Devoir de Philosophie

ACTE II, SCÈNES 1-3 du "Barbier de Séville" de Beaumarchais (commentaire)

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Dans ces conditions, l'entrée de Figaro (scène 2) ne peut que ravir la jeune fille. Tout de suite après les salutations d'usage, Rosine interroge Figaro sur l'homme avec qui il parlait il y a peu dans la rue (« là-bas »; on peut penser que la jeune fille, en prononçant ce mot, désigne d'un geste la jalousie et explique ainsi au spectateur la particularité du nouveau décor), et « si vivement » (après avoir noté, en II, 1, « longtemps ») : l'échange entre les deux hommes était sans aucun doute autre chose qu'un échange banal et fortuit de deux personnes qui se rencontrent dans la rue. La curiosité de Rosine est à son comble pour savoir ce qui peut bien se cacher derrière ces adverbes.

« spectateur et l'auteur complices, vont prendre plaisir à savourer un enchaînement de devinettes, de mots d'esprit,d'émotions et de plaisirs suggérés et exprimés à demi-mot.

Le jeu de Figaro consiste à exciter encore plus lacuriosité de la jeune fille en présentant avec finesse certains détails, en en omettant d'autres, ou en faisantattendre l'information demandée.

Le charme physique du Comte (« d'une figure fort revenante* »), que Figaroprésente comme un jeune bachelier (entendons étudiant) de ses parents, est volontairement évoqué par Figaro enconclusion du bref et aguichant portrait qu'il en fait d'entrée de jeu, mais sans le nommer, ce qui suscite, chez lajeune fille, et une approbation de plaisir à l'évocation du beau Lindor, et le renouvellement, insistant et gêné, de saquestion pour savoir son nom.

Figaro prend ensuite plaisir à évoquer des détails qu'il présente comme négatifs maisque Rosine ressent au contraire comme infiniment intéressants.

La pauvreté et l'obscurité de Lindor sont balayéespar un propos d'enthousiasme juvénile et passionné de Rosine, qui avoue ainsi sans s'en rendre compte («étourdiment », note l'auteur) ses sentiments ; enfin, ce que Figaro présente comme un défaut majeur (« il estamoureux »), redouble la curiosité de Rosine de savoir le nom de l'heureuse élue.Figaro avait répondu assez vite à la première question de Rosine concernant le nom de l'homme avec qui il parlaitdans la rue et il n'avait pas tardé à le nommer : Lindor.

Mais avant de désigner à la jeune fille le nom de l'élue, il vase donner à lui-même et donner aussi au spectateur le plaisir d'en faire un portrait flatteur sous forme de devinette.Ce jeu permet à Figaro et avec lui au spectateur (c'est le sens de la didascalie: « la regardant finement ») deconcentrer l'attention sur les réactions et les émotions de celle que l'on décrit sans la nommer et qui cherchedésespérément à l'être (« Figaro.

— Je ne l'ai pas nommée ? Rosine, vivement.

— C'est la seule chose que vousayez oubliée, monsieur Figaro.

Dites donc, dites donc vite [...] »).

La réponse, qui se fait attendre et désirer, seraelle-même une périphrase (« la pupille de votre tuteur») que Rosine aura plaisir à faire répéter et expliquer («Rosine.— La pupille...? Figaro.

— Du docteur Bartholo »).

Une ultime coquetterie de la jeune fille («je ne vous crois pas, jevous assure ») essaie de provoquer un troisième aveu de Figaro, mais celui-ci enchaîne avec une informationconcernant l'action en cours : le barbier vient de débarrasser Rosine de tous ses surveillants pour vingt-quatreheures. L'aveuLa première partie du jeu est terminée.

Rosine sait ce qu'elle voulait savoir: Lindor est bien amoureux d'elle.

MaisFigaro a tout de suite suscité de la crainte chez la jeune fille, en évoquant une possible entrevue avec Lindor («c'est ce qu'il brûle de venir vous persuader lui-même »).

Un nouveau badinage, aux couleurs de la préciosité dusiècle passé, de la part de Figaro donnant à choisir à Rosine entre « amour sans repos » et « repos sans amour »,l'évocation furtive et tentatrice de ce qu'il ferait, lui, s'il était à la place de Rosine (« pour moi, si j'étais femme [...]») entraînent Rosine vers ce que Figaro cherche maintenant à obtenir (avec insistance, car il l'avait compris déjàdès I, 6: « elle est prise, monseigneur ») : l'aveu explicite de son amour pour Lindor.

La jeune fille, troublée, avec unvocabulaire de carte de Tendre (« estimer » pour « aimer », « pure amitié » pour « amour ») est ainsi contrainte («avec embarras», note l'auteur) à l'aveu, que le don à Figaro de la lettre qu'elle vient d'écrire confirme avec éclat.Figaro souligne alors ironiquement et triomphalement l'aveu qu'il vient d'obtenir par la traduction vive qu'il en donnepar antiphrase (« Cela parle de soi.

Tudieu! L'amour a bien une autre allure ! »).

Mais cet aveu arraché a ému à cepoint l'homme Figaro qu'il avoue avec plaisir le trouble sensuel qu'il lui a provoqué, trouble déjà sensible dans leregard (« il la regarde finement») qu'il portait sur la jeune fille au moment du portrait qu'il en faisait au début de lascène et qu'il terminait par une accumulation de points d'exclamation qui étaient autant de signes d'admiration : «[...] des mains ! des joues ! des dents ! des yeux! [...] ». La fin du badinage L'arrivée de Bartholo met fin à ce badinage qui esquissait comme un dérapage et oblige Figaro à quitter la pièce :Rosine l'engage à passer par le cabinet de clavecin attenant à la pièce où se déroule l'action, cabinet à partir duquelFigaro pourra emprunter un escalier que Rosine lui recommande de « descendre » le plus doucement possible.Pour cette raison, il est donc nécessaire que quelques instants séparent le départ de Figaro de l'arrivée de Bartholo.Bartholo est méfiant, et la vraisemblance implique un laps de temps pour justifier que Bartholo n'entende pas Figaropartir (Rosine, elle, a bien entendu Bartholo venir).

Le court monologue de Rosine de la scène 3 a cette nécessitédramaturgique.

C'est cette crainte que la jeune fille exprime («je meurs d'inquiétude ») tout en rêvant avecaffection et bonté à Figaro parti avec sa lettre pour Lindor : le jugement qu'elle porte maintenant sur le barbier aévolué par rapport à ce qu'elle en disait en II, 1, un peu — et pour les mêmes motifs : Figaro est l'hommeindispensable — comme avait évolué celui d'Almaviva sur son ancien serviteur (I, 2 et I, 4).

Rosine s'apprête enfin àrencontrer son tuteur en reprenant un travail de broderie en cours.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles