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ACTE I : L'exposition (Les Femmes Savantes de Molière) - Commentaire

Publié le 07/03/2011

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Le décor représente un salon, dans la maison du riche bourgeois Chrysale. La question sur laquelle va reposer toute l'intrigue, c'est celle du mariage d'Henriette, sa seconde fille. Elle est abordée dès la première scène, et môme dès les premiers vers. Henriette est aimée par un jeune homme de qualité, Clitandre, et elle l'aime aussi. Clitandre avait d'abord fait la cour à la sœur aînée, Armande; mais il avait été découragé par sa froideur. Comme il arrive assez souvent, Armande s'est mise à regretter celui qui lui échappait : elle est jalouse d'Henriette. Elle se croit très capable de lui reprendre son ancien amant ; mais, pour commencer, elle va s'efforcer d'empêcher un mariage qui ne lui laisserait plus aucun espoir.

« Mon Dieu ! que votre esprit est d'un étage bas ! Que vous jouez au monde un petit personnage, De vousclaquemurer aux choses du ménage, Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants Qu'un idole d'époux et desmarmots d'enfants ! Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires, Les bas amusements de ces sortesd'affaires...

Vous avez notre mère en exemple à vos yeux, Que du nom de savante on honore en tous lieux :Tâchez, ainsi que moi, de vous montrer sa fille ; Aspirez aux clartés qui sont dans la famille, Et vous rendez sensibleaux charmantes douceurs Que l'amour de l'étude épanche dans les cœurs ; Loin d'être aux lois d'un homme enesclave asservie, Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie... Henriette reçoit ces conseils, qu'elle devine intéressés, avec une bonne grâce un peu moqueuse-Tous les esprits,répond-elle, ne se ressemblent pas.

Si le vôtre « est né propre aux élévations ». Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre. Elle a de l'esprit, elle raille gentiment Armande, elle imite plaisamment ses expressions : Ainsi, dans nos desseins l'une à l'autre contraire.

Nous saurons toutes deux imiter notre mère^ Vous, du côté del'âme et des nobles désirs, Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs ; Vous, aux productions d'esprit et delumière, Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière. Ceci n'est plus une simple riposte ; c'est un argument et il est fort.

Henriette va le préciser : si notre mère, quevous me proposez comme modèle, si notre mère avait toujours eu cette horreur du mariage que vous voulez mecommuniquer, vous et moi, nous ne serions pas là, Et bien vous prend, ma sœur, que son noble génie N'ait pas vaqué toujours à la philosophie.

De grâce, souffrez-moi,par un peu de bonté, Des bassesses à qui vous devez la clarté ; Et ne supprimez point, voulant qu'on vous seconde,Quelque petit savant qui veut venir au monde. Le dernier trait est un peu vif pour une jeune fille ; mais, en ce temps, les dames du plus grand monde ne reculaientpas devant une expression hardie.

Et puis le sourire d'Henriette sauve tout : elle est gaie, elle est de bonne humeur,elle est heureuse, parce qu'elle sait que Clitandre l'aime et qu'elle espère l'épouser bientôt. Sa façon d'écarter les théories de sa sœur fait bien voir qu'elle n'est pas près de se convertir, et Armande estobligée, à la fin, de le constater : Je vois que votre esprit ne peut être guéri Du fol entêtement de vous faire un mari. Là se termine la partie générale de la discussion, celle qui a opposé deux conceptions de la vie. Les sentiments qu'a exprimés Henriette sont tout à fait conformes à ceux de Molière.

Le mariage ne l'effraie pas, elleest prête à en accepter les charges, elle ne demande qu'à suivre la bonne loi naturelle. Que de fois Molière a laissé entendre que la solitude ne vaut rien ni pour l'un ni pour l'autre sexe ! Un époux, desenfants, voilà la destinée normale de la femme. Dans Sganarelle, quelqu'un la comparait au lierre, Qui croît beau, tant qu'à l'arbre il se tient bien serré, Et ne profite point s'il en est séparé. « Ah ! nature, nature ! » s'écriera Argan, dans le Malade Imaginaire, en voyant Angélique sourire au mot de mariage. Quant à la thèse d'Armande, c'est exactement celle de beaucoup des anciennes précieuses.

Dans le roman de l'abbéde Pure la Précieuse ou le Mystère des Ruelles (1656-1658), une demoiselle déclarait avec conviction : « Il faut agiravec spiritualité, nous unir d'esprit et faire des serments glorieux qui soient autant au-dessus de la bassesse dumariage que le mariage est au-dessous du plaisir de la liberté ».

On lit dans le Dictionnaire de Somaize ; « Commetous les habitants de cet empire [la Préciosité] sont fort spirituels, aussi leurs alliances sont-elles fort détachées dela matière...

Leur coutume générale est de s'unir seulement d'esprit, non de corps ».

Pourquoi se soumettre à ladomination masculine, pourquoi s'exposer à des soucis vulgaires, alors qu'on pourrait jouir librement du commercedélicat des intelligences ? D'ailleurs cette singularité avait déjà été notée dans la farce des Précieuses Ridicules : « Pour moi, mon oncle, disaitCathos, tout ce que je vous puis dire, c'est que je trouve le mariage une chose tout à fait choquante ». Dans la seconde partie de la scène la discussion va prendre un autre caractère.

N'ayant pas réussi à détournerHenriette du mariage, c'est sur le choix du mari qu'Armande va faire porter le débat : Si vous voulez à toute forceun époux, j'espère au moins que vous ne songez pas à Clitandre ! Ne serait-ce pas un dessein malhonnête, Que devouloir d'une autre enlever la conquête ? Que vous importe ? répond Henriette, puisque vous avez renoncé à l'hymen, puisque « la philosophie a toutes vos. »

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