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Le plan Marshall et la reconstruction de l'Europe

Publié le 09/11/2018

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Une aide d'urgence

 

Cette situation nécessite une aide de première urgence. Dans l'Allemagne occupée, celle-ci sera prise en charge par un organisme strictement américain, le GARIOA (Governement Account for Relief in Occuped Area) ; dans le reste de l'Europe, ce sera l'UNRAA (United Nations Relief and Réhabilitation Administration), que les États-Unis financent à hauteur de 70%.

 

En Allemagne, l'aide se révèle insuffisante. L’afflux de millions d'expulsés d'Europe orientale crée une situation de disette. À cela s'ajoutent les mesures de rétorsion appliquées au pays et à ses anciens satellites au titre des réparations : démontage et transfert d'usines au profit de l'URSS, exportations forcées de matières premières vers l'Ouest

DES RUINES AU REDRESSEMENT

 

En mai 1945, l'Europe n'est plus que l'ombre d'elle-même. Les destructions sont considérables. Les productions agricoles et industrielles ont dangereusement chuté. Du fait de la redéfinition des frontières, des millions de réfugiés s'ajoutent aux prisonniers et aux déportés regagnant leur patrie.

 

Les difficultés de ravitaillement et la crise financière de 1947 se doublent bientôt d'une crise sociale. Si la gravité de la situation a parfois été surestimée, le sentiment d'instabilité générale est réel. Soucieux de faire contrepoids à la prise de contrôle de l'Europe de l'Est par l'URSS, les États-Unis renoncent aux rétorsions contre l’Allemagne occupée et aux aides bilatérales, jugées inefficaces. En juin 1947, le secrétaire d'État George C. Marshall propose un plan global de soutien à la reconstruction de l'Europe, sans en exclure l'URSS - le refus de Moscou et de ses futurs satellites consacrera la division de l'Europe. À l'Ouest, le plan Marshall, prolongé jusqu’en 1952, contribue au relèvement des économies et favorise l'émergence des premières institutions économiques européennes. À l'Est, en dépit de résultats initiaux positifs, la reconstruction se heurte aux contradictions du modèle stalinien. Au début des années 1950, l'écart de plus en plus flagrant entre les deux parties de l'Europe souligne le succès du plan américain.

L'Ouest désuni

 

Face aux difficultés du redressement économique, l'idée d'une aide économique globale trouve de plus en plus de partisans à Washington. Les responsables américains perçoivent les dangers d’un retour aux errements de l'entre-deux-guerres. En effet, l'Ouest connaît de nouveau des logiques nationales divergentes. La Grande-Bretagne souhaite privilégier le redressement de sa monnaie et l'établissement d'une union douanière européenne, assurant des débouchés à son industrie. Attachés au principe des réparations, les Français veulent empêcher à la fois la reconstitution de la puissance allemande et l'établissement d'un leadership anglais en Europe. Les Allemands cherchent eux à redresser leur économie et à éviter la montée du mécontentement au sein d’une population durement touchée par la pénurie. En Italie, le principal souci du gouvernement est aussi de maintenir la paix sociale, même au prix de concessions accordées aux communistes. À l'inverse, seul maître du jeu à l'Est, Staline pousse partout les partis communistes à entamer la course au pouvoir absolu. Il se prononce en faveur d'une Allemagne réunifiée et neutre afin d’étendre son influence économique et politique à l'Ouest.

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« sincérité .

Pour les concepteurs du plan, il s'agit avant tout de ne pas endosser la responsabilité d'une rupture.

Selon eux, l'URSS n 'acceptera jamais que les États-Unis vérifient l'utilisation des fonds .

Et, en effet, si Moscou s 'avère intéressée par la perspective d 'obtenir de nouveaux subsides, Staline refuse toute coordination économique avec l'Ouest et fini~ comme prévu, par rejeter le plan en juillet 1947 .

Des futurs satellites de l'URSS, la Pologne et la Tchécoslovaquie se montrent favorables au plan Marshall , mais Moscou les oblige à refuser l'aide américaine, tout comme les autres pays de l'Est.

La tentative américaine de diminuer l'influence soviétique en Europe centrale est un échec.

LA QUESTION ALUMANDE Les Américains ont vite compris qu'il était impossible de reconstruire une Europe de l'Ouest stable sans une économie allemande forte.

À l'été 1945, ils renoncent au projet du secrétaire d'État au Trésor, Henry Morgenthau, qui prévoyait de limiter la capacité industrielle de l'Allemagne.

De plus, le dénuement observé par les autorités d 'occupation américaines fait craindre une montée en puissance des communistes .

Pour Marshall, le plan de redressement doit s'appliquer de toute urgence aux zones d'occupation occidentales en Allemagne, même au prix d'une partition du pays .

Tout le problème consiste à convaincre les autres Européens , au premier rang desquels les Français, qui redoutent la présence d'une Allemagne puissante à leur frontière.

En fait, Paris n'a pas les moyens d'imposer son point de vue.

Le gouvernement acceptera donc l'idée d 'une coopération économique avec une Allemagne bénéficiant, elle aussi, de l'aide américaine .

Mais il ne renoncera ni au contrôle international sur la Ruhr , afin d'empêcher la reconstitution des cartels du charbon et de l'acier, ni à son projet visant à faire de la Sarre une région à statut spécial , rattachée économiquement à la France .

L'épilogue n'interviendra qu'en 1955 , avec le rattachement de la Sarre à la RFA.

DIFFICILES NÉGOCIATIONS Ouverte à Paris en juillet 1947 , la Conférence de coopération économique européenne (CCEE ), chargée de négocier les modalités du plan Marshall , présente son rapport le 22 septembre.

Les pays signataires réclament une aide globale de 22,4 milliards de dollars , sur quatre ans.

Mais Washington revoit le chiffre à la baisse .

Les États-Unis sont prêts à verser 17 milliards de dollars à condition que les Européens acceptent de mieux coordonner leurs politiques, ce afin d'établir un véritable espace économique européen, dont la stabilité et la force tassent contrepoids à l 'URSS.

Le projet se heurte à de fortes réticences britanniques , tandis que Paris ne veut pas s'engager sur cette voie sans l'appui de Londres.

Pour preuve de sa bonne volonté, Washington consent à la France et à l'Italie une aide intérimaire d'urgence , couvrant leurs besoins en blé, en pétrole et en charbon, avant la mise en œuvre du plan Marshall .

Finalement , on parvient à un accord sur le mode de répartition des crédits Marshall.

Le contrôle sera exercé par l'Organisation européenne de coopération économique (OECE ), instituée le 16 avril1948 et chargée, chaque année, de décider de la répartition de l'aide.

Les États-Unis chapeautent l'ensemble par l'intermédiaire de l'Economie Cooperllfion Administrllfion (ECA) , organisme américain créé , lui aussi , en avril 1948 .

Le Congrès exerce également un droit de regard en votant le montant global des crédits par tranches annuelles et non pas pour quatre ans, comme le souhaitait au départ l'administration Truman.

UNE AIDE CONDITIONNELLE L'aide accordée au titre du plan Marshall se présente surtout sous forme de dons en dollars (environ 90 %), le reste étant constitué de prêts.

Les pays bénéficiaires doivent utiliser ces sommes pour acheter des matières premières, des denrées en provenance , pour l'essentiel, des États-Unis.

Cette aide est conditionnelle, car son utilisation doit être approuvée par les Américains .

Les États européens doivent soumettre la liste prévisionnelle de leurs importations à I'ECA , qui est susceptible de la modifier .

À la demande des entreprises publiques ou privées , les États présentent aussi des listes spéciales d 'équipement à l'ECA .

Des laminoir s sont ainsi livré s à la sidérurgie française , un atelier de fabrication clef en main à Rhône ­ Poulenc et des avions de transport Lockheed à Air France .

D ans de rares cas, les intérêts des industriels américains vont à l'encontre des objectifs du plan Marshall.

Au printemps 1949, une réduction des importations de pétrole est décidée pour freiner le développement des raffineries françaises.

Parfois , I'ECA intervient pour favoriser la résorption des surplus américains.

Enfin, dans les colonies, les Américains financent en priorité des programmes d 'exploitation minière en échange de livraisons de matières premières stratégiques (nickel, manganèse, plomb , graphite, cobalt, chrome , mica, étain, diamants), sans se soucier vraiment du développement local.

Mais, en dépit de ces entorses au climat de confiance mutuelle , l'aide s'opère de façon satisfaisante pour les deux parties .

LES PROGRÈS DE LA RECONSTRUCTION (1948-1949) lA REPRISE DE L'ÉCONOMIE Le plan Marshall arrive à point nommé pour aider l'Europe à surmonter la crise de 1947.

Grâce à des conditions météorologiques plus favorables et aux équipements alloués par les États-Unis , la production 11gricote se rétablit en 1948.

L'année suivante, le rationnement et la surveillance du secteur de l'alimentation disparaissent presque partout en Europe occidentale.

La Grande-Bretagne, l'Autriche, la Suède, le Danemark et les Pays-Bas sont les seuls pays à maintenir des contrôles plus stricts pour maîtriser l'inflation et les importations .

Le retour d 'un approvisionnement presque normal restaure la confiance .

Partout , la production industrielle est relancée avec la levée progressive des goulets d'étranglement en matière de transport et de production d'énergie .

L'achat de matériel américain joue ici un rôle primordial.

Mais des points noir s subsistent.

Les destructions de la guerre sont loin d 'être résorbées et la France continue à souffrir d'une r------------~ grave pénurie de logements, d'autant BÉNÉFICIAIRES DU PLAN MARSHALL Allemagne occidentale [zones d'occupation alliées, puis RFA] (11 %) Autriche ( 4,8 %) Belgique et Luxembourg (4,6 %) Danemark (2,1 %) France (20,8 %) Grèce (4,3 %) Irlande (1,3 %) Islande (0,2 %) ltalie(11.1 %) Norvège (2 %) Pays-Ba s (7,5 %) Portu gal (0,5 %) Royaume-Uni (24 %) Suède (1 %) Turquie ( 1,3 %) Trieste [avant son retour à l'Italie] (0,3 %) Yougoslavie (0,3% d'aide non liée au plan mais transitant par I'ECA) Union européenne des paiements [organisme chargé d'équilibrer les déficits entre pays européens] (2,9 %) que l'exode rural commence à faire sentir ses effets .

LE " MIRACLE » ALLEMAND En Allemagne , le plan Marshall (1,3 milliard de dollars au total) a d'abord eu un effet psychologique considérable .

Au printemps 1948 , avant même que l'aide ne soit effective , sa seule annonce provoque la mise en circulation de stocks alimentaires que producteurs et commerçants retenaient par peur du lendemain.

La fin des exportations forcées (à bas prix) de matières premières et l'aide prioritaire apportée aux transports suffisent à faire redémarrer l'économie.

En fait, si les bombardements ont détruit plusieurs grandes villes, ainsi que les routes et voies ferrées allemandes , l'appareil productif est loin d'avoir été anéanti .

Les mines de la Ruhr sont presque intactes et plus de 80% des machines -outils sont en état de marche .

L'Allemagne dispose en outre d 'une main-d 'œuvre abondante et qualifiée .

Initiée en juin 1948 par le ministre de l'Économie Ludwig Erhard , la réforme monétaire introduisant le Deutsche Mark permet de juguler l'inflation et d'instaurer la confiance .

Dès 1949, la production industrielle atteint 80% de son niveau de 1936.

Avant même la naissance de l'Allemagne fédérale, les ingrédients du « miracle » économique allemand sont en place .

À L'EST AUSSI Au même moment, quoique privée de l'aide Marshall, l'Europe orientale enregistre des résultats honorables.

Le réseau de communications est assez vite rétabli.

Menés à bien en un temps record , de grands travaux d 'urbanisme permettent la reconstruction de capitales comme Varsovie ou Budapest.

Distribuée par I'UNRAA, l'aide alimentaire de l'ONU permet de compenser en partie le déficit agricole .

Mais l'étatisat ion de l'économie et la priorité absolue donnée à l'industrie lourde prolongent la pénurie des biens de consommation .

À cette situation difficile s'ajoutent les bouleversements sociaux et politiques imposés par les Soviétiques .

Les anciens satellites de l'Allemagne doivent en outre s 'acquitter de lourdes réparations , souvent sous forme de transferts d'usines en URSS .

Seule la Finlande échappe à la collectivisation .

En échange de son alignement sur la politique étrangère de Moscou, elle peut conserver une économie capitaliste et parvient à tirer son épingle du jeu en réorientant son économie vers son grand voisin de l'Est.

ENTRE INTÉGRATION ET DIVISION (1950-1951) VERS L'UNION EUROPÉENNE Sur le plan économique , à l'exception de l 'Espagne, privée de l'aide Marshall en raison du maintien de Franco au pouvoir, toute l'Europe occidentale bénéficie des effets positifs de la reprise .

L'Allemagne tait son retour sur la scène politique avec la naissance de la RFA en mai 1949 .

La France renonce au contrôle international sur la Ruhr et son projet d'européanisation de la Sarre est rejeté par les Sarrois qui, consultés par référendum en 1955, préfèrent intégrer la RFA.

En août 1949 , après la crise monétaire britannique, la répartition des crédits de l'aide Marshall entre Européens fait l'objet de nouveaux marchandages au sein de I'OECE , et un accord plus satisfaisant pour la Grande-Bretagne est conclu .

À l 'automne , les Américains se montrent plus exigeants en matière de coordination et de libéralisation du commerce .

Il s'agit de lever l'obstacle de l'inconvertibilité des monnaies européennes, qui limitait grandement les échanges en les rendant dépendants d'accords bilatéraux.

Pour ce faire , Washington soutient la création de I 'UEP (Union européenne des paiements ), chargée d'équilibrer les déficits entre pays européens .

Le plan Marshall favorise ainsi le début de l'intégration européenne.

Mais c'est à l'initiative des pays du Benelux , de la France et de l'Allemagne qu'est créée , en 1951 , la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA ).

En 1952, le redressement économique de l'Euro p e semble acquis .

L'aide Marshall est interrompue et les crédits américain s sont réorientés vers l'OTAN (Organisa tion du traité de l'Atlantique Nord), alliance politique et militaire conclue entre les États-Unis et onze États occidentaux en avril1949 .

Toutes les énergies se tournent à présent vers les problèmes de défense .

La tension Est-Ouest est très vive.

La guerre de Corée vient à peine de s'achever et les Européens de l'Ouest se senten t menacés par l'URSS .

TROUPES AMÉRICAINES EN EUROPE Avec la guerre de Corée, la fin des années 1940 et les années 1950 marquent une véritable escalade des tensions entre l'Est et l'Ouest.

En 1950, face aux 27 divisions soviétiques stationnées en Allemagne , l'alliance atlantique (OTAN) ne peut aligner que 12 divisions.

Les États-Unis acceptent d'envoyer 4 divisions supplémentaires en Europe, à condition que l'Allemagne de l'Ouest soit dotée d'une armée contribuant à la défense commune.

Des base s américaines sont alors installées dans toute l'Europe de l'Ouest.

En France, les militaires américains devront plier bagage en 1966, aprés la décision du général de Gaulle de quitter le commandement intégré d e l'OTAN.

UN SUCCÈS AMhiCAIN En définit ive, ce sont 11,B milliards de dollar s de dons , au lieu des 17 promis, que le Congrès approuve d e 1948 à 1952 .

Certes , l'aide Mar shall est inférieure aux fonds engagés de 1941 à 1945 par le s États-Unis au titre de la loi du prêt-bail (48,5 milliards de dollars , pour tous les Alliés et les territoires libérés) et sensiblement égale aux sommes allouées de juillet 1945 à fin 1947 par Washington (13, 1 milliards, URSS et c olonies comprises) .

Mais, plus que son v olume, c'est la répartition ciblée de l'aide qui s 'avéra efficace .

La coopér ation européenne et le retour d e la confiance , soutenue par la pub licité des Américains en faveur de leur action , firent le reste.

À l'Ouest, cependant, une partie de l'électorat , pour l'essentiel communiste, a récusé le leadership américain, ressenti comme une atteinte à la souverain eté nationale .

Il est vrai que le plan Mars hall a contribué à augmenter les tension s économiques et politiques entre l'Est et l'Ouest.

Les inspirateurs du plan avaient cherché (sans succès) à limiter l'influence de l'URSS .

Mais l'Histoire a fini par leur donner raison .

C'est bien l'écart de prospérité qui fut une des premières causes de l'effondrement du bloc socialiste en 1989 .. »

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