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Acte II, scène 4 - Don Juan et les paysannes (Molière)

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

don

Mathurine Mettez-nous d’accord, Monsieur.

Charlotteà Mathurine. Vous allez voir.

Mathurineà Charlotte Vous allez voir vous-même.

Charlotteà Dom Juan. Dites.

Mathurineà Dom Juan. Parlez.

Dom Juanembarrassé, leur dit à toutes deux. Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l’autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ? Tous les discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas, à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas, à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas, à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J’ai un petit ordre à donner ; je viens vous retrouver dans un quart d’heure

Charlotteà Mathurine. Je suis celle qu’il aime, au moins.

Mathurine C’est moi qu’il épousera.

Sganarelle Ah ! pauvres filles que vous êtes, j’ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l’une et l’autre : ne vous amusez point à tous les contes qu’on vous fait, et demeurez dans votre village.

Dom Juanrevenant. Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suit pas.

Sganarelle Mon maître est un fourbe ; il n’a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d’autres ; c’est l’épouseur du genre humain, et… (Il aperçoit Dom Juan.) Cela est faux ; et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu’il en a menti. Mon maître n’est point l’épouseur du genre humain, il n’est point fourbe, il n’a pas dessein de vous tromper, et n’en a point abusé d’autres. Ah ! tenez, le voilà ; demandez-le plutôt à lui-même.

Dom Juan Oui.

Sganarelle Monsieur, comme le monde est plein de médisants, je vais au-devant des choses ; et je leur disais que, si quelqu’un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu’il en aurait menti.

Dom Juan Sganarelle…

Sganarelle Oui, Monsieur est homme d’honneur, je le garantis tel.

Dom Juan Hon !

Sganarelle Ce sont des impertinents.

 

Changement total à l'acte II: d'une situation de tragédie où s'affrontent deux aristocrates, on passe à une farce en milieu campagnard.  Don Juan est naufragé; il a échoué dans sa tentative d'enlever une belle en bateau et n'a échappé à la noyade que grâce à deux paysans. Ne voyant aucunement un avertissement du Ciel dans cet accident, au rebours de Sganarelle, il entreprend tout de suite la conquête de la première paysanne qu'il voit, Mathurine, puis celle de Charlotte peu après. Les deux jeunes filles se le disputent et il s'efforce de les rassurer l'une et l'autre dans un étourdissant ballet: ce passage clôt ce périlleux exercice.

don

« Monsieur, comme le monde est plein de médisants, je vais au-devant des choses ; et je leur disais que, si quelqu'unleur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu'il enaurait menti. Dom JuanSganarelle… Sganarelle Oui, Monsieur est homme d'honneur, je le garantis tel. Dom Juan Hon ! Sganarelle Ce sont des impertinents. IDEE DIRECTRICE ET MOUVEMENT DU TEXTE Dom Juan se présente comme une suite de situations embarrassantes dont le héros réussit toujours à se sortir (àl'exception de la dernière de ces situations, laquelle débouche sur le châtiment). Ici aussi, le spectateur se demande comment il va s'en tirer : Don Juan est face à deux jeunes filles à qui il a promisle mariage, et l'une et l'autre lui demandent de se prononcer avec netteté. Cet épisode comprend trois phases dont la sortie et le retour de Don Juan constituent les articulations. Dans un premier temps, nous voyons s'accélérer le ballet qui a précédé: Don Juan rassure tour à tour chacunedes paysannes.

Cependant, un changement se produit pour toute la partie centrale de ce passage : Don Juanne tient plus à chacune un discours différent non entendu de l'autre.

Il s'adresse à l'une et à l'autre, en mêmetemps, s'amusant à jouer sur l'équivoque.La sortie de Don Juan permet à Sganarelle de détromper les paysannes, exactement comme il avait détrompéGusman au début de la pièce (scène 1).Le retour de Don Juan, toujours comme pour l'entretien avec Gusman, fait promptement rentrer Sganarelledans sa coquille. Un épisode extérieur à l'épisode et tout à fait fortuit (ce que la tragédie classique s'interdisait) viendra mettre unterme à l'embarras de Don Juan (scène 5). AXES D'EXPLICATION Un insatiable conquérant Ces lignes confirment ce que nous savons déjà de Don Juan.

C'est un «épouseur à toutes mains », comme le disait Sganarelle à Gusman.

Dans cette première scène de l'acte I, Sganarelle disait déjà «Dame, damoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud...», nous préparant ainsi à cette scène.

On y apprenait aussi que la promesse de mariage est son procédé favori, le côté sacrilège de cette pratique en augmentant peut-être lecharme. Don Juan est aussi l'homme des défis.

Le fait que Charlotte soit fiancée donne encore plus de prix à la conquête.

Ilen avait été de même avec la femme qu'il a essayé d'enlever.

Faut-il parler de sadisme, comme on est déjà tenté dele faire à l'acte I au terme de l'affrontement avec Elvire? Il semble que c'est plutôt le goût de l'obstacle qui motive Don Juan (« vaincre pied à pied ses petites résistances » ).

Nous retrouvons, mais dévoyé, le goût de l'exploit qui caractérisait le chevalier. Se manifeste, chez Don Juan, le plaisir du jeu (avec ce que cela comporte de risques) s'apparentant à celui que l'on rencontre chez la marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses.

En cela, leur conception de l'amour est plus cérébrale que sensuelle.

A aucun moment, Don Juan n'évoque d'une façon concrète les charmes érotiques despartenaires.

Le caractère sensuel ou même voyeuriste attaché de nos jours aux choses de l'amour est absent. L'intérêt semble tout entier concentré dans la conquête, la nécessité de triompher d'obstacles incessants et sanscesse augmentés (séduire une religieuse et l'arracher à un couvent, séduire deux femmes à la fois).

Cettecontinuelle agitation d'un noble (oisif par nature puisqu'il lui est interdit de travailler) pourrait être rapprochée dudivertissement pascalien: «Pour eux, la chasse vaut mieux que la prise », lit-on dans les Pensées, ce qui convient parfaitement à Don Juan. Un ballet comique Ce passage arrive au terme d'une sorte de ballet pour trois danseurs (dont deux danseuses), où Don Juan occupeune position centrale.

Ce ballet, relativement long (une cinquantaine de répliques), ne lasse pas, tant il est menésur un rythme étourdissant et tant il est scénique.

Le propre du théâtre est d'exprimer par le jeu des corps autant,. »

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