Devoir de Philosophie

Acte I, scène 3 - Don Juan de Molière

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

don

Scène 3

Done Elvire, Dom Juan, Sganarelle.

Done Elvire Me ferez-vous la grâce, Dom Juan, de vouloir bien me reconnaître ? et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ?

Dom Juan Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici.

Done Elvire Oui, je vois bien que vous ne m’y attendiez pas ; et vous êtes surpris, à la vérité, mais tout autrement que je ne l’espérais ; et la manière dont vous le paraissez me persuade pleinement ce que je refusais de croire. J’admire ma simplicité et la faiblesse de mon cœur à douter d’une trahison que tant d’apparences me confirmaient. J’ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte pour me vouloir tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux et mon jugement. J’ai cherché des raisons pour excuser à ma tendresse le relâchement d’amitié qu’elle voyait en vous ; et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d’un départ si précipité, pour vous justifier du crime dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler ; j’en rejetais la voix qui vous rendait criminel à mes yeux, et j’écoutais avec plaisir mille chimères ridicules qui vous peignaient innocent à mon cœur. Mais enfin cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d’œil qui m’a reçue m’apprend bien plus de choses que je ne voudrais en savoir. Je serai bien aise pourtant d’ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. Parlez, Dom Juan, je vous prie, et voyons de quel air vous saurez vous justifier.

Dom Juan Madame, voilà Sganarelle qui sait pourquoi je suis parti.

Sganarelle Moi, Monsieur ? Je n’en sais rien, s’il vous plaît.

Done Elvire Hé bien ! Sganarelle, parlez. Il n’importe de quelle bouche j’entende ces raisons.

 

Au cours d'un dialogue avec son valet Sganarelle, Don Juan avoue à celui-ci qu'il s'est lassé de Done Elvire comme il se lasse de toutes les femmes qu'il conquiert. Ainsi, après avoir enlevé Elvire du couvent et l'avoir épousée secrètement, il l'a quittée pour courir de nouvelles aventures. Il confie à Sganarelle qu'il a le projet d'enlever à présent une jeune fille à son fiancé lors d'une promenade en mer. Sganarelle tente en vain de le dissuader de se lancer dans une entreprise dangereuse.  Alors qu'il ordonne à son valet de préparer leur départ, Don Juan aperçoit Done Elvire qui vient à sa rencontre. Il reproche violemment à Sganarelle de ne pas l'avoir prévenu. Don Juan a cependant la présence d'esprit de remarquer la tenue insolite de son épouse qui contrevient à tous les usages en venant dans le palais où il se trouve en habits « de campagne«, c'est-à-dire de voyage.

don

« — Dans un troisième temps qui correspond à la fin de sa tirade, à partir de: «Mais enfin cet abord...», Elvire confirme sa conviction qu'elle a été bel et bien abandonnée par Don Juan.

Mais c'est sur un ton à la fois impérieuxet implorant qu'elle exige de son époux qu'il lui dise lui-même les raisons de son départ.

Tout en prononçant cesparoles comme un défi, Done Elvire espère secrètement que Don Juan consentira à lui donner le change. Mais il n'en est rien: Don Juan trouve une habile et insultante parade en ordonnant à Sganarelle de répondre à saplace.

Elvire accepte encore cette humiliation et demande au valet de parler. AXES D'EXPLICATION Le choc de la désillusion Elvire a bravé les convenances pour venir chercher son volage époux.

L'accueil glacial que lui réserve celui-ci ne ladésarme pas.

Elle poursuit son offensive. Nul mieux que Jouvet dans ses cours de théâtre n'a su peindre cette audace de la passion.

Voici les conseils qu'ildonnait à une élève qui avait essayé le rôle: «Tu vois l'entrée: cet homme prend un visage indifférent devant cette femme qui entre, il ne la reconnaît pas; cen' est pas une scène qui débute dans le plein de la voix, c'est une scène qui s'installe.

C' est une femme qui estdans un état de saisissement intérieur; elle est interdite physiquement et moralement.

Comprends-tu lesentiment, la sensation de ce début de scène? Si on voulait l'analyser comme on analyse un minéral, on verraitque ce qu'on trouve de plus fort, c'est la sensation de sa retenue intérieure, la volonté de parler, la volonté des'expliquer qui va jusqu'à «Parlez, Don Juan, je vous prie, et voyons de quel air vous saurez vous justifier.» Elle irait jusqu'au bout pour avoir l'explication.

Elle va tellement loin qu'elle va jusqu'aux outrages.» Elvire est amoureuse de Don Juan.

Elle lui cherche des excuses.

Mais elle se heurte à l'évidence de ce regard qui labroie dès qu'elle apparaît.

Elle s'attendait à de la passion, car, en dépit de tout, contre les apparences, au momentoù elle entre, elle croit encore en Don Juan, et elle rencontre cette indifférence glacée, agacée.

Elle sent qu'ellegêne.

Elle est une intruse.

Elle est le passé de Don Juan. Comment interpréter l'attitude de Don Juan? Humilie-t-il cette femme qu'il a aimée? Agit-il, comme on l'a dit souvent,par un surcroît de sadisme? Non, Don Juan est tout simplement gêné.

Il ne sait comment répondre. Alors, comme il se tait obstinément, Elvire insiste, elle le provoque: «...

voyons de quel air vous saurez vous justifier!» Ce qui signifie : « voyons comment vous saurez mentir ».

Elle le met au défi de mentir et c'est pourtant ce qu'elle souhaite le plus, qu'il mente, qu'il lui donne cette preuve de tendresse... Il fallait que Molière connaisse profondément la psychologie féminine pour avoir prêté à Elvire ce cri d'ironiedouloureuse: donne-moi encore de l'illusion, donne-moi encore du mensonge, toi qui me tues par ton silence: toidont l'absence est pour moi la pire des morts ! Elvire, en provoquant Don Juan, demande encore à être trompée ! Le conflit du coeur et de la raison Elvire trahit le désarroi dans lequel la plonge le conflit entre son coeur et sa raison.

Sa raison lui désigne l'évidencede la trahison, mais son coeur lui ordonne encore d'espérer.

Quand elle dit à Don Juan: «...

vous êtes surpris, à la vérité, mais tout autrement que je ne l'espérais...», elle avoue tout ce qui la sépare de Don Juan : l'abîme de l'illusion.

Elle espérait une surprise heureuse, amoureuse, elle rencontre une surprise hostile, irritée. Elvire reconnaît que sa raison même est au service de son coeur.

Quand elle dit: «J'admire ma simplicité et la faiblesse de mon coeur», elle n'hésite pas à montrer à Don Juan cette simplicité et cette faiblesse.

C'est un signal discret, infiniment émouvant, qu'elle lui adresse pour le toucher; mais il y a aussi dans ses propos une ironie amèreretournée contre elle-même, perceptible dans le ton avec lequel elle dit «J'admire ma simplicité...», quand elle emploie un verbe qui, sous l'étonnement, désigne le dépit, ou quand elle s'accuse d'avoir été «assez bonne ou plutôt assez sotte». Parfois, un seul mot suffit à éclairer les profondeurs d'une conscience.

C'est le cas de «j'admire» qui traduit le dédoublement d'Elvire, Elvire se regardant avec stupéfaction, Elviredevenue étrangère à elle-même, Elvire possédée par Don Juan, malade de Don Juan:voilà, semble-t-elle dire, ce que tu as fait de moi...

Comme les héroïnes de Racine,comme Phèdre, Elvire est prisonnière de sa passion. Quand elle s'analyse avec la plus grande lucidité, on pourrait la croire libérée, maisses mots sont à double portée: le fait même de se livrer totalement, de ne riencacher de son volontaire aveuglement, constitue un aveu de son amour et de sadépendance. Le conflit entre l'honneur et la passion On aurait tort de croire cependant qu'Elvire n'est plus soucieuse de son honneur.

Il y a, dans ses paroles,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles