Samory Touré

« ravagé et à moitié désert, la population ayant fui en masse dans la zone française. L'almami ne croit plus à la bonne foi des Blancs et il sait désormais qu'il faudra livrer, tôt ou tard, un combat sansespoir.

Il essaie cependant de retarder cette échéance en menant une politique très prudente tout en modernisantsystématiquement son armée.

Celle-ci est pourvue de fusils à tir rapide, dont huit mille exemplaires sont achetés enSierra Leone, tandis que d'anciens tirailleurs français ou britanniques entraînent les sofas selon les règles des arméeseuropéennes. Cependant, l'ancienne administration centralisée n'est pas reconstruite et Samory renonce à imposer l'Islam qui asoulevé contre lui beaucoup de ses sujets.

Il prépare ses hommes au combat final en faisant appel à leur fidélitépersonnelle envers lui-même et sa famille. En avril 1891, l'agression soudaine d'Archinard, qui s'attend à l'effondrement immédiat de Samory, fait reprendre lecombat.

Au début de 1890, les Sotas réussissent, à force d'héroïsme et d'habileté, à paralyser la colonne Humbertqui occupe cependant les centres stratégiques de l'Empire.

Bien que Humbert ait le sentiment d'avoir échoué,Samory, qui a subi des pertes terribles et dont l'armée rénovée n'a pas pu arrêter les Blancs, sait qu'il a perdu lapartie.

Non sans déchirement, il décide de renoncer à la lutte frontale, qui est impossible, et d'évacuer son paysnatal, où il a essayé de construire une nouvelle société, pour se retirer dans une zone écartée, où les Blancsl'oublieront aussi longtemps que possible. Au début de 1893, quand Combes attaque sur le Haut-Niger, il frappe dans le vide et occupe une zone immense,presque sans combattre.

Samory et ses hommes, pratiquant la tactique de la terre brûlée et poussant tout unpeuple devant eux, sont en train de conquérir la Haute-Côte-d'Ivoire.

La colonne de Kong, commandée par Monteil,essaie bien de s'opposer à ce mouvement au début de 1895, en partant de la côte du golfe de Guinée, mais elle estnettement battue. De 1895 à 1897, Samory se stabilise dans un nouvel Empire couvrant la Haute-Côte-d'Ivoire et le Nord-Ouest duGhana, mais il n'est plus qu'à la tête d'une armée campée en terre étrangère.

Elle garde encore toute son efficacitécomme le prouve la destruction des colonnes Henderson (avril-mai 1897) et Braulot (août 1897). Cependant, l'impérialisme est en train d'engloutir l'Afrique et la "course au clocher" bat son plein, si bien que cetisolement ne saurait durer.

Pour venger Braulot, les Français reprennent le combat en janvier 1898 et en juin, enapprenant la chute de Sikasso, Samory décide d'abandonner son domaine de l'Est pour rejoindre les partisans qu'ilgarde dans l'hinterland du Liberia.

Traqué contre toute attente pendant les pluies dans la forêt de l'Ouest ivoirien,son armée en proie à la famine se désagrège et il est arrêté le 9 septembre à Gelemu près de Man.

Il meurt endéportation au Gabon le 2 juin 1900. Samory a été essentiellement un homme de guerre et un constructeur d'empire dont l'oeuvre répondait aux besoinsd'une société qui traversait une crise grave.

La conjoncture a voulu qu'il se trouvât en travers de la route ducolonisateur français.

Il a dès lors combattu celui-ci avec beaucoup de force et d'habileté mais ce n'est pas dans cebut qu'il était entré en scène.

On peut même dire que, du jour où cette lutte a absorbé toute son énergie, il a perdusa raison d'être qui était la construction d'une nouvelle société Malinké.. »