de son « roi »
Publié le 29/08/2013
Extrait du document
Le 23 décembre 1588, au château de Blois, le duc Henri de Guise a été exécuté sur ordre d'Henri III. Quand il apprend la nouvelle de la disparition de celui qu'il a idolâtré comme le « roi de Paris «, le peuple de la capitale est accablé. Mais l'émotion et les larmes laissent rapidement place à des déchaînements de haine à l'égard d'Henri III, orchestrés par la Ligue ultra catholique. Tandis que les prédicateurs conspuent en chaire le souverain, « vilain Hérode « et « tyran «, une effervescence mystique s'abat sur Paris.
«
tian religieuse, qui s'apparente
à
des funérailles.
Dans la ca
thédrale, ornée de noir, où les
armes
des Guises sont éclai
rées par la lumière de milliers
de bougies, les Parisiens, ces
messieurs
du Parlement et des
cours souveraines, les
capitai
nes et les lieutenants de quar
tier rendent un dernier hom
mage aux disparus.
Dans
le même temps, les rues
de la capitale sont parcourues
par des processions expiatoi
res, auxquelles les enfants
participent en masse.
La fer
veur est telle que jusque tard
dans la nuit, malgré le froid et
le gel, les pénitents déambu
lent pieds nus, vêtus d'une
simple chemise et d'un drap
blanc, un cierge à la main .
Jus
qu'à la fin du mois de mars,
ces
manifestations se multi
plient, atteignant leur paro
xysme pendant le carême .
« Le peuple était si échauffé,
témoigne le mémorialiste Pier
re de L:Estoile, que les Pari
siens se levaient de leurs lits
pour aller quérir les curés et
prêtres pour les mener en pro
cession » L:Église, dépassée
par la tournure qu 'ont prise les
événements , a le plus grand
mal à canaliser ce
déferlement
de piété .
Pourtant, c'est elle
qui s'est engagée la première
dans cette voie, notamment en
comparant la capitale à la
« Jérusalem céleste » de !'Apo
calypse ; en assimilant Henri Jll,
« assassin » des Guise , à Satan ;
en érigeant la
mort des princes
lorrains en
« sacrifice » destiné
à racheter les péchés du
peuple .
«Un tyran
exécrable »
Dans ce contexte troublé, le
religieux ne peut être dissocié
du politique : Henri Ill est dé
sacralisé, son autorité royale
niée par les ligueurs .
Le 7 jan
vier, la faculté de théologie de
Paris délie les sujets de leur
serment de fidélité au roi, au
motif qu 'il est « un tyran exé
crable qui a violé la foi pu
blique ».
Désormais, le nom
du souverain est supprimé
des prières dites pendant la
messe
et remplacé par « pour
nos princes chrétiens ».
Le
sceau royal disparaît au profit
du sceau du royaume de Fran
ce.
Enfin , la formule « Henri,
par la grâce de Dieu, roi de
France et de Pologne » est
bannie des arrêts du Parle
ment et de la chancellerie .
Cette vague
de haine et ces
désordres offrent aux ligueurs
l'occasion de démettre ceux
qui détiennent l'autorité et le
pouvoir légitimes au nom
d'Henri Ill : une partie des par
lementaires restés à Paris sont
UN BAPTÊME EN NOIR
Tandis que le duc Henri de Guise est érigé en martyr
par les Parisiens, le 7 février 1589, son quatorzième enfant et
fils posthume est baptisé à l'église Saint-Jean-en-Grève .
Lors
de cet étrange baptême, )'Hôtel de Ville
et l'église sont ornés de tentures noires ; certains archers
escortant le cortège sont aussi vêtus de noir.
t:affluence du peuple sur le parvis fait de cette cérémonie
familiale un événement politique .
D'autant qu 'une rumeur
attribue au nouveau-né un caractère miraculeux.
t:enfant serait «venu au monde ayant les mains jointes »
et, chaque fois qu'on le démaillote, se trouverait
« toujours en cette sorte ».
Sanctifié dès sa naissance,
il se voit désigner « comme parrain les villes de Paris, Orléans,
Amiens, ce qui représentait tout le symbole de ce pouvoir
nouveau
des villes fédérées ».
embastillés .
Le 16 janvier, Jean
Bussy-Leclerc, procureur au
Parlement,
capitaine de la mi
lice de son quartier et gouver
neur de la Bastille, pénètre
dans le palais avec une tren
taine d'hommes en armes afin
de se saisir des magistrats
déclarés en état d'arrestation.
Les ligueurs ne se contentent
pas d'épurer le Parlement, ils
intimident les parlementaires
restés en place et font pres
sion sur eux.
« Le premier pré
sident Achille de Harlay, le
président Nicolas Potier , le
président Jacques Auguste de
Thou s'acheminèrent pour le
suivre , raconte Pierre de L:Es
toile .
Après eux, marchèrent
volontairement jusqu 'à cin
quante ou soixante conseil
lers .
» Sous les quolibets et
les huées de la foule, l'étrange
cortège traverse Paris à pied
jusqu 'à la Bastille .
Les magis
trats emprisonnés seront pour
la plupart relâchés quelques
jours plus tard, certains contre
une forte rançon et un ser
ment d'obéissance ...
A travers
cette rébellion à l'autorité
royale mise en scène de façon
édifiante, la Ligue renforce
l'adhésion à sa cause du petit
peuple , auquel elle permet
de prendre symboliquement
sa revanche sur les puissants .
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