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Les trente glorieuses

Publié le 15/09/2014

Extrait du document

De Madère à Cessac

Dans l'ouvrage Les Trente Glorieuses, Jean Fourastié décrit deux villages, Madère et Cessac. Deux villages que tout oppose...

« Le village de Madère a, d'après les chiffres du recensement, 534 habitants. De ces 534 habitants, les quatre cinquièmes sont nés à Madère ou dans des paroisses voisines, distantes de moins de 20 km, soit moins de quatre heures de marche. (...) La plupart des éléments du niveau de vie et du genre de vie des habitants de Madère sont restés très proches de ce qu'ils étaient à la fin du xix' siècle. «

Et l'auteur d'argumenter : « Des 534 habitants de Madère, 279 sont recensés dans la population active. (...) De ces 279 "actifs", 208 sont agriculteurs, 27 artisans et 12 commerçants. (...) 19 personnes (sont) recensées comme "employés" (...). Les 208 agriculteurs sont groupés en 92 "exploitations agri­coles" dont la superficie moyenne en culture est de l'ordre de 5 ha. (Ils) ne dis­posent en tout que de deux tracteurs, souvent hors d'usage (...). L'auxiliaire fondamental du travailleur reste le boeuf, quelques chevaux et encore plusieurs ânes et mulets. (...) Lengrais chimique est très peu utilisé. La production par tête de travailleur agricole et par hectare cultivé est à peine supérieure aux chiffres du xix' siècle. «

Et pourtant, « à part les rares entrées provenant du très petit nombre des retrai­tés et des fonctionnaires de l'État, tous les revenus dont dispose le village sont issus de la terre et proviennent de la vente ou de l'autoconsommation des pro­duits de cette terre (...). Lalimentation forme les trois quarts de la consomma­tion totale. Elle est cependant pour sa moitié composée de pain et de pommes de terre. (...) Le reste de la consommation personnelle est vestimentaire pour plus de sa moitié. Les dépenses de loisirs sont très faibles. En dehors du service militaire et de la guerre, la grande majorité des habitants de Madère n'a fait de voyage que son voyage de noces et quelques pèlerinages. «

Le contraste entre Cessac et Madère est éclatant : « Cessac appartient à un pays hautement développé, où le niveau de vie moyen est de 4 à 5 fois plus élevé qu'à Madère. Le groupe dominant à Cessac est tertiaire ; ces tertiaires sont 102 sur les 512 personnes actives. (...) Les 53 agriculteurs sont répartis en 39 exploitations "ainsi déclarées" ; plusieurs de ces exploitations sont presque fictives, étant tenues par des personnes ayant d'autres revenus que l'agriculture et ne cultivant que 1 à 2 ha ; l'exploitation moyenne a cependant 14 ha en

culture (...). Les rendements à l'hectare vont du triple au quadruple de ceux de Madère ; et comme le nombre des travailleurs à l'hectare est près de quatre fois plus faible, la productivité du travail agricole est à Cessac de l'ordre de douze fois plus forte qu'à Madère. « Comment expliquer de telles performances ? Elles tiennent « à la technique agronomique, à l'utilisation de l'énergie mécanique, de machines puissantes, d'engrais «.

En termes d'équipement aussi, tour sépare ces deux villages : « Sur les 243 foyers de Cessac plus de 230 ont le "confort moderne" ; 110 téléphones pour 670 habitants à Cessac, contre 5 pour 534 à Madère ; 280 automobiles à Ces-sac, contre 5 à Madère... (...) À Cessac sur 670 habitants, 210 seulement sont nés à Cessac, et 84 à moins de 20 km. «

Enfin, « les habitants de Cessac ont — pour le meilleur et pour le pire — tous les caractères sociologiques des citoyens de pays très développés. La rue du village est presque aussi frénétique que celle d'une grande ville. (...) Presque tous les "tertiaires" du village (...) travaillent en dehors de Cessac, soit dans les environs et à la ville voisine de 11 km, soit beaucoup plus loin (...). Un grand nombre de Cessacois âgés de 15 à 65 ans ont aujourd'hui pris plusieurs fois l'avion, pour aller en Tunisie, au Maroc, en Terre Sainte, à Rome, voire en Amérique ou en URSS. «

En conclusion de cette description, Jean Fourastié nous livre la clé du mystère : « De fait, et certains lecteurs ont pu le deviner, ces deux villages que j'ai appe­lés Madère et Cessac sont le seul et même village de Douelle-en-Quercy2), saisi à deux dates différant de trente années et décrit à l'aide des recensements de ces deux dates : 1946 et 1975. «

Jean FOURASTIÉ, Les Trente Glorieuses ou révolution invisible

de 1946 à 1975, Fayard, 1979.

 

Document publié dans la revue L'Histoire, n° 192, octobre 1995.

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