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Les révoltes antifiscales du XVIIe siècle

Publié le 17/08/2012

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Enfin, la violence collective pose aussi son opprobre sur les officiers des élections. La violence que la commune pourrait exercer ne se conçoit pas sans justification et légitimité. On retrouve l'idée que ceux qui se sont enrichis sur l'impôt ont volé le peuple. D'ailleurs, un des noms dont se dotent parfois les révoltés est celui de « chasse-voleur «. On les nomme aussi « tards avisés «, nom courant depuis les révoltes de Guyenne à la fin du XVIe siècle. Son sens viendrait de ce que les révoltés s'avisent déjà bien tard de prendre les armes : en un sens, montrer qu'ils ont été patients jusque-là. L'appellation la plus courante, celle de « croquants «, est péjorative, et désignait à la base les nobles qui croquent le peuple, mais ces derniers ont retourné l'expression contre les insurgés eux-mêmes.    La prise des armes, moment le plus inquiétant des révoltes pour les autorités, est pourtant également la preuve d’une contestation uniquement fiscale.    2- L'absence de remise en cause de la hiérarchie sociale    Ce n'est donc pas une remise en cause de la hiérarchie sociale en tant que telle. Comme on le disait, attaquer le fisc royal n'est pas attaqué directement la monarchie. Un cri de révolte, que l'on retrouve fréquemment en pareille insurrection, est assez révélateur de cette situation : vive le roi sans gabelle. L'opposition aux officiers et la participation de seigneurs permet aussi de montrer que l'insurrection n'a pas de caractère antinobiliaire. Le seul aspect intolérable réside dans l’apparition de « nouveautés «, c'est-à-dire dans l’accroissement ou la création d’impôts. Au lieu d’orienter leurs frustrations vers les responsables lointains, les émeutiers s’en prennent souvent à des responsables locaux : on attaque les officiers de l'élection pour les « voleries « qu'ils font de leur office, mais pas à cause de leur appartenance à une classe sociale dominante. D'autre part, la religion elle aussi continue d'exercer son autorité et le curé reste le personnage important qu'on sait dans la communauté. Le carcan socio-religieux est loin d'être ébranlé comme ça peut être le cas lors d'une révolution véritable. Ici, il n'y a pas de contestation des fondements de la société. 

« et archers.

Et le 2 juillet, ils étaient près de 3 000 paysans de Wimille et d'Huplandre à mettre en déroute une compagnie de cavaliers jusqu'à Outreau et Condette.D'autres révoltés rassemblés à Tingry, obligèrent les moines de Samer à loger et nourrir 500 hommes à l'abbaye.Les autorités, d'abord surprises par ce mouvement d'une telle ampleur, réagirent ensuite avec vigueur et la répression fut impitoyable.Le soir du 11 juillet 1662, le duc d'Elboeuf qui dirigeait l'opération écrivait au ministre Colbert que « ses bataillons avaient forcé mille de ces misérables qui étaientdans un village, fort bien barricadés et les avaient obligés à se retirer dans le château d'Hucqueliers où nous les avons pris à discrétion ».

Et, si l'on en croit DonDucrocq, un père capucin de Montreuil promit aux insurgés qu'il ne leur serait fait aucun tort s'ils acceptaient de se rendre.Presque tous acceptèrent mais, à peine avaient-ils mis bas les armes qu'on lia et supplicia la plupart d'entre eux.

Cinq cent quatre-vingt-quatorze hommes furent faitsprisonniers et enfermés.

On en fit sortir quatre puis on avait tiré au sort pour désigner celui qui obtiendrait sa grâce à la condition qu'il voulût se charger de lapendaison des trois autres.

Un nommé Lambert eut donc à se prêter à cette sinistre comédie pour garder la vie sauve.Il convient pourtant d'ajouter que Louis XIV lors de son passage à Boulogne pour aller visiter Dunkerque, sa nouvelle conquête, accorda le pardon à ceux qui setrouvaient encore aux galères et confirma les privilèges que ses prédécesseurs avaient accordés aux Boulonnais.Petite anecdote concernant le nom de la révolte : la révolte écrasée, on joua à Paris une pièce de théâtre où l'on représentait les paysans traqués comme des bêtesfauves.

La pièce avait pour titre : l'eusses-tu cru ? Il fallait comprendre : l'eusses-tu-cru ? Que Louis XIV aurait eu la barbarie d'envoyer aux galères avant touteinformation judiciaire des paysans sans défense ? À plusieurs reprises les auteurs font dire aux Boulonnais cette interrogation.

Il est probable que le nom de Lustucru(qui prend ici le sens de croquemitaine) donné à cette révolte de 1662 trouve là son origine. Maintenant que nous avons vu comment se déroule ces révoltes, il convient de s'intéresser aux rouages de ces soulèvements.

Aussi, nous allons voir de quelle manières'organisent les révoltés. II- La solidarité paysanne face à l'impôt. L'impôt direct de la taille est une des raisons principales des solidarités qui s'organisent. A.

Les tailles Véritable raison du soulèvement en Angoumois en 1636, l'impôt de taille est un impôt royal direct.

Il devient permanent et annuel pendant la guerre de Cent Ans.Comme dit plus tôt, le contexte du début XVIIe siècle, avec la guerre de Trente Ans et le tour de vis fiscal opéré par Richelieu accroit les levées d'impôts, dont lestailles qui doublent rapidement.

Celles-ci sont réparties par unité géographique, depuis la généralité et l'élection jusqu'à la paroisse.

A chaque niveau existe uneresponsabilité collective de l'impôt : si le recouvrement est insuffisant sur une partie, le manque retombe sur l'autre partie.

Au niveau de la paroisse ce systèmecollectif de recouvrement se traduit par des coercitions exercées sur l'ensemble des habitants d'un village redevable, sans distinction de ceux qui ont ou non déjà payéleur part.

Ce procédé d'exigence s'appelle la « contrainte solidaire ».

On dit même sous forme d'adage que « le clocher est responsable de l'imposition ».Les habitants sont donc habitués à un système de répartition commun de l'impôt, et donc une solidarité préexiste en la matière. On peut clairement distinguer la solidarité paysanne vis à vis de l'imposition, qui prend une certaine forme de charité chrétienne.

Effectivement, on tente «d'humaniser l'impôt » en ne le faisant pas donner à ceux qui sont les plus démunis, mais plus important encore, on prend le curé comme acteur de cette répartition.Celui-ci est, comme on l'a dit, un personnage principal de la vie dans la France profonde, et on peut ainsi voir que son autorité morale est primordiale.Cette notion de non remise en cause de l'impôt est intéressante.

Car si les révoltés se veulent intransigeants quand aux réductions de tailles, en aucun cas ils nedemandent leur abolition.

Ils ne font que les réduire et les rendre a priori plus justes, sans pour autant contester leur paiement.

Ainsi, même si l'on se trouve dans lecadre d'une révolte, d'un soulèvement armé, il faut noter que la soumission fiscale n'est pas remise en question.

L'abaissement de l'impôt réunit la communautépaysanne dans une lutte présentée comme légitime Aussi la légitimité de la lutte tient elle dans une institution bénéficiant d'une autorité non négligeable : la commune. B.

La solidarité comme une arme : la commune. Ce que l'on appelle aujourd'hui les fonctions de police (répressions des crimes, respect des règlements) incombent alors dans les villes aux magistrats des coursroyales et aux municipalités.

Dans les communautés de la campagne qui n'ont pas d'échevins ni de consuls, ces charges reviennent à un petit juge seigneurial ou bienà un syndic élu représentant le village.

Pour se faire obéir, magistrats ou échevins ont bien l'appui des sergents de ville (à peine une dizaine dans les grandes villes) oudes cavaliers de maréchaussée (une dizaine pour tout un bailliage ou une sénéchaussée.

Mais dans les cas graves, ils doivent faire appel à la communauté deshabitants, la « commune ».

La commune, l'unité élémentaire d'habitat, de pratique religieuse, d'exercice de la justice, d'autodéfense militaire, d'assiette fiscale, estencore, au début du XVIIe siècle, dotée de pouvoirs suffisants pour lui permettre de faire face à ses responsabilités.

La plupart des fonctions, que dans notre sociétédéveloppée nous sommes habitués à voir exercer par l'État, ne sont pas perçues comme nécessaires, ou du moins appartiennent presque uniquement à l'instancecommunale. Les municipalités dans les villes et bourgs jouissent ainsi d'une autorité très étendue, et même dans les paroisses rurales où n'existent pas d'officiers communaux,l'assemblée des habitants exerce des pouvoirs très considérables au regard de nos critères modernes.

Les corps municipaux sont beaucoup plus nombreux dans lesprovinces méridionales, tandis que dans la France du Nord seules les villes jouissent d'une telle représentation, les paroisses rurales n'ayant qu'un procureur ou unsyndic à leur tête.

Partout cependant les assemblées d'habitants remplissent des fonctions essentielles.

Confrontées à la montée des pouvoirs étatiques, la relativeindépendance et la solidarité communales sont peu à peu mises en branle au XVIIe siècle.

Ces solidarités au sein de la commune se font à plusieurs niveaux : lasolidarité imposée par l'insécurité, celle vivrière de la survie dans une économie avant tout de subsistances, mais aussi une solidarité inscrite dans les procédés derépartition de l'impôt.

Celui-ci est en effet calculé et réclamé par unité de lieu avant de l'être par tête de sujet.

Il n'est donc pas étonnant que les paysans, nés mariés etenterrés à l'ombre du même clocher, se trouvent aussi rassemblés pour se défendre, pour assurer leur pain quotidien, pour le règlement de leurs tailles. La paroisse quant à elle est une unité religieuse et une subdivision du diocèse ; on peut trouver plusieurs paroisses au sein d'une commune, tout comme une paroisseelle-même peut englober plusieurs communes.

Mais au-delà de l'aire géographique, il faut aussi noter que la paroisse est avant tout une communauté, rassembléeautour de l'église et son curé.

Le rôle de celui-ci dans la révolte qui nous intéresse ici est loin de n'être qu'anecdotique : il est un acteur primordial dans l'ordonnancede redistribution fiscale. III.

La prise des armes : symbolique d'une société d'ordres maintenue L'appel aux armes est la composante principale des événements sanglants du 17e siècle dans les campagnes françaises.

Elle est le signe concret du mécontentementgénéral. A.

L'appel aux armes.. »

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