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1784, Le Mariage de Figaro, prélude à la Révolution française ?

Publié le 05/08/2012

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L’ouvrage de Claude Petitfrère apporte un regard éclairé sur la lecture des dernières années de l’Ancien Régime au travers d’un panorama historique prenant en compte les multiples aspects du royaume de France avec pour épicentre, point de départ de son argumentation la relecture du « Mariage de Figaro « de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. C. Petitfrère nous explique en quoi la pièce est une caisse de résonance des idées nouvelles qui émergent sur la scène du royaume mais qui ne font pas pour autant de la pièce un prélude à la Révolution.  Autour de cette pièce de théâtre orageuse qui a bien des occasions remet en cause certains archaïsmes et injustices sociales caractéristiques du siècle des Lumières, l’auteur essaie de comprendre en quoi le Mariage de Figaro reflète le XVIIIè siècle. C.Petitfrère propose une analyse propre à comprendre le contexte de la pièce et les aspirations des dernières années de l’Ancien Régime.  La pièce est un condensé des grands traits de l’époque : la folle journée, par son succès international symbolise le prestige de la France, les idées des Lumières. Elle reflète également le malaise et les insatisfactions contradictoires de la société. Au final, Claude Petitfrère insiste bien sur la portée de la pièce, qui traduit toute la personnalité complexe et contradictoire des dernières années de l’Ancien Régime, avec sa part d’ombre et de lumière et qui comme Figaro se perd pour se retrouver différent, sans aucune certitude d’un point d’aboutissement stable.

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« L'auteur analyse en troisième point l'équation famille / bonheur, répandue par les Lumières que l'auteur analyse avec l'exemple de Beaumarchais.

A cette époque,l'idée de mariages de cœur se développe, relayé par une littérature religieuse et profane en opposition à des mariages arrangés pour le lignage et l'enrichissement.

Lavision de l'enfant dans ce siècle connaît une transition par rapport aux connotations religieuses.

Le phénomène de l'abandon ou la mise en nourrice pour ceux qui enavaient les moyens était courant.

L'auteur essaie d'équilibrer son analyse : si il démontre que la mortalité des enfants mis en nourrice était catastrophique et qued'autre part, toutes les étapes de la vie de l'enfant étaient ponctuées jusqu'à son mariage afin de s'en débarrasser (gouvernante, pension etc), cela évitait l'infanticide,l'avortement et que certains parents doutaient de leur capacité à élever un enfant ou bien encore croyait fortifier leur progéniture par ce mode de vie.

Les philosophesont insisté sur la pureté de l'enfance et les dons que la Nature lui a donnée.

La mortalité infantile est dénoncée face au recul de la foi, la possibilité d'un recul de lamort avec la médicalisation des accouchements, de lutte contre les épidémies.

Une littérature et des images se développent pour répandre ces mentalités nouvelles.Le quatrième chapitre analyse les raisons, les causes l'engouement de cette époque.

En effet, Claude Petitfrère argumente que si le bonheur de vivre est témoigné àl'époque, des facteurs entrent en jeu : la France est l'Etat le plus peuplé après la Russie et les moins de 20 ans représentent en 1775 42-43% de la population, les« prémices du triomphe de la vie » apparaissent avec la volonté des médecins de s'investir pour lutter contre la mortalité infantile, la diffusion de la science del'obstétrique.

Cependant, malgré la tentative de l'inoculation, les progrès médicaux sont faibles.

En conséquence, c'est le repli de la mortalité de crise a permis dedégager d'importants excédents de naissance.

Les naissances étaient limitées selon l'auteur par différents facteurs : les célibataires, les migrations temporaires, lesprescriptions religieuses, la séparation des corps, l'avancement de l'âge du mariage.

Les décennies de prospérité offrent une économie florissante qui se révèle à lahausse des prix dans la longue durée due à l'inflation et cet essor démographique a favorisé l'offre et la demande (plus de terres, plus de production, donc des prix plusélevés).

Le recul de la jachère, est un trait de l'agriculture des Lumières qui a eu plus d'effet que les défrichements: l'auteur donne alors des exemples pour illustrercomment la jachère s'intégrait dans les différents pays agricoles.

Il évoque la polémique autour du progrès des rendements et affirme que la récupération a étésuffisante pour nourrir une population en expansion puisqu'il n'y a pas eu de famine depuis Louis XIV (polyculture, acclimatation..) et ces progrès ont profité à lariche classe propriétaire, 5 à 8% des Français qui possèdent la moitié des sols cultivables.

Pour les propriétaires, la terre reste une valeur sûre et honorable et si elle nepermet pas d'édifier rapidement une fortune, le négoce, bien que risqué, est celui qui y ouvre la voie.

En effet, le commerce extérieur a été multiplié par cinq entre lafin du règne de Louis XIV et la Révolution, le volume du trafic portuaire a augmenté et le commerce maritime s'est réorienté au XVIIIè en Europe du Nord (denréescoloniales) et en Amérique (ports francs à la Jamaïque et à la Dominique).

Les profits de la France ont aussi augmenté par la traite des Noirs.

La France est letroisième fournisseur entre 1660 et 1810, dont les armateurs et les ports de France ont largement profité.

Les grands négociants sont parmi les principauxbénéficiaires de la conjoncture économique favorable du XVIIIè siècle.

A eux s'ajoutent certains secteurs industriels, comme l'extraction de la houille ou lasidérurgie, les cotonnades, les toiles.

De même, le commerce de détail ou de demi-gros a été stimulé par la conjoncture.

Ce développement économique a favorisél'optimisme humanitaire de l'époque et a influencé la psychologie collective.

En se servant des théories philosophiques des grands auteurs des Lumières, on voit quele péché originel était rejeté par la majorité et la libération de l'individu pouvait être compatible avec le bonheur de la société, dans le cadre d'une vertu sociale, d'unemorale indissociable pour la plupart des hommes de la religion.

L'infiltration de l'esprit philosophique est responsable de l'évolution du catholicisme des Lumières quiemprunte au déisme.

Par ailleurs, la science a eu valeur de dogme avec entre autre la chimie, l'histoire naturelle.

Les sciences ont bénéficié de l'appui de l'Etat.

Lepublic cultivé s'éprend dans des établissements d'enseignements supérieurs, quelques fois publics, où les femmes sont parfois admises.

Enfin, Petitfrère met en avantles dérives qui découlent des bouleversements que les progrès ont pu avoir sur les esprits.

Ainsi, face au rationalisme triomphant, le merveilleux et le mysticismeapparaissent avec le mesmérisme, un regain des sciences occultes comme l'alchimie, l'illuminisme.

Cet ensemble grise les Français et les engage à placer leurs espoirsdans le progrès matériel et l'avenir terrestre. L'argumentation de l'auteur réside dans le contraste : afin d'avoir une vision globale, dans un second ensemble, C.Petitfrère nous livre une France de l'ombre.

Ceuxqu'il nomme « la masse des régnicoles », souffrent.

De plus, cette France prospère connaît des faiblesses dans son économie qui engendrent le mécontentement dupeuple et des bourgeoisies.On voit que l'auteur s'attache à lier les crises entre elles en un cercle vicieux: le climat défavorable entraîne une sous-production céréalière qui provoque uneamplitude des prix qui varie selon les céréales et les régions et ce déficit touche aussi l'élevage et la viticulture.

Jusqu'en 1784, la production a été pléthorique puis lescrises se sont succédées, profitant toujours aux mêmes.

Cette crise agricole entraîne une crise industrielle puisqu'elle cause une sous-consommation et par conséquentun fléchissement des salaires et une chute de l'emploi.

Par ailleurs, d'autres facteurs rentrent en jeu dans le renchérissement des matières premières : les guerres(Amérique, le coton) et l'abaissement des droits de douane qui a provoqué l'afflux des produits anglais qui, grâce à leur avancée technologique, concurrencent les prixfrançais.

Mais les faiblesses sont aussi structurelles avec les réglementations colbertistes..

L'Etat a par ailleurs une mainmise au niveau international avec lescompagnies à monopole, les droits de douane, le commerce international mais surtout le marché des grains.

Face à cela les idées libérales s'élèvent et l'auteur nousexpose le mouvement et les théories des physiocrates, qui connaissent des oppositions, et évolue.

Sous Louis XVI, ils réhabilitent le marchand et veulentl'établissement de la libre concurrence qui entraînera un cercle vertueux.

Mais l'auteur argumente que si les producteurs aspirent à une liberté plus vive avec leretournement de la conjoncture économique, le petit peuple réclame un certain dirigisme de l'Etat pour s'approvisionner et baisser le prix du pain.

Le régime fait doncface à deux demandes contradictoires, symbole d'un malaise social.

Le peuple des campagnes souffre des crises agricoles (endettement, misère, chômage) et aconscience de l'injustice qui le frappe.

En ville, il y a aussi une concentration de la pauvreté avec un afflux en période de crise car là s'y trouve les institutionsd'assistance.

De plus, c'est dans les villes que se développe la population flottante avec les migrations saisonnières, le travail fluctuant et les métiers pauvres.

Face àce phénomène, les esprits éclairés et le gouvernement (Vauban) ont compris la nécessité de mesurer la pauvreté, avec la crise économique des années 1780.

Et celapar bons sentiments mais surtout par peur du risque social.

Deux classifications cloisonnent la pauvreté en un monde manichéen des bons et des mauvais pauvres quel'auteur expose et en conséquence deux politiques différentes : l'enfermement pour les mauvais et la bienfaisance, l'assistance pour les bons, la bienfaisance qui à ladifférence de la charité est affaire d'Etat, responsable de la misère et qui devait finalement l'emporter sur la répression, symbole du triomphe des idées des Lumières.Enfin, l'insertion des jeunes dans le monde du travail pose problème.

L'auteur nous explique la stabilité et l'immobilité paralysante professionnelle qui touche leXVIIIè siècle.

Cependant, d'après lui, cette misère du peuple n'est pas la cause essentielle du « malaise de la société » mais les contestations de la bourgeoisie quitrouvent leurs échos dans le Mariage de Figaro, qui de par son succès, leur apporterait du crédit.

Cela est à nuancer car la misère a poussé le peuple à la Révolutionface à l'insolvabilité de la crise.

L'auteur présente les deux types de bourgeoisie: celle qui aspire aux mêmes privilèges que la noblesse de par sa position financière(achat d'offices, comme Beaumarchais par exemple) et celle qui, ne pouvant y prétendre, rêve de pouvoir l'abolir au profit du mérite.

L'auteur s'interroge donc sur laposition de la bourgeoisie dans un contexte où la noblesse s'accroche à ses privilèges avec une fermeture sociale instituée (ex : l'Edit de Ségur).

L'esprit de caste estremis en cause par l'auteur qui explique que l'ancienneté des deux tiers de la noblesse date du XVIIè siècle.

En effet, la frustration bourgeoise de la fin du siècle vientde la revendication d'égalité de naissance dans un contexte où la bourgeoisie, persuadée de sa dignité et de ses mérites, glorifiée pour son utilité et son travail, estconfiante face à une noblesse fragilisée traversée par deux courants idéologiques : un qui prétend partager le pouvoir contre l'absolutisme et relayé par Montesquieu,un autre, minoritaire, prêt à ouvrir ses rangs au mérite, aux affaires.

D'après l'auteur, le succès du Mariage de Figaro dans la noblesse qui dénonce pourtant lesarchaïsmes du second ordre a facilité l'offensive bourgeoiseLa philosophie a permis au peuple et à la bourgeoisie d'exprimer leur ressentiment dans un contexte où le culte populaire des grands philosophes participe à ladiffusion des idées par des « écrivains de seconde zone qui les radicalisent et les montent en système » (p178).

Diffusion qui s'est élargit à un l'éventail plus large etdont le Mariage de Figaro serait un symbole, la représentation, le 27 avril 1784, d'un condensé critique parvenu à son apogée par l'expression idéologique et vivanted'une pièce de théâtre d'après l'auteur.

Cette critique se développe avec la prestigieuse République des Lettres composés d'écrivains reconnus face à laquelle se trouvela Bohème littéraire qui croit en sa mission éducatrice du peuple mais qui est frustrée de son rejet des corps privilégiés qui composent la République des Lettres qui lapousse à la haine et au vulgaire dans ses écrits (l'auteur s'appuie ici sur le thèse de R.Darnton) : critiques de l'inégalité, écrits pornographiques qui visent à salir leshautes sphères de la société et de l'Etat afin d'exalter la vertu du peuple.

Le relâchement de la censure, après 1750, l'impression à l'étranger, l'éclosion de la pressemoderne, des quotidiens et périodiques, la critique, permettent la diffusion des idées philosophiques et de l'esprit des Lumières même si en province la presse est plustimorée.

Cette diffusion s'explique par une plus grande alphabétisation d'une part mais l'auteur rappelle la dimension du colportage et de la lecture.

La vie associative. »

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