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Luis Echeverría

Publié le 22/02/2012

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Remontant la rue à grandes enjambées, couvert de poussière et de sueur, riant, dialoguant à voix haute au milieu d'une foule d'étudiants qui crient son nom et courent, de plus en plus serrés, à ses côtés, se dirigeant vers l'emplacement où, quelques heures plus tard, sera posée la première pierre de l'Institut technologique, le Président apparaît à la lueur des réverbères ; il passe devant notre hôtel et poursuit son chemin. Quatre heures du matin. Dans la pénombre qui se referme sur le brouhaha de plus en plus lointain, s'allument quelques torches. ­ Vous avez vu ça ? demande un correspondant étranger qui fait partie depuis peu du groupe de journalistes couvrant le voyage présidentiel. ­ Évidemment, répond un autre reporter ; insolite et pourtant habituel, tel est le spectacle des tournées d'Echeverría. ­ Mais, vous l'avez vu ? insiste le premier. On ne le prendrait jamais pour un chef d'État. C'est un leader de l'opposition guidant des jeunes. On dirait qu'il part en guerre. ­ Il part en guerre, dis-je.

« antagonismes existant au sein de l'unité nationale.

Cette unité, Luis Echeverría semble fermement décidé àl'instaurer, à la ressusciter par tous les moyens réformes révolutionnaires juridiquement proposées par leGouvernement entre autres dans une optique très supérieure, voire contraire, aux idéologies, partis et intérêts tantnationaux qu'étrangers.

Du fait même de l'attitude récalcitrante du secteur patronal, Luis Echeverría, au milieu desannées 70, semble résolu à rechercher et à imposer cette unité en se plaçant franchement du côté des travailleurs. Ceci ne suppose aucune forme de dictature.

Echeverría a en effet sans cesse respecté les droits des patrons enaccordant à ceux-ci pleine liberté d'expression et considération effective.

Nous avons là l'image d'un chef d'État qui,s'il ne se dérobe pas devant les changements survenus dans l'organisation de la coexistence, se refuse toutefois àen introduire de nouveaux qui ne seraient pas raisonnablement justifiés par les circonstances et les transactions.Faire de la prudence et de la lucidité une norme de vie publique dans le tiers monde peut signifier la plus grande desrévolutions. Ceux qui connaissent intimement le Président Echeverría affirment que, dans son rôle de chef d'État, il ne fait quemettre en œuvre des aspirations qu'il nourrissait depuis l'enfance.

Nous pouvions avoir onze ou douze ans, raconte José López Portillo, ministre des Finances, et déjà il étudiaitl'histoire et la géographie du Mexique au détriment des autres matières.

Un peu plus tard, il me proposait deparcourir le pays à pied désir que, des années plus tard, il a pleinement satisfait à l'occasion de sa campagneprésidentielle.

Nous n'avons pu le faire dans notre jeunesse il s'agit en effet de deux millions de kilomètres carrés -,mais nous avons visité à pied nombre de régions du pays.

Et jamais il ne marchait sans but, jamais il ne s'engageaitdans une voie qu'il n'avait au préalable étudiée, décidée, rien ne l'aurait fait s'attarder ou dévier de sa route.

Toutcomme il l'a fait par la suite dans sa vie publique.

Ceci explique ses talents de politicien.

Une fois son pas réglé, sonaction est foudroyante, précise Cervantes del Rio. Ce "savoir pour prévoir, prévoir pour agir" qu'il a toujours fait sien, se retrouve jusque dans sa vie privée, ajouteLópez Portillo.

Après avoir connu celle qui est devenue sa compagne, il l'a courtisée le temps qu'il a jugé nécessaire,s'est déclaré le 31 décembre et l'a épousée le 2 janvier 1944. Sa mère était une femme énergique, d'une solide intelligence.

Fonctionnaire public, son père, corpulent et jovial,aimait intensément ses enfants.

"En s'adressant à Luis, raconte son frère aîné, notre père lui disait Monsieur lePrésident ; il répétait souvent : Celui-ci sera Président et il ajoutait : Monsieur le Président, veuillez avoirl'obligeance de m'apporter mon pull-over que j'ai laissé sur le portemanteau.

Durant notre adolescence, nous avonsoublié cette plaisanterie, mais, enfants, nous savions que Luis serait Président." Ses très proches collaborateurs voient en lui un homme supérieur ne présentant qu'une seule faille mais de taille entant qu'homme d'État.

Pour certains, il s'agit de "l'invariable circonspection avec laquelle il regarde sesinterlocuteurs" ; pour d'autres, de "son hermétisme professionnel, politique" ou de "cette voracité face au temps quilui fait compter les minutes et même les secondes écoulées" ; pour d'autres encore, de "l'impossibilité de le conseillerdans la mesure où il ignore toute surprise politique" et de "sa confiance excessive en la jeunesse" ; pour les derniersenfin, "de ce républicanisme poussé au point où il serait moins long ou moins risqué de sévir une bonne fois." Les paysans et les pauvres des villes voient en lui "un homme, un vrai, qui s'attelle à la tâche avec ce dont ildispose".

Les ouvriers le considèrent comme leur principal partisan.

Quant aux intellectuels qui, dans les années 40,dédaignaient son souci de mettre sur l'heure les théories en pratique, ils constateront plus tard qu'il cherche àmettre la pratique en théorie et à faire de la réalité nationale une réalité idéale qui est à la portée de notre main sinous savons observer le droit dans un authentique esprit démocratique, que certains commentateurs dénomment"restauration de la République". Ce Luis Echeverría, Président du Mexique, que j'ai connu alors qu'il étudiait la jurisprudence et qui était en touspoints pareil à l'homme d'État un peu moins accessible peut-être est un homme aux larges épaules, mesurant unmètre quatre-vingts, au cou puissant, à la belle tête romaine assez dégarnie et au front bien dégagé, au mentonplein et au rire gai et spontané.

Ses mains sont grandes, bien dessinées et leurs gestes suaves contrastent avec larigidité du port et la démarche volontaire.

Voix de baryton, bien posée, et regard que la plus légère étincelle,derrière les lunettes, suffit à faire passer de l'impatience à la jubilation, à la réflexion, à la froideur vis-à-vis de ceuxqui ont oublié une seconde impossible de l'oublier plus longtemps qu'il est précisément le Président dont j'ai esquisséle portrait dans ces pages. A l'instar de ses plus proches collaborateurs, je crois qu'il s'agit d'un homme qui, avec une volonté intense, a suforger sa très haute condition ainsi que l'espace et le temps où elle devait se réaliser.

Je crois qu'il s'est fait chefd'État avec toute son âme et que, totale, sa volonté de servir a la même origine.

Telle est la raison pour laquelle il aparcouru le monde en s'efforcent d'ouvrir une voie nouvelle au commerce et au prestige mexicains, ainsi qu'au droitdu tiers monde tout entier ; la raison pour laquelle, désacralisant soudain la condition de Président, il a, le premierseptembre 1974, en condamnant toutes les formes de terrorisme, tant locales qu'importées, subordonné son propresacrifice, le risque d'être assassiné, à la sauvegarde des institutions : Jamais ils n'auront gain de cause, a-t-il affirmé, la patrie doit toujours être sauvegardée ; MM.

les députés, MM.

lessénateurs savent parfaitement ce qu'ils doivent faire.

Que cela soit bien clair pour tous. Le mandat présidentiel d'Echeverría s'est achevé en 1976, lors d'un grave crise de confiance qui entraîna la première. »

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