« A quelles conditions un personnage de roman peut-il passer pour réaliste ? »
Publié le 04/11/2012
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Or, si on suppose un personnage dans un monde réel, il doit aussi être sous le joug des lois (sauf dans le cas d’un Robinson Crusoë qui est son propre législateur). Sans pour l’instant aborder les lois non-écrites, il faut évoquer les lois mais également le pouvoir en place : dans le monde dans lequel évolue le personnages, qui a le pouvoir ? Qui l’applique ? De quel régime s’agit-il ? Dans un drame familial comme le jardin secret, c’est la gouvernante, dans une intrigue judicaire, ce sont les juges… Le personnage subit nécessairement le pouvoir en place, à tous les niveaux, du Roi jusqu’à son tuteur. Dans un roman qui se soucie du réel, un assassin est toujours poursuivi, souvent condamné. Tous les détails de l’application du pouvoir par des personnages sur un personnage doivent coïncider avec une législation réaliste. Par exemple, pour écrire Dites-leur que je suis un homme, le romancier...
«
à part.
Ainsi les premiers pas vers le réalisme et les personnages furent accomplis par les libertins et leurs
imitateurs.
Même s’il ne s’agit encore de détails insérés dans la narration, l’intrigue sociale prévalant, des
romanciers comme Marivaux ont donné à leur personnage une consistance physique.
Ne serait -ce que dans
les portraits, qui, au lieu de se conformer aux codes médiévaux et baroques, décrivent le personnage
physiquement et de façon individuée.
Mais l’exemple le plus probant de l’introduction des réalités physiques
du personnage reste cette scène du Paysan parvenu dans laquelle une cuisinière fait cuire des œufs pour
Jacob.
Bien sûr, Marivaux en est encore à justifier sa scène par une portée symbolique, l’œuf représente la
fécondité et la cuisinière « nourrit » Jacob dans tous les sens du terme ; mais il n’en reste pas moins dans
cette scène, Jacob est affamé, ressent également du désir et tout cela dans une cuisine, lieu dont le roman
parlait encore très peu.
Le personnage prend donc corps, il se couche auprès de sa femme, consomme son
mariage, comme tout le monde et dort plutôt que de passer ses nuits dans la forêt de Brocéliande à
combattre.
C’est dont un être ordinaire, profane mais également un animal social.
Qui dit homme dit tout de suite groupes d’hommes et donc société.
Même dans la définition de son
individualité, l’être humain
est normé pas la société dans laquelle il vit, d’où l’obligation pour le romancier qui veut créer un personnage
réaliste de le définir socialement.
C’est d’ailleurs ce qui est fait dans le titre même de l’ouvrage cité ci-dessus
: le paysan parvenu c’est la classe sociale suivie de l’indication de l’ascension vers les autres, le rédacteur
des « mémoires » ne donnant un nom que par commodité.
La société définit donc en partie l’Homme, et elle
lui indique sa place, sa fonction, des droits, ce qui modèle jusqu’à sa nature même d’où l’importance pour le
romancier de le définir socialement.
Un paysan n’est logiquement pas lettré, un citadin connaît les grands
noms de son temps, le nombre s’exprime différemment du prolétaire.
Chrétien de Troyes n’aurait jamais fait
le portrait de la société féodale qui aurait eu pour héros un serf.
Les romans qui mettent le plus en exergue,
par leur forme même, les composantes sociales de l’individu sont les romans épistolaires, comme les
Liaisons dangereuses.
L’échange de lettres est un acte social et les discours profitent de la diversité des voix
narratives pour acquérir un autre niveau de complexité : dans l’intimité des personnages, Laclos nous montre
avec un regard différent leurs actions sociale.
Le vicomte de Valmont ne se définit que par son statut social :
ainsi quand Madame de Merteuil li écrit qu’ « on remarque vos absences
», la menace est bien réelle, le « on » est tout puissant.
La déchéance des personnages est sociale :
déshonneur, persiflage, réputation.
Valmont, même dans l’intimité la plus physique, s’adonne encore des
jeux sociaux : « l’air que je respire est brûlant de volupté, la table même sur laquelle je vous écris, consacrée.
»
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