Les chroniques de Pierre de L'Estoile un témoignage sur le règne d'Henri IV
Publié le 25/08/2013
Extrait du document
A maintes occasions, le chroniqueur, d'ordinaire caustique, se montre sensible à la misère. Comme en mai 1595: « Les rues de Paris se voyaient pleines de processions de pauvres, qui y affluaient de tous côtés (...), chose pitoyable à voir. « Ou lorsque, durant l'épouvantable hiver 1608, il relate la fin de « plusieurs personnes mortes de froid «. Cette année-là, c'est par ouï-dire, mais avec une indignation et une compassion identiques, qu'il rapporte le suicide d'un paysan de Champagne assailli par les collecteurs des impôts.
«
une totale absence de contrain
tes .
Se référant à !'écrivain
Michel
de Montaigne et à ses
Essais, il affirme parler «tel que
je suis , mon naturel au jour , mon
âme libre et toute mienne,
accoutumée à se conduire à sa
mode , non toutefois méchante
ni maligne, mais
trop portée à
une vaine curiosité et liberté ».
li résulte de cette curiosité des
registres contenant une
surpre
nante masse d'échos, de dé
tails, de jugements personnels
modérés .
L'Estoile y
joint des
lettres de personnalités, de s
sonnets pamphlétaires , des
li
belles, qu'il recueille tels quels
ou retranscrit, le tout sans hié
rarchisation, sans ordre autre
que chronologique .
« Le pre
mier jour de cet an 1600 com
mença un samedi matin, tout
lequel jour ne fit que venter et
pleuvoir .
Les cinq autres jours,
continuèrent en pluies
et fut le
temps très doux, et y eut , pen
dant iceux , tant en duels qu'en
meurtres,
sept hommes tués en
cette ville
de Paris.
» Dans son
Journal de cette même année , le
chroniqueur relate trois
enfante
ments prodigieux, une épidé
mie de pleurésie, la conversion
d'un seigneur
de Normandie au
catholicisme ...
Un témoin sensible
à la misère
La deuxième partie des Registres
;ournaux, qui couvre le règne
d'Henri IV, commence par un
récit
désapprouvant les mani
festations de joie qui saluent en
août 1589 la mort d'Henri Ill, ce
«pauvre prince ».
rir un pain , je le donnai à ce
pauvre
homme avec une pièce
d'argent.
»
~ La chronique devient plus di ..
0 0 recte et plus vivante que jamais A
maintes occasions , le
chroni
queur, d'ordinaire caustique, se
montre sensible à la misère.
Comme en mai 1595 : « Les rues
de Paris se voyaient pleines de
processions de pauvres, qui y
affluaient de tous côtés ( ...
),
chose pitoyable à voir.
» Ou
lorsque, durant l'épouvantable
hiver 1608, il relate la fin de
« plusieurs personnes mortes
de froid ».
Cette année-là, c'est
par ouï-dire , mais avec une
indi
gnation et une compassion
identiques,
qu'il rapporte le sui
cide d'un paysan de Cham
pagne assailli par les collecteurs
des
impôts .
"' lorsque L'Estoile raconte le z ~ siège de Paris par Henri IV.
li
o raille les Ligueurs de la capita ] a.
le, qui, au cours d'une proces-
sion guerrière , tuent,
affirme-t
il, un des leurs .
li décrit avec
beaucoup
d'émotion certaines
scènes
d'août 1590, alors que le
blocus affame la
population :
« Le mercredi 15 août, jour de
Notre-Dame , comme j'étais à
ma porte, sur les cinq heures du
soir se vint présenter à moi un
pauvre homme, fort hâve ,
mou
rant de faim, qui tenait un sien
d'enfant entre ses bras , d'envi
ron cinq ans, que je vis inconti
nent expirer entre les bras du
pauvre père , qui lui ferma les
yeux en ma présence
et m'assu
ra qu 'il y avait ( . ..
) plus de quin
ze jours qu'ils n'avaient vu de
pain.
Ce qui me fit si grande
pitié qu 'allant moi-même qué-
L'Estoile critique aussi verte
ment Henri IV, notant avec soin
les sommes énormes
que le roi
perd au jeu ou déplorant, en
1609, qu 'il « ne parle que d'im
pôts , enchères d 'État , nouveaux
édits et ordonnances onéreuses
au peuple ».
Mais quand, en
mai
1610 , le souverain est assas
siné, il rend fidèlement compte
du chagrin des Parisiens : « Les
boutiques se ferment, chacun
crie,
pleure et se lamente,
grands et petits, jeunes et vieux,
les femmes
et les filles s'en
prennent aux cheveux .
»
UN CHRONIQUEUR INDÉPENDANT
Pierre de L'Estoile décrit les larmes qui « sortirent des yeux »
d'Henri IV lors de son abjuration à Saint-Denis.
En avril 1595, c'est
avec
le ton ironique du moraliste qu'il note que le roi est défiguré
par un catarrhe et signale que nombre de Parisiens sont affectés
par la maladie, «tous fléaux de Dieu, pour lesquels toutefois on
voyait aussi
peu d'amendement aux grands comme aux petits ».
11 rapporte les habitudes d'homme de guerre du souverain, qui
écrit ses lettres « sur le dos de ses grands laquais ».
Il se gausse
des grandiloquentes manifestations de dévotion du roi, qui, en
1606, se débotte avant d'entrer dans la cathédrale de Reims ou se
traîne à genoux pour l'adoration du vendredi saint.
Sur Gabrielle
d'Estrées, la maîtresse d'Henri IV, il s'en tient à ce qu'en dit la
rumeur publique, c'est-à-dire peu de bien et, lorsqu'elle s'éteint,
parle d'une mort « miraculeuse ».
Il se fait ensuite l'écho de la cour
pressante que fait Henri IV à Henriette d'Entragues et, plus tard,
relate l'arrivée à Marseille de la reine Marie de Médicis,
vêtue d'une « robe de drap d'or ( ...
), sans poudre, sans fard ; la
gorge un peu ouverte, avec un rang de grosses perles », description
faite par ouï-dire, mais qui sera confirmée par les peintres.
fiBll:E DITI ONS 1:i111 ATLAS
~.
»
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