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Les accords Matignon : 8 juin 1936 (extraits)

Publié le 03/02/2011

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Les délégués de la Confédération générale de la Production française et de la Confédération générale du Travail se sont réunis sous la présidence de Monsieur le Président du Conseil et ont conclu l'accord ci-après, après arbitrage de Monsieur le Président du Conseil :    « Article 1 — La délégation patronale admet l'établissement immédiat de contrats collectifs de travail... Article 3 — L'observation des lois s'imposant à tous les citoyens, les employeurs reconnaissent la liberté d'opinion ainsi que le droit pour les travailleurs d'adhérer librement et d'appartenir à un syndicat professionnel... Les employeurs s'engagent à ne pas prendre en considération le fait d'appartenir à un syndicat pour arrêter leurs décisions, en ce qui concerne l'embauchage, la conduite ou la répartition du travail, les mesures de discipline ou de congédiement... L'exercice du droit syndical ne doit pas avoir pour conséquence des actes contraires aux lois.    Article 4 — Les salaires réels pratiqués pour tous les ouvriers à la date du 25 mai 1936 seront, du jour de la reprise du travail, rajustés selon une échelle décroissante commençant à 15 % pour les salaires les moins élevés pour arriver à 7 % pour les salaires les plus élevés, le total des salaires de chaque établissement ne devant en aucun cas être augmenté de plus de 12 %...    Article 5 — En dehors des cas particuliers déjà réglés par la loi, dans chaque établissement employant plus de 10 ouvriers, après accord entre organisations syndicales ou à défaut entre les intéressés, il sera institué deux titulaires ou plusieurs délégués ouvriers (titulaires ou suppléants) suivant l'importance de l'établissement. Ces délégués ont qualité pour présenter à la direction les réclamations individuelles qui n'auraient pas été directement satisfaites, visant l'application des lois, décrets, règlements du Code du travail, des tarifs de salaires et des mesures d'hygiène et de sécurité...    Article 6 — La délégation patronale s'engage à ce qu'il ne soit pris aucune sanction pour fait de grève.    Article 7 — La délégation confédérale ouvrière demande aux travailleurs en grève de décider la reprise du travail dès que les directions des établissements auront accepté l'accord général intervenu et dès que les pourparlers relatifs à son application auront été engagés entre les directions et le personnel des établissements «.    Les accords comprennent également l'engagement de L. Blum contenu dans une lettre à L. Jouhaux, secrétaire de la C.G.T. : « 7 juin, minuit, Cher Ami, Je vous confirme par écrit les engagements que j'ai pris. Les projets de loi sur les 40 heures, les congés payés, les contrats collectifs seront déposés après-demain mardi. «    QUESTIONS    1° Dans quelles circonstances ont été discutés et signés ces accords?    2° Que nous apprend le premier texte sur les relations entre employeurs et ouvriers avant 1936?    3° Analysez les mesures sociales prévues par ces textes et montrez leur importance.   

« 2 Le Front populaire au pouvoir.

Il est né du mécontentement des salariés (accentué par la politique déflationnistede P.

Laval) et de l'inquiétude provoquée par l'émeute fasciste du 6 février 1934.

Il a fallu un an et demi aux partisde gauche pour élaborer un programme électoral commun qui prévoit la dissolution des ligues, quelquesnationalisations (armement, aéronautique) et une politique de relance (augmentation des salaires).

Aux électionsd'avril 1936, la victoire du Front populaire, qui porte le socialiste Léon Blum à la présidence du Conseil, suscite uneimmense espérance dans les classes populaires. 3 Les grèves de mai-juin 1936.

Certaines directions ayant décidé, dans l'aéronautique, de licencier des ouvriers quiont chômé le Ier mai, des grèves éclatent, avec occupation des usines et se multiplient dans la métallurgie.

Ellessurprennent la C.G.T., la S.F.I.O., le patronat, le gouvernement...

car elles sont une explosion de joie spontanée quigagne très vite l'ensemble du monde ouvrier, puis les grands magasins.

Mais une fois déclenchées, elles sontentretenues par l'aile gauche de la S.F.I.O.

et les trotskistes qui espèrent déclencher un processus révolutionnaireet par les communistes qui veulent ainsi « pousser Blum à l'action ».

Le patronat est paralysé de stupeur et decrainte, la C.G.T.

cherche à reprendre le contrôle du mouvement et le gouvernement à régler au plus vite unproblème inattendu qui risque de coûter cher à la nation. Les relations employeurs-employés avant 1936 1 C'étaient des rapports de force.

Les conditions de travail n'étaient pas fixées de façon nette et pouvaient doncêtre contestées (article 1). 2 La direction de l'entreprise était toujours en position de force.

Ainsi, un patron pouvait renvoyer un ouvriergréviste (article 6). 3 Le droit syndical s'était pas vraiment reconnu (article 3).

En effet, un militant syndicaliste pouvait se voir refuserl'embauche et s'il avait été embauché, pouvait être renvoyé ou brimé (« mesures de discipline »). 4 Les travailleurs n'avaient pas les moyens de faire entendre leurs réclamations individuelles et même de fairerespecter les lois et règlements sur les tarifs des salaires, sur la sécurité, l'hygiène...

Ils n'avaient donc aucuncontrôle sur l'entreprise. L'importance des mesures sociales de juin 1936 1 La grande mesure des accords Matignon, celle que les travailleurs attendaient est l'augmentation des salaires de 7à 15 %.

Il s'agit à la fois d'un « réajustement » (destiné à compenser la hausse des prix qui avait limité le pouvoird'achat) et d'une mesure égalitaire (les fortes hausses des bas salaires réduisent l'éventail des revenus).

En réalité,cette mesure de reflation, destinée à stimuler la consommation intérieure n'a pas eu l'effet escompté : quelquesmois ont suffi pour que les prix rattrapent les salaires (les entreprises ont répercuté les hausses salariales sur leursprix de vente). 2 La protection des travailleurs dans l'entreprise.

Il s'agit d'un ensemble de mesures d'une portée bien plusconsidérable : reconnaissance du droit syndical dans l'entreprise (donc du droit de contester sur place les décisionspatronales); création de délégués ouvriers pour présenter les réclamations individuelles visant à faire respecter laréglementation du travail (c'est le début du pouvoir ouvrier dans les entreprises); reconnaissance du droit de grève,puisque la délégation patronale s'engage à ce qu'il ne soit pris aucune sanction pour fait de grève (article 6);engagement des patrons à rédiger des contrats collectifs de travail par entreprise : ces contrats, qui doivent définiravec précision les conditions de travail et de rétribution, seront rédigés dans les semaines à venir, et la loi du24.6.1936 permet d'imposer les conventions par branches industrielles : 5 681 conventions ont été signées de juin1936 à décembre 1938. 3 La diminution du temps de travail n'est pas prévue dans les accords Matignon, mais L.

Blum s'engage à déposerdes projets de loi en ce sens : les congés payés (12 jours, soit deux semaines) et 40 heures de travail par semaineau lieu de 48 (en $ jours).

Ces deux mesures n'ont pas la même portée : la loi sur les congés payés a donné lieu à lapremière grande migration d'été de l'histoire des Français; elle annonce la civilisation des loisirs.

Quant à la loi sur les40 heures hebdomadaires, elle a été décidée à la demande de la C.G.T., mais il aurait fallu la moduler par secteurs,car dans l'industrie de l'armement par exemple, le travail ne manquait pas : le résultat a été une baisse deproduction dans certains secteurs-clés et le chômage n'a pas diminué pour autant. Conclusion Les accords Matignon ont apporté en quelques jours aux travailleurs plus qu'ils n'avaient obtenu en un demi-siècle.C'est vraiment une victoire ouvrière, non à cause des hausses de salaires vite rattrapées, mais par le changementqualitatif survenu : le syndicalisme officialisé, les premiers congés payés, un repos plus long à la fin d'une semainemoins pénible, le sentiment d'avoir gagné au moins une fois sur le patronat. Mais toutes ces mesures prises à chaud se sont ensuite heurtées au mauvais vouloir des chefs d'entreprise qui ontdésavoué leur confédération patronale : les grèves ont continué de perturber la vie économique.

Avec la production,ont baissé les bénéfices des entreprises, donc les investissements.

Aussi les conquêtes ouvrières ont été peu à peurognées : celle qui a le mieux résisté a été l'institution des congés payés.. »

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