LE THÉÂTRE FRANÇAIS
Publié le 04/02/2019
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Mais, s’il refuse les idées, il n’est pas dénué de messages: il met à nu l’incohérence et la précarité de la condition humaine. Les dialogues brillants de Jacques Audi-berti (1899—1965) dans L’effet Glapion en 1959, ou d’Arthur Adamov (Le Ping-Fbng, 1955) dissimulent mal le fond d’angoisse métaphysique qui les anime. Marginal et délinquant, Jean Genet (1910-1986) fait scandale avec des spectacles violents et magiques qui inventent un langage théâtral efficace (Les bonnes, 1947; Le balcon, 1956).
Mais le renouvellement le plus profond provient du théâtre de l’absurde, selon la version d’Eugène Ionesco (1912-1994), d’origine roumaine, et selon celle de l’Irlandais Samuel Beckett (1906-1989). Ce théâtre déconstruit tous les principes qui régissent le théâtre occidental : une narration logique, des personnages construits, un langage cohérent. Rien de tout cela dans La cantatrice chauve (1950) ou Le roi se meurt (1962) de Ionesco, ni dans En attendant Godot (1953) et Oh ! les beaux jours (1961) de Beckett, qui déconcertent les spectateurs à leur création: nulle intrigue, aucun souci de construire une action et de la mener jusqu’à son terme; seulement des rencontres, des hasards, des répétitions sans rime ni raison. Pas de personnages ni de héros psychologiquement cohérents qui permettraient une identification des spectateurs; seulement de pauvres marionnettes interchangeables, des archétypes, qui ne tirent leur peu d’existence que du conformisme social qui les habite (comme chez Ionesco) ou de leur capacité infinie à bavarder pour tromper l’inquiétude (comme chez Beckett). Et un
▼ Une cocasserie empreinte de vérité et une juste observation des travers humains ont contribué au succès du café-théâtre de la troupe du Splendid.
Jérôme Savary, fondateur du Grand Magic Circus, privilégie l’image et le son au texte.
Ces spectacles allient sens de la fête et liberté d'invention.
petit nombre de thèmes obsessionnels : incommunicabilité, vieillissement et échec, présence de la mort, clôture de l’espace et du temps, répétition d’une parole vaine, rare et dénuée de sens. Il ne s’agit plus de montrer, de l’extérieur, les mœurs d’une société, mais, de l’intérieur, l’angoisse des êtres. Néanmoins un comique dérisoire (Ionesco) et des bouffonneries (Beckett) concourent à donner aux pièces absurdes leur liant théâtral et à alléger une atmosphère, certes éprouvante et angoissante, mais dépourvue de tout effet lugubre.
Le café-théâtre
Après deux décennies d’expérimentations multiples, le théâtre français semble s’être assagi. Le retour aux textes classiques et la nostalgie des origines est la tendance dominante depuis les années 1980. Néanmoins, les années 1970 ont vu émerger une forme de théâtre plus vivante, plus accordée à la sensibilité d’un public jeune : le café-théâtre. En marge des institutions, celui-ci a fait connaître de nouveaux lieux comme le Splendid ou le Café de la Gare à Paris et révélé de brillants comédiens (Josiane Balasko, Miou-Miou, Michel Blanc, Coluche, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere, Gérard Jugnot). Leur comique énorme, leur rejet de toutes les valeurs, leur langue actuelle ont nourri des spectacles d’auteurs-acteurs dont certains sont devenus des classiques de la comédie française (Les Bronzés, Le Père Noël est une ordure) ou des «types» comme ceux imaginés par Pierre Desproges, Guy Bedos, Muriel Robin.
De l'existentialisme...
Après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux courants entraînent le théâtre sur la voie d’une rénovation radicale. La relève du Cartel est assurée par des compagnies qui entendent décentraliser le théâtre, y compris en fondant des festivals: celui d’Avignon, créé en 1947 par Jean Vilar (1912-1971) qui réforma aussi le Théâtre national populaire (TNP), et la compagnie Madeleine Renaud (1900-1994) -Jean-Louis Barrault (1910-1994) sont les glorieux précurseurs des personnalités qui animent la scène française et témoignent de sa vitalité : Roger Planchon (né en 1931), Antoine Vitez (1930-1990), Ariane Mnouchkine (née en 1939) et Patrice Chéreau (né en 1944).
Dès 1940, la scène se fait l’écho des débats politiques et moraux. Les principaux protagonistes de ce théâtre à idées sont des écrivains-philosophes : Jean-Paul Sartre (1905-1980) et Albert Camus (1913-1960). Recourant à une dramaturgie traditionnelle, les pièces de Sartre évoquent à la lumière de l’existentialisme des personnages en situation proches des préoccupations philosophiques et politiques de l’auteur: l’existence de l’homme et la prise de conscience de sa contingence (Huis clos, 1944), le comportement du parti communiste (Les mains sales, 1948) ou la liberté morale (Le Diable et le Bon Dieu, 1951).
À mi-chemin de l’humanisme et de l’absurde, le théâtre de Camus exprime, lui, une vision du
Bertold Brecht mit au point une formule dramatique qui voulait éveiller la réflexion et non l’émotion du spectateur, sa conscience et non son identification aux personnages.
Robert Hossein s’impose comme un metteur en scène fougueux, inventif et manieur de foules. Dans Je m’appelais Marie-Antoinette, il fit voter le public afin que celui-ci décide de l’exécution capitale de la reine, Il cherche à redonner au théâtre une vocation populaire.
▼ Michel Bouquet dans Le roi se meurt d’Eugène Ionesco. Cette pièce traite de la tragédie pathétique de la vie humaine, qui va de la prise de conscience intolérable de la mort à l'acceptation de son rituel.
monde ou ne transparaît aucun sens, aucun espoir. Ses pièces illustrent l’aveuglement du destin (Le malentendu, 1944; Caligula, 1945) ou le problème du terrorisme (Les Justes, 1949).
À l'absurde
La rupture la plus forte et la plus déterminante avec le théâtre qui l’avait précédé intervient dans les années 1950 avec le «nouveau théâtre». Comme dans le courant parallèle du «nouveau roman» (dont les maîtres sont Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Michel Butor...), le «nouveau théâtre» rejette à la fois le théâtre bour-
«
Le
théâtre français
compte qu'une salle de théâtre permanen te:
l'hôtel de Bourgogne, qui finira par se spécialiser
dans la tragédie.
En 1600 est créé le théâtre du
Marais, où l'on joue beaucoup de farces.
En
1658, la troupe de Molière s'installe au Palais
Royal, puis à l'hôtel de Guénégaud.
En 1680, elle
fusionne avec la troupe rivale de l'hôtel de Bour
gogne pour former la Comédie-Française.
Ces
salles de spectacle parisiennes accueillent égale
ment les très populaires comédiens italiens, qui
représentent dans leurs comédies simples ( com
media dell'arte) quelques types invariables et
conventionne ls: Pierrot, Arlequin, Colombine ou
Polichinelle.
Les auteurs dramatiques sont encore hostiles
à toute règle qui entraverait leur liberté d'ex
pression.
Cultivant l'excès sous toutes ses formes,
ils ont le goût des situations extrêmes, de l'invrai
semblable, du macabre ou de l'horreur: amants
dénaturés, héros déchirés, martyres, suicides,
viols, meurtres.
Le principal auteur à laisser
sa marque sur un public avide d'intrigues mou
vementées est Alexandre Hardy (v.
1570-v.
1632)
qui contribue au triomphe de la tragi-comédie,
une tragédie au dénouement heureux: ce genre
dramatique se caractérise par sa complexité et
sa démesure, et par une cruauté qui se déploie
sur la scène avec un réalisme parfois morbide.
Ainsi, dans La force du sang (1626) de Hardy,
la jeune Léocadie, violée par Alphonse, traverse
mille intrigues pour retrouver son honne ur,
faire reconnaître son enfant et épouser son
séducteur.
! Arrivée des comédiens au Mans.
a Illustration de Jean-Baptiste Oudry
(1686-1755) pour Le roman comique
de Paul Scarron.
A travers les tribulations
de ses comédiens, Scarron donne
une vision particulièrement
burlesque de la réalité provinciale.
ŒUVRES ESSENTIELLES
Corneille
Le Cid, 1636-1637
Horace, 1640
Cinna, 1640-1641
Fblyeucte, 1641-1642
Suréna, 1674
Molière
Les précieuses ridicules, 1659
L'École des femmes, 1662
Dom Juan, 1665
Le misanthrope, 1666
Le bourgeois gentilhomme, 1670
Les femmes savantes, 1672
Le malade imaginaire, 1673
Tartuffe, 1669
Racine
Andromaque, 1667
Britannicus, 1669
Bérénice, 1670
Bazajet, 1672
Iphigénie en Au/ide, 1674
Phèdre, 1677
Athalie, 1691 De
la farce ...
À côté des excès de ce théâtre se développe une
littérature burlesque qui réagit par la parodie :
celle-ci consiste à revenir à la réalité crue et popu
laire, à faire raillerie de tout et à conter dans un
style grossier des aventures vulgaires.
L'archétype
du burlesque est un roman: le Roman comique
(1651-1657) de Paul Scarron (1610-1660), qui
narre les aventures d'une troupe minable, mais
sympathique, de comédiens ambulants.
Dans le registre de la gaieté gauloise, la farce
connaît un regain de succès dans les premières
décennies du Grand Siècle sous l'influence de la
commedia dell'arte.
Le modèle reste La farce de
MaÎ!Ye Pathelin (1461-1469).
La farce est une pièce
courte (200-500 vers) dont les intrigues -la mise
en scène d'une polissonnerie ou d'une fourberie -
et les personnages - hobereaux lubriques, pay
sants sots, marchands cupides, maris bernés,
femmes autoritaires, moines grossiers -sont
empruntés à la vie quotidienne, souvent la plus
humble.
Tout dans ce monde caricatural, des dis
putes aux coups de bâton et aux jeux de mots, est
destiné à faire rire le public, aussi bien aristocra
tique que populaire, qui se presse à l'hôtel de
Bourgogne ou devant les tréteaux de la place Dau
phine et du Pont-Neuf.
À la comédie
Même si les doctes, les gens d'Église et le
public cultivé relèguent peu à peu la farce dans.
»
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