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Les Écoles nationales

Publié le 27/02/2008

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L'usage peu à peu, a fait de ces deux vocables accouplés un terme musicologique courant. " École " y garde son sens figuré ordinaire ; mais " national " prend là une acception précise, en quelque sorte technique : il désigne, à la fois, une tendance ­ sinon une doctrine ­ artistique et l'époque où elle a régné.                Il s'agira de définir la tendance. Quant à l'époque, on la circonscrira sommairement en disant qu'elle va du début du siècle précédent au début du nôtre. Les phénomènes précurseurs la prolongent dans le passé, les soubresauts de l'agonie dans le présent, et peut-être vers l'avenir.                En une période si longue, la conception du " national " devait nécessairement évoluer et n'y a pas manqué. Vue dans la perspective de l'histoire, elle nous apparaît, à son état de maturité, comme la volonté de certains créateurs de se manifester comme mandataires d'une communauté ethnique : dans la mesure où cette volonté est collective, il est licite de parler " d'écoles ".                " J'ai essayé ", proclame Grieg, " en puisant dans la mine des chansons populaires de mon pays, de créer un art national ". Mais avant lui, Glinka bornait son ambition à écrire " une musique où mes chers compatriotes se sentent comme chez eux " ; et après lui, on verra, par exemple, les successeurs de deux grands Tchèques se détourner de l'idéal qui avait enflammé leurs devanciers.    

« L'usage peu à peu, a fait de ces deux vocables accouplés un terme musicologique courant.

" École " y garde sonsens figuré ordinaire ; mais " national " prend là une acception précise, en quelque sorte technique : il désigne, à lafois, une tendance sinon une doctrine artistique et l'époque où elle a régné.

Il s'agira de définir la tendance.

Quant à l'époque, on la circonscrira sommairement en disant qu'elle va du début dusiècle précédent au début du nôtre.

Les phénomènes précurseurs la prolongent dans le passé, les soubresauts del'agonie dans le présent, et peut-être vers l'avenir.

En une période si longue, la conception du " national " devait nécessairement évoluer et n'y a pas manqué.

Vue dansla perspective de l'histoire, elle nous apparaît, à son état de maturité, comme la volonté de certains créateurs de semanifester comme mandataires d'une communauté ethnique : dans la mesure où cette volonté est collective, il estlicite de parler " d'écoles ".

" J'ai essayé ", proclame Grieg , " en puisant dans la mine des chansons populaires de mon pays, de créer un art national ".

Mais avant lui, Glinka bornait son ambition à écrire " une musique où mes chers compatriotes se sentent comme chez eux " ; et après lui, on verra, par exemple, lessuccesseurs de deux grands Tchèques se détourner de l'idéal qui avait enflammé leurs devanciers.

Ces trois étapes jalonnent l'évolution dont nous parlions.

Pour les deux premières, la musicologie allemande a forgéles définitions " Heimatkunst " (art de la patrie) et " nationale Weltsprache " (langage national universel) ; onpourrait appeler la troisième : le stade de l'abandon ; l'ouvrage parait achevé, des doutes et des scrupulessurgissent, la foi chancelle.

Le bien-fondé de ces restrictions mentales doit être pesé attentivement.

Notons, en attendant, que pour toute nation dont est issue une école dite " nationale ", il s'agit d'une naissancespirituelle ou, pour le moins, d'une résurrection.

Russie, Norvège, Finlande, Hongrie, Espagne commencent ourecommencent, dans l'œuvre de leurs porte-parole, une vie musicale nouvelle.

Elles naissent littéralement à lamusique de l'Europe moderne, soit que cette Europe, sur le tard, découvre leur art, à l'origine destiné " aux cherscompatriotes " seuls, soit que délibérément elles prétendent y conquérir une place.

En maints pays avaient déjàfleuri maintes écoles : italienne de violon, allemande d'orgue, etc.

Sont-elles " nationales ", à la manière du XIXe, ouimagine-t-on seulement qu'elles puissent l'être ? Les conditions du national actuel tiennent dans la réponse à cettequestion.

L'affirmation musicale de la personnalité ethnique a pour instrument la chanson populaire.

Plus d'une fois déjà, au cours des âges, la musique des classes instruites et celle de la foule inculte s'étaient rencontrées.

Toute musique " selonl'art " plonge ses racines dans une immémoriale tradition orale, la grecque autant que la chinoise.

On nous a bien prouvé la survivance de " lamélopée antique dans le chant de l'église chrétienne ", mais a-t-on assez démontré que les formules psalmodiques déterminent l'aspect deprototypes folkloriques tels que Le roi Renaud , Cadet Rousselle , Le bon roi Dagobert P083 ou En passant par la Lorraine ? Où donc l'Église avait-elle pris ces formules ? Sans cesse, l'art cultivé se replonge dans la fontaine de jouvence de la mélodie anonyme.

Un air frais, venu sansaucun doute du " dehors ", souffle chez les trouvères, et de plus en plus, les musicologues s'appliquent à découvrir l'origine de lapolyphonie M1T01 dans la pratique du vulgaire.

Sacré et profane se mêlent sans cérémonie dans la composition chorale du XIIIe au XVIe.

Ce que le charretier siffle sur son siège semble assez bon à tel Anglais pour nourrir une fantaisie virtuose.

Échanges et contacts normaux que, longtemps, nulle curiosité n'explique.

Pourtant, cette curiosité naîtra etgrandira, dès que s'élargiront les vues sur le monde et que les caravelles traceront les grandes routes des océans.Alors le goût du pittoresque gagne de proche en proche et se délecte de turqueries et de chinoiseries.

On voitIndiens et Iroquois envahir l'opéra, les danses de l'Espagne, de la France, de la Sicile, de l'Angleterre, de l'Allemagneet bientôt celles de la Pologne et de la Hongrie poindre dans les ballets, et, dans la musique d'intérieur, apparaîtrevielle, horn-pipe, tambourin.

Mais tout cela est encore dominé par un idéal et, davantage, par des procédés essentiellement internationaux.

Il ne s'agit encore que d'épices et decondiments, admis dans la mesure, en somme minime, où ils se peuvent accommoder à des recettes intangibles.

Le turc et le chinois demeurentdiatoniques, et les " Sauvages " d'opéra, frères jumeaux des Grecs anciens de tragédie, brandissent les mêmes plumes et disent, en musique," Madame ", eux aussi.

La culture de l'Europe est encore unanime, et les grandes formes de sa musique messe, opéra ou concerto règnent, tour àtour, sur tout le continent, quelle que soit leur patrie.

Le pot-pourri chorégraphique Allemande - Courante - Sarabande - Gigue, parti de France à laconquête de la société policée de partout, symbolise à merveille cet accord des goûts.

" La ridicule distinction entre les musiques nationales ", queGluck M018 veut abolir, n'est toujours, dans la seconde moitié du XVIIIe, que nuance dans la pratique, et non pas différence de conception ou incompatibilité.

Et il y a plus : de l'héritage populaire, les grands pays qui ont créé notre musique avaient déjà tiré, au seuil de l'ère moderne, leursystème harmonique et rythmique et les formes qui en découlent.

Bien que fort avancé, ce développement pouvait continuer, mais nonrecommencer : c'est dire qu'on ne saurait plus concevoir, dans ces pays, la création d'écoles nationales, au sens contemporain du terme ; lescaractéristiques ethniques ne pouvaient plus paraître là que sublimées et comme signes distinctifs purement psychologiques : c'est à bon droitque nous parlons d'un allegro napolitain.

Il n'en demeure pas moins que, dès la fin du Moyen Âge, les forces de cohésion faiblissent.

La foi ne mène plus guère à Canossa, l'univers agrandi, la science s'attache toujours plus au particulier.

Les foules, lentement, dissocient leurs individus et s'urbanisent : le théâtre dans leurlangue maternelle et plein d'ariettes à leur goût, qu'elles exigent, nous achemine déjà vers notre notion du national.

Terme final d'un enchaînementséculaire de causes et d'effets, la musique officielle s'ouvre d'autant plus volontiers à tout apport nouveau qu'elle a plus intensément exploité sesressources et en pressent l'épuisement.

L' ongaresca et l' all'ongarese que l' alla zingarese suivra de près se prennent à foisonner chez. »

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