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Maximilien de Robespierre

Publié le 27/02/2008

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Personne n'est moins digne de confiance que ses sectateurs, si ce n'est ses détracteurs. Ils sont tous à chercher dans cette vie de quoi justifier leurs sentiments, à l'affût du moindre signe qui " annonce " l'homme qu'ils vénèrent ou qu'ils détestent. Pour que Robespierre soit le héros éponyme de la Révolution ou le cruel tyran de la Terreur, il faut qu'il ait été un enfant prodige ou un monstre naissant.             Ce n'est qu'un enfant sage, un monstre de conformité. Un personnage de Simenon plutôt que de Michelet.             Sa jeunesse est une anticipation de la France républicaine ; Robespierre est cet enfant pauvre sauvé par l'école et par l'étude. Il n'a plus de mère, un père intermittent, mais l'évêque d'Arras lui fait obtenir une bourse pour Louis-le-Grand, le meilleur collège de l'Ancien Régime, la pépinière de l'Establishment. Il y passera douze ans, de 1769 à 1781, de la cinquième à la licence en droit, entre onze et vingt-trois ans. Douze ans d'internat, anonymes comme les murs de la rue Saint Jacques et comme la régularité de son application : " Il rapportait tout à l'étude, écrit l'abbé Proyart, il négligeait tout pour l'étude. L'étude était son dieu. "             De cette adolescence scolaire, nous n'avons guère autre chose que le récit tardif de cet abbé Proyart, alors sous-principal du collège. Ces souvenirs écrits juste après Thermidor sont destinés à montrer ce que cette enfance annonce des " crimes " de l'homme ; ils soupçonnent le pire dans l'apparence du zèle. Mais il est probable qu'ils touchent, dans un langage naïf, à une vérité profonde : cet enfant sans enfance est en effet tout zèle, tout application ; mais, en dedans, c'est l'humiliation, le secret, la méfiance, la promesse de s'en sortir. Ces débuts dans la vie s'oublient moins encore que les autres.
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« et ses tantes, gâté, dira Charlotte, “ par une foule de petites attentions dont les femmes seules sont capables ”, Mirabeau a déjà connu les femmes, l'exil, les prisons.

Lui n'a rien choisi, et se borne à accepter les petites chances qui font une petite vie : les études de boursier studieux, les femmesde la famille, la situation sur mesure, l'académie d'Arras ! Rien de ce qu'il écrit, dans ces Années, ne laisse deviner une grande originalité : ni la défense du paratonnerre, nison mémoire sur les peines infamantes, moins que tout son éloge de Gresset.

Reste “ l'affaire Deteuf ” dans laquelleil défend victorieusement une pauvre servante et son frère, injustement accusés par un moine scandaleux del'abbaye d'Anchin : sujet inespéré pour un avocat éclairé, véritable lieu commun du siècle, qui tire enfin quelquesaccents de cette nature pauvre.

Mais qui, dans cette génération, eût gâché une cause pareille ? L'événement,d'ailleurs, ne marque aucune rupture dans la vie du jeune avocat ; quelques semaines après, c'est lui qui reçoit dansle petit cénacle poétique des Rosati, dont il est un des fleurons, l'avocat général Foacier de Rozé, qui figura l'ennemidu progrès dans le procès du paratonnerre.

Les deux adversaires du Palais partagent le même goût des vers demirliton.

Il faut donc en prendre son parti contre les diseurs de bonne aventure ; il n'y a rien dans cette vie jusqu'à la crise révolutionnaire, que ce qui larend pareille aux autres.

Ni une révolte, comme chez Mirabeau , ni un désespoir d'enfant, comme chez Barnave , ni même un chagrin d'amour, comme chez Carnot E016 .

Rien que le milieu le plus typique d'une bourgeoisie d'Ancien Régime : les hommes de loi, et que l'acceptation de toutes les règles du jeu de société de cette époque : la famille, la carrière, les mondanités académiques.

Une vie toute lisse, qui n'offre aucune prise : toutjuste une existence.

L'Histoire entre dans cette existence, comme en tant d'autres, en 1 788 : avec la mobilisation préélectorale desÉtats généraux.

C'est un signe des temps que ce petit avocat conformiste puisse avoir compris si vite la dimensionpossible des événements en cours ; mais il part de si loin, dans la nouvelle course au pouvoir, qu'il doit livrer d'abordd'obscurs combats locaux.

Il paie la rançon de son intégration au milieu : il lui faut défaire ce qu'il a fait avec tantd'application, modifier sa mise puisque la règle du jeu est en train de changer.

Et d'abord se démarquer desnotabilités d'Arras.

C'est le sens de la Lettre adressée par un avocat au Conseil d'Artois à son ami avocat au Parlement de Douai.

Elle lui permet d'inventer le rôle dont il va faire un si grand usage : celui du solitaire persécuté, protestant contrel'intrigue.

Robespierre ne parle encore que d'intérêts locaux, ou professionnels ; il critique l'organisation et leslenteurs de la carrière, le rôle indu qu'y jouent les procureurs.

Mais il a trouvé sa tonalité, cette espèce de voix douloureuse et prophétique qui ne le quittera plus.

Immédiatement après, il trouve sa mélodie, avec son premier texte politique : A la nation artésienne.

En fait, une candidature.

Apparemment, Robespierre ne sort pas de l'horizon local et de la tradition de son milieu ; il ne met en cause ni l'existence des États provinciaux d'Artois, ni lavieille “ constitution ” du royaume ; il rend un vibrant hommage à Necker et à Louis XVI .

Mais ce qu'il récuse déjà avec force ce à quoi il attribue tous les abus de l'administration, c'est “ l'aristocratie ” des États d'Artois : une poignée de notables usurpateurs d'un pouvoir qui n'appartientqu'au peuple.

Contre eux, il demande le suffrage universel comme un droit naturel des citoyens.

Tout de suite, dans la bataille des idées et dans lecombat pour le pouvoir, qui sont alors inséparables, il pousse la logique démocratique jusqu'au bout.

C'est une manière aussi d'avancer son nomcomme le symbole local de la nouvelle nation, en abandonnant ses collègues à la malédiction de l'ancienne société.

L'élection est difficile.

Comme dans d'autres bailliages du royaume, les hommes nouveaux se heurtent aux notablestraditionnels.

Robespierre n'est élu, in extremis , que grâce au soutien des paysans qui peuplent l'assemblée générale du Tiers état.

L'hostilité qu'il s'est acquise auprès de ses anciens collègues du barreau et de la magistrature peut selire à travers une notice satirique du notaire Fourdrin, qui le décrit ainsi dans L'Écurie du tiers état : “ L'enragé, double bidet à crins, emporté, ne connaissant ni le mors, ni la gaule, vicieux comme une moule, n'ose mordre quepar-derrière, crainte du fouet.

” Voici le début de la gloire...

Car Robespierre fait partie de ce très petit nombre d'hommes que la légende saisit et enveloppe aussitôt qu'ilsentrent dans la vie publique : dans un an, les réactionnaires de l'Assemblée parleront comme le notaire d'Arras, et lepetit peuple parisien commencera à le vénérer.

Il y a là un mystère qui n'est pas facile à comprendre.

Cet homme, jusqu'à trente ans, est le contraire d'un homme de légende ; il a eu la passion de l'intégration à sonmilieu : tout ce qu'il avait reçu sans le choisir, le latin du collège, la vie avec Charlotte, le métier familial, le milieu dece métier, il l'a non seulement accepté, mais cultivé.

Les sécurités qu'il y trouvait ne sont pourtant pas assezpuissantes sur son âme pour le tenir à l'écart des événements immenses qui se nouent quand il a trente ans.

Commebeaucoup d'anxieux qui canalisent leur angoisse dans les contraintes d'une vie réglée, peut-être a-t-il accueilli larupture de l'ordre social comme une sorte de libération personnelle.

Peut-être, comme beaucoup d'ambitieuxsolitaires, s'est-il caché jusque-là l'énergie formidable de sa volonté de puissance, qui n'avait pas d'avenir prévisible.Peut-être découvre-t-il tardivement les séductions psychologiques du fanatisme, qui tient lieu de volonté auxtimides.

Toujours est-il que la Révolution, en brisant le corporatisme provincial, lui ouvre, comme à tant d'autres, unchamp d'intégration beaucoup plus exaltant.

Ce qu'il y réinvestit, ce n'est pas une révolte, même pas unerevanche : c'est son application studieuse à s'identifier.

Que cette application tourne si tôt à la légende, c'est la grâce tout à fait exceptionnelle que l'histoire de cette époque fait à une vertu généralementanonyme.

Car l'étrange pouvoir d'incarner, où la légende prend sa source, n'est généralement donné par les peuples qu'à des héros dans lesquelsils se retrouvent à la fois identiques et étrangers à eux-mêmes.

L'homme de l'histoire est le même et l'autre.

Il y a tout un monde partagé entreNapoléon et les paysans qu'il promène à travers l'Europe, mais le petit Corse a assisté au 10 août sans un battement de cœur.

Mirabeau , l'humilié, le persécuté, le marginal, n'a aucun effort à faire pour se trouver à l'unisson des espoirs de 1789 : ce sont les siens depuis si longtemps ! Mais c'est. »

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