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ACTE I, SCÈNES 1 ET 2 du "Barbier de Séville" de Beaumarchais (commentaire)

Publié le 22/02/2012

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Au petit matin, dans une rue de Séville où toutes les croisées sont grillées, un homme, seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu, fait les cent pas sous les fenêtres d'une femme qu'il a rencontrée à Madrid et dont il est tombé amoureux, mais à laquelle il n'a encore jamais parlé. Il n'en connaît que le nom, Rosine, et voudrait s'en faire aimer, pour lui-même et non parce qu'il est un brillant seigneur de la Cour. C'est à cette fin qu'il se dissimule sous un déguisement (scène 1). L'arrivée imprévue d'un homme qui griffonne le texte et cherche la mélodie d'une chanson, l'oblige à se cacher mais deux hommes dans une rue déserte au petit matin ne peuvent manquer de se rencontrer. Il se trouve qu'ils se connaissent : l'amoureux déguisé est le comte Almaviva qui veut se faire appeler Lindor; le joyeux improvisateur de chansons est son ancien serviteur Figaro, établi maintenant barbier à Séville. Figaro raconte sa vie, riche d'événements, que le Comte écoute avec amusement, tout en surveillant avec attention la jalousie derrière laquelle Rosine a coutume de se montrer. Au bruit de son ouverture, les deux hommes se cachent (scène 2).
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« L'information fournie par le texteElle est naturellement et de loin la plus riche, et Beaumarchais la délivre avec rapidité, clarté et une grandeefficacité.Son ouverture est pourtant, à première vue, d'une grande banalité : un double monologue qui multiplie par deux lesrisques d'immobilisme propres au procédé et d'ennui pour le spectateur.

Dans chacun des cas, les techniquesd'écriture mises en oeuvre et les demandes de mise en scène écartent ces écueils. Le monologue du ComteQue nous apprend ce premier monologue qui constitue la première scène de la pièce? Un jeune seigneur de la Course trouve à « cent lieues » de la capitale, plus précisément à Séville, dans une rue de cette ville, sous les fenêtres,au petit matin, de celle qu'il aime (successivement nommée « elle », « une femme » et enfin « Rosine ») mais àlaquelle il n'a jamais encore parlé.

Il l'a vue à Madrid et l'a suivie à Séville.

Il attend de la voir paraître derrière sajalousie, dispositif de lamelles ou de croisillons de bois ou de métal qui permettent de voir sans être vu.

Dans cesconditions, la verra-t-il vraiment? Il doit en tout cas au moins l'entrevoir, le jeu se répétant depuis quelque temps («elle a coutume de se montrer derrière sa jalousie [...] »).Si le décor donnait d'emblée au spectateur le cadre spatial, la première phrase du monologue lui précise l'heure del'action qui se déroule sous ses yeux : « Le jour est moins avancé que je ne croyais ».

Le propos est souligné par legeste du personnage qui « tire sa montre», comme prend soin de le noter l'auteur dans la didascalie qui accompagnela scène.

Ce geste, tout comme le mouvement sur scène du personnage (« en se promenant », note Beaumarchais),enclenche dès le début l'intérêt du spectateur et accompagne les propos qui vont satisfaire sa curiosité.L'immobilisme, qui est dans la nature même du procédé du monologue, est totalement contrecarré non seulement parles gestes et mouvements du jeune homme enveloppé dans sa cape et qui arpente la scène, mais par les procédésd'écriture : Gabriel Conesa remarquait judicieusement que ce monologue pouvait être quasiment écrit sous forme dedialogue, avec des départs de répliques successivement à chaque début de phrase principale: « L'heure à laquelle[...] ; N'importe, il vaut mieux [...] ; Si quelque aimable [...] ; Pourquoi non? Chacun court [...] ; Mais quoi! Suivreune femme.[...]; Et c'est cela même que je fuis [...] ».L'intérêt du spectateur est également sollicité par la légère esquisse de caractère que le texte laisse deviner.L'amoureux a plaisir à s'avouer à lui-même qu'il est suffisamment épris pour avoir, avec autant de constance qu'auxtemps héroïques et chevaleresques d'Isabelle la Catholique, suivi sa belle de Madrid à Séville, abandonné la Cour etles faciles conquêtes que sa position sociale lui facilite et dont il se plaint en prenant la pose de l'homme désabuséqui aurait déjà tout connu.

Le jeune homme a en fait trouvé le « bonheur » et le jeune seigneur voudrait savourer ladouceur suprême d'être aimé pour lui-même : d'où le déguisement.Ce dernier mot du monologue relance et aiguise l'intérêt.

Il suscite la curiosité, renouvelle le regard porté sur lecostume et le personnage, redouble l'attention prêtée aux propos, éveille l'attente d'action.

Mais ce déguisementrestera à la fin de la scène un mystère inexpliqué puisque le personnage doit se taire et se cacher à l'entrée d'un «importun » qui surgit. Le monologue de FigaroIl forme la première partie de la scène 2; il a déjà une particularité notable : celle d'être écouté par le personnagecaché, contrarié par cet importun qui dérange ses plans et prive le spectateur du plaisir d'en apprendre plus.L'entrée de Figaro a en effet frustré le spectateur d'une information à propos d'une action naissante (quel est le butde ce déguisement?), mais elle éveille aussi un nouvel intérêt du fait, bien sûr, de l'apparition d'un nouveaupersonnage, mais aussi du fait qu'il est lui-même déjà surveillé par le premier personnage caché.

Le spectateur vas'intéresser aux deux personnages qui sont sur scène et pas seulement à celui qui va parler et chantonner seul.

Sonattitude sera donc pas la même que celle qu'il avait en écoutant le Comte.En outre, le monologue de Figaro, visuellement déjà plus statique (Figaro met vite un « genoux en terre » pour écrireplus commodément alors que le comte marchait de long en large) n'est pas du même genre que celui du Comte.Explicitement musical, il nous révèle un homme mis avec recherche qui, la guitare en bandoulière, « chantonnegaiement » sa joie de vivre : technique d'opéra-comique qui rappelle la première version perdue du Barbier et quiplace l'entrée du personnage sous le signe de la gaieté, écrivain-musicien qui a comme une revanche à prendre surla « cabale » et qui proclame d'emblée, de bon matin, sa philosophie de l'ivresse et du plaisir : «L'homme, sans plaisirVivrait comme un sotEt mourrait bientôt.

» La rencontre d'Almaviva et de Figaro Attendue par le spectateur qui surveille les deux hommes présents sur la scène, inévitable du fait que deux hommesdans une rue déserte au petit matin ne peuvent rester trop longtemps sans finir par s'apercevoir, la rencontreintervient très rapidement, en six répliques brèves qui donnent un nom ti aux deux personnages jusque-là anonymes,et révèle — premier coup de théâtre — qu'ils se connaissent déjà.

La révéla-ion de l'identité (le comte Almaviva,Figaro) est complétée de notations affectives qui accompagnent la reconnaissance : « l'air altier et noble » ducomte Almaviva s'oppose au I« coquin » et au « maraud » qui a pour nom Figaro, dont le costume, la mise soignée. »

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