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ABBAYE DE THÉLÈME. RABELAIS

Publié le 22/06/2011

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rabelais

Aux abbayes et couvents, qu'il ne connaissait que trop pour avoir été astreint à leurs règles étroites et asservissantes, Rabelais oppose de même une abbaye telle que la concevait son esprit, amoureux de la beauté et de la liberté. Grangousier avait, après sa victoire sur Picrochole, magnifiquement récompensé tous ceux qui l'avaient aidé, lui et son fils. A la suite d'un festin splendide, « le plus magnifique, le plus abondant et le plus delicieux « qui fut vu depuis le temps du roi Assuérus, il avait largement distribué « tout le parement de son buffet «, grands vases d'antique, grands pots, grands bassins, grandes tasses, potets, candélabres, corbeilles, et autre telle vaisselle d'or massif, ainsi qu'émail, pierreries, si artistement travaillées que le prix de la matière en était, « par estime de tous «, plus que doublé. 

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« Du côté des hommes, « chausses pour les bas, d'estamet ou serge drapée d'escarlate, de migraine, blanc ou noir.Les hauts de velours » de mêmes couleurs « ou bien pres approchantes » ; pourpoint de drap d'or, d'argent, develours, satin, damas, tafetas, deschiquetés et brodés ; aiguillettes de soye ; fers d'or, bien esmouchés; ceinturesde soye, des couleurs du pourpoint ; belle épée au côté, avec poignée dorée et fourreau de velours, de la couleurdes chausses, le bout d'or et d'orfèvrerie ; le poignard, de même ; le bonnet de velours noir, garni de bagues etboutons d'or, la plume blanche, par-dessus, « mignonnement partie à paillettes d'or, au bout desquelles pendoienten papillettes beaux rubis et esme raudes »Et il y avait entre les hommes et les femmes telle sympathie d'idées et de sentiments que les uns et les autresrevêtaient, chaque jour, un costume d étoffe et de couleur semblables.

Des gentilshommes faisaient savoir, chaquematin, aux hommes la parure dont les dames avaient fait choix, les hommes s'en rapportant toujours sur ce point àleur volonté et à leur goût.Les livres étaient proscrits ailleurs.

— A Thélème, depuis la tour Arctice jusques à Crière, il y avait les belles etgrandes librairies, réparties aux divers étages et abondamment pourvues de livres grecs, latins, hébreux, français,toscans (italiens) et espagnols.L'ignorance était de règle ailleurs ; elle était même déclarée vertu.

On n'admettait à Thélème que femmes ethommes ayant reçu une instruction complète : toutes et tous savaient lire, écrire, chanter, jouer d'instrumentsharmonieux, parler cinq ou six langues, composer en prose et en vers.Cette haute culture intellectuelle, s'alliant à une parfaite éducation morale, mettait les Thélémites à l'abri de toutesces inquiétudes que la cohabitation eût inspirées ailleurs : les gens libres, bien nés, bien instruits, ont, en effet, parun don de nature, un « instinct et aiguillon, qui toujours les pousse à faits vertueux et retire du vice », et qu'ilsnomment l'honneur.Cette appréciation sur les heureux effets de l'instruction, Rabelais la présente à nouveau, et avec non moins deforce, au troisième livre de Pantagruel.

Vénus, y est-il dit, demandait à son fils pourquoi il n'assaillait jamais lesMuses.

Il répondit qu'il les « trouvoit tant belles, tant nettes, tant honnestes, tant pudicques que, approchantd'elles, il desbandoit son arc, fermoit sa trousse et esteignoit son flambeau, par honte et crainte de leur nuire.

» —Cupidon faisait mieux : il ôtait le bandeau de ses yeux, pour les mieux voir et ouïr leurs plaisants chants, et il prenaità cela le plus vif plaisir, « tellement que souvent il se sentoit tout ravi en leurs beautés et bonnes grâces, ets'endormait à l'harmonie.

»A Thélème, il y avait de même, chez les hommes aussi bien que chez les dames, une telle communauté desentiments honnêtes qu'ils pouvaient, sans crainte de la moindre défaillance, se voir et converser ensemble, tantqu'il leur plaisait.Toutefois, cet amour pur et désintéressé était souvent le prélude d'une affection plus profonde et plus durable; et,quand, soit à la demande de ses parents, soit pour toute autre cause, un Thélémite voulait sortir de l'abbaye, ilfaisait choix de celle des dames qui lui paraissait avoir pour lui une inclination manifeste et qui, suivant la jolieexpression de Rabelais, « l'aurait pris pour son dévot », et il l'emmenait avec lui, et ils étaient mariés et « si bienavoient vécu à Thélème en devotion et amitié, encores mieulx la continuoient ils en mariage, et autants'entreaimoient-ils à la fin de leurs jours, comme le premier de leurs nopces.

»Telle fut l'abbaye de Thélème.

Pour en concevoir l'idée, frère Jean et, par lui, Rabelais fit appel à toutes lesrichesses de son imagination puissante.

Dans la disposition des grandes lignes de l'oeuvre comme dans la multiplicitédes détails, il montra son amour passionné de l'indépendance et de la beauté.. »

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