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Rome et l'Empire romain

Publié le 27/02/2008

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Quand l'empereur Julien l'Apostat, se divertissait à la fin de décembre 362, dans l'hiver d'Antioche de Syrie, à composer, dans l'esprit bouffon des " Saturnales ", son Banquet des Césars, il y avait presque exactement quatre siècles que le monde romain avait à son sommet un maître unique, le gouvernant et le représentant. Et, dans cette extraordinaire galerie de " Césars ", dont un grand nombre avaient été divinisés après leur mort, associés aux dieux officiels comme des divi, il y avait eu des tyrans, des fous et des philosophes. Dans la mesure même où Julien, séparé du christianisme, essayait de ramener l'État romain à la discipline du paganisme, l'image qu'il se fait de ses prédécesseurs depuis César et Auguste est tout à la fois sectaire et nourrie d'une sincère passion pour la permanence de cette res publica. A bien regarder, sa perspective est en partie illusoire, puisqu'il met en fait aux origines de Rome, au lieu de son fruste paganisme, le mysticisme et la haute culture de l'hellénisme, que pour lui le fondateur Romulus, toujours vénéré, a créé l'Urbs  sous l'inspiration, déjà, du Soleil-Roi ! Mais la sincérité essentielle est là, presque touchante : pour ce Prince, élevé loin de l'Italie, et dans l'hellénisme plus que dans les lettres latines, l'Empire n'a qu'une histoire ; l'Empire n'est qu'un État, et cet État est toujours " romain ".       

« la popularité de ces souvenirs ; mais, surtout, il y avait conscience d'une continuité.

Parce que, lors même que le pouvoir impérial avait atteint, surle plan politique et administratif la toute-puissance bureaucratique, sur le plan religieux la forme théocratique, l'empereur restait le représentant dela res publica , légiférait au nom du populus Romanus .

Fiction hypocrite ? Conventions attardées de vocabulaire ? Tout moderne sera d'abord tenté d'en juger ainsi.

Cependant, quelques éléments sérieux, et pour ainsi dire sincères, sont à retenir.

Remarquons d'abord que si, durant toute la période impériale, le monde romain ne connaît pratiquement " d'hommes d'État " que parmi sesempereurs, ce n'est pas exclusivement parce que la prépondérance de l'autorité impériale décourage ou rend invisible une œuvre politique endehors de celle du Prince.

Il a été fréquent que des monarchies modernes, dans le principe plus absolues que celle de l'Empire romain, connussent,même sous un roi prestigieux, un ministre laissant sa marque sur les affaires de l'État.

D' Auguste P027 à Théodose P2634 , on trouverait difficilement un exemple équivalent, sauf dans la mesure où justement Auguste P027 se laissa longtemps servir par un compagnon comme Agrippa P1039 .

Aussi bien certains modernes ont-ils parlé d'un essai de " dyarchie ", d'Empire à deux têtes.

Le pouvoir impérial sera plusieurs fois partagé, par Marc Aurèle P217 , et volontairement, avec son frère adoptif Lucius Verus P2712 , par Septime Sévère P2526 avec ses deux fils.

Mais ces associations, qui ne pouvaient dissimuler le rôle prépondérant d'un Auguste P027 , n'ont comporté ni partage d'attributions, ni divisions territoriales avant l'époque tétrarchique au moins.

Rome, en effet, était indivisible, et la pluralité des empereurs ne commencera d'être concevable, à la fin du IIIe siècle, quelorsque la Ville ne restera plus l'unique capitale de fait.

Le mot célèbre de Louis XIV P203 , " l'État, c'est moi ", ne s'appliquerait que par contresens à cette incroyable absorption de la res publica romaine par l'empereur ; car, lorsqu'il fut prononcé au XVIIe siècle, il exprimait le ressaisissement de l'État par le roi lui-même, après des tentatives à sesyeux usurpatrices, soit des nobles, soit de Cours de justice.

Le mouvement a été en quelque sorte inverse pour l'empereur romain.

Tant que leSénat et l'armée se sont entendus, au moins conventionnellement, pour l'acclamer, investiture qui gardait quelque valeur lors même que, leprédécesseur abattu, le nouveau Prince avait été porté au pouvoir par une conjuration de prétoriens (garnisaires de Rome) ou d'un groupe delégions en province, l' imperator , qui était aussi le Princeps , a assumé à son avènement un faisceau de pouvoirs qui lui subordonnait toutes les anciennes autorités républicaines, toutes maintenues.

On sait de mieux en mieux aujourd'hui comment, après le coup d'arrêt que l'assassinat de César avait donné à une tentative de monarchieprogressiste et niveleuse, son fils adoptif construisit patiemment, prudemment, le régime du Principat, sur un équilibre entre les prérogatives duchef militaire suprême et les compétences de plusieurs magistratures réunies : imperium proconsulaire, lui permettant d'envoyer ses " légats " gouverner de nombreuses provinces, lui assurant même un contrôle dans celles que le Sénat administrait avec des proconsuls ; puissancetribunicienne, précieuse pour intimider les sénateurs, car elle incarnait dans l'empereur la sacro-sainteté des tribuns qui, depuis des siècles,défendaient la plèbe.

On sait aussi que ce régime, qui n'eut jamais forme constitutionnelle au sens moderne, qui s'installa par une série decompromis, d'avenants, se donna d'abord comme une restauration de la République, censée remise à la discrétion du Sénat et du peuple.

Si, de fait,il commença d'installer une monarchie, ce fut moins par l'effet des exigences du Prince que par celui du mouvement qui se portait vers lui commevers un arbitre, voire un " Sauveur ".

Bref, pour emprunter des vocabulaires proches de ceux de la sociologie, l'Empire s'est fondé, avecAuguste P027 , sur une sorte de pyramide de " clientèles ", les citoyens du peuple regardant vers le Prince pour les protéger des abus des riches, les provinciaux pour échapper au traitement hautain, sinon cupide, de gouverneurs issus du Sénat, l'ensemble des populations civiles lui faisantd'ailleurs confiance pour assurer, en commandant une armée devenue régulière, et recrutée avec le minimum de coercition, la défense desfrontières contre les Barbares et, au-dedans, les soins généraux de police.

L'histoire moderne, et, dans l'Antiquité, celle d'autres États comme l'Athènes classique, font aisément la distinction entre les hommes d'Étatproprement dits et les grands " capitaines ".

La différence est particulièrement difficile à faire pour l'empereur romain : certes, il y a des empereurs,comme Trajan P2672 , comme Septime Sévère P2526 , qui aimeront la guerre, jusqu'à l'excès ; d'autres, comme Antonin le Pieux P1102 , qui entretiendront la paix, la jugeront plus favorable à leur prestige.

Mais, d'abord, l'empereur le moins guerrier a des titres triomphaux, une fiction,prise à la lettre par les Romains, lui attribuant le don de victoire, et le mérite de tout succès obtenu " sous ses auspices " ; puis, en dehors de touteguerre, l'armée impériale occupe une place importante : Hadrien P129 semble n'avoir arrêté le dynamisme conquérant de Trajan P2672 que pour mieux se pencher sur cette armée.

Si quelque chose s'affirme, depuis son règne jusqu'au Bas Empire, c'est le progrès du vocabulaire et de l'espritmême d'une militia dans une organisation bureaucratique dont les tâches, à nos yeux, restaient en grande partie civiles.

Quoique, dans les premières générations de l'Empire, l'idéal " républicain " ait été entretenu, en des milieux " sénatoriaux ", et que les meurtriers deJules César P059 , Brutus P1270 et Cassius P1309 Longinus, vaincus à Philippes deux ans après leur tyrannicide, aient été célébrés comme les martyrs de la libertas , la continuité est réelle entre les temps de la res publica libera ; l'État républicain et ceux du Principat.

Et cela tient assurément à la représentation particulièrement forte que les Romains, sous la République, s'étaient faite du rôle du magistrat, de " l'autorité " duSénat, des devoirs des citoyens.

Jamais démocratique au sens de l'Athènes du Ve siècle av.

JC, la République romaine n'avait pas l'habitude delaisser grande initiative aux simples citoyens : une fois élus, et en des assemblées électorales ou " comices " qui, de par la répartition en unitéscollectives, laissaient le minimum de pouvoir à ce qui est pour nous une majorité numérique, les magistrats revêtaient un pouvoir très fort ; celaétait vrai surtout, à l'origine, des magistratures qu'on appelait curules , et des capacités réunies sous le nom d' imperium .

Peu à peu, même l'organe de défense permis depuis le Ve siècle avant notre ère à la plèbe, ce collège des dix tribuni plebis , longtemps le cauchemar de l'État patricien, s'était rapproché de ces magistratures, et, de ses droits d'abord très limités, en extension comme en territoire (uniquement l'espace urbain), avaitdéveloppé quelques attributions législatives, les distinctions primitives entre les assemblées de l'État patricien et les rassemblements plébéienss'étant réduites dans les " comices tributes ", devenus à la fin de la République les principaux et les plus délibérants.

Les tribuns eux-mêmesavaient eu un siège dans ce Conseil des anciens magistrats qu'était pratiquement le Sénat.

Il est vrai que des patriciens, avides de la faveurpopulaire, ne pouvaient briguer cette fonction qu'à la condition de passer eux-mêmes " à la plèbe ", opération légale rare et compliquée.

Mais,depuis les IVe et IIIe siècles av.

JC, une noblesse mixte s'était formée, les hautes magistratures s'étant successivement ouvertes aux candidatsplébéiens, puis les grands sacerdoces.

Au IIe siècle av.

JC, des hommes aussi dissemblables que Caton le " Censeur ", et que les deux frères,Tiberius Gracchus et Caïus Gracchus P1284 , descendent de cette nouvelle noblesse ; le premier prouve assez qu'une politique conservatrice n'était plus seulement l'attitude d'un patriciat obstiné ; les deux Gracques P1680 , certes, à partir d'une origine semblable, ont fait un effort quasi héroïque pour refaire du tribunat de la plèbe une magistrature populaire dynamique, réellement " démocratique ", au besoin révolutionnaire.

On sait assezque, pour les faire échouer, et proprement les " abattre " l'un après l'autre, à une dizaine d'années d'intervalle, l'instrument principal de l'oppositionque leur faisaient les nobles du Sénat menacés dans leur possession de terres italiennes, fut, après le " veto " obtenu d'un de leurs collèguestribuns, l'insurrection, d'apparence légale, contre la prétention de ces chefs de se perpétuer au tribunat.

Il était très difficile à un homme politique, à. »

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