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ACTE III, SCÈNE 16: Le mariage de Figaro de Beaumarchais (commentaire)

Publié le 22/02/2012

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Cette confession entraîne un ralentissement de l'action, mais elle répond à des préoccupations idéologiques chez Beaumarchais. Le spectateur n'est guère étonné d'entendre Marceline se lancer dans la dénonciation de la condition faite aux femmes par la société du XVIIIe siècle. En effet, elle s'était déjà livrée à des considérations analogues dans la scène 4 du premier acte. Ici son personnage gagne en épaisseur et elle conquiert la sympathie de Figaro qui découvre en sa mère des affinités profondes. Comme lui, elle dénonce les abus d'une société dont elle a été la victime et, à bien des titres, sa confession préfigure le monologue de Figaro au cinquième acte.
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« La composition de ce mouvement dramatique fait ressortir, par sa symétrie, l'opposition des parties en présence.Dans la scène 12, Marceline et Bartholo, qui apparaissent comme deux alliés tout au long du procès, essaient degagner le juge Brid'oison à leur cause, tandis que, dans la scène suivante, c'est au tour de Figaro de se livrer à lamême manœuvre.

La succession de ces deux scènes fait ressortir l'opposition des caractères et des tactiquesemployées. Marceline se laisse emporter par son impétuosité et ne parvient pas à dissimuler l'irritation que suscite chez elle lastupidité de Brid'oison : à cinq reprises elle contredit Brid'oison par un « Non, Monsieur » qui ne peut que heurter la susceptibilité du juge.

Cette maladresse s'explique en partie par le fait que Marceline ne comprend qu'à la fin de lascène que Brid'oison est celui qui va juger son affaire : « Quoi ! c'est vous qui nous jugerez ? » Cette dernièreexpression traduit son désarroi et ses craintes.Figaro, lui, va en user tout autrement avec le juge : il fait preuve d'une amabilité aux limites de l'obséquiosité touten exploitant la stupidité de Brid'oison pour le tourner en ridicule sans qu'il s'en aperçoive.

Il parvient ainsi à lui direouvertement qu'il est le père d'un de ses enfants puis à critiquer l'institution judiciaire et ses pratiques sans queBrid'oison ne cesse de l'approuver : aux « non » répétés de Marceline dans la scène précédente font écho les signesd'acquiescement réitérés de Brid'oison : « oui », « assurément ».

A l'issue de ces deux scènes il semble donc queFigaro soit en meilleure posture que Marceline.Au cours du procès, l'habileté de Figaro et la maladresse de Marceline vont se confirmer.

Les didascalies soulignentque Figaro sait se concilier les juges en employant leur jargon et en les flattant : « Les juges se lèvent et opinenttout bas.

» Marceline, en revanche, commet la maladresse de les accuser de corruption : « On a corrompu le grandjuge, il corrompt l'autre, et je perds mon procès.

» Une telle franchise aurait coûté très cher à Marceline si ellen'avait pas bénéficié du soutien du Comte.

En effet, le greffier Double-Main aurait voulu la poursuivre pour injure à lacour. La satire de la justiceLe procès permet à Beaumarchais de régler quelques comptes personnels avec l'institution judiciaire, à laquelle il asouvent été confronté au cours de son existence.

Le nom même du juge, Don Gusman Brid'oison, est singulièrementproche de celui de Goézman, le juge dont l'écrivain a dénoncé la corruption (voir biographie).

Dans la pièce, c'estplutôt la stupidité qui caractérise Brid'oison puisqu'il ne comprend jamais ce qu'on lui explique, tout en ne cessantpas de répéter qu'il a tout compris.

En revanche, la cupidité apparaît comme le trait dominant du greffier, Double-Main, nom dont Brid'oison lui-même souligne involontairement le sens : « Oui, c'est qu'il mange à deux râteliers.

» Lejuge veut dire ici que le greffier est aussi son secrétaire, qu'il cumule deux fonctions, mais pour Figaro cela signifiesurtout qu'il s'enrichit par tous les moyens : « Manger ! je suis garant qu'il dévore.

»La critique de la justice ne se limite pas à la seule caricature du juge et de son greffier.

Beaumarchais a placé dansla bouche de ses personnages des formules qui dénoncent ouvertement toutes les tares de l'appareil judiciaire deson temps.

Dans la scène 12, Marceline critique le mode d'accès aux fonctions de juge, qui repose non sur le mériteet les compétences mais sur l'achat d'une charge : « C'est un grand abus que de les vendre ! » Dans la scène 15,Marceline dénonce d'ailleurs la corruption des juges, dont elle s'estime la victime.Dans les scènes 13 et 14, c'est l'importance de la forme dans le fonctionnement de la justice qui est dénoncée parBeaumarchais.

Figaro affirme : « Si le fond des procès appartient aux plaideurs, on sait bien que la forme est lepatrimoine des tribunaux.

» Brid'oison reprend à son tour ce motif dans son dialogue avec le Comte : « Tel rit d'unjuge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d'un procureur en robe.

La forme, la-a forme ! » Le déroulement duprocès proprement dit, dans la scène 15, va d'ailleurs confirmer par l'exemple cette prédominance de la forme. Le comiqueMais le procès est aussi et surtout un grand moment comique, destiné à éclairer ce troisième acte dont la tonalitédominante est plutôt sombre.

Beaumarchais y utilise tous les types de comique, de la farce jusqu'aux mots d'esprit.Le bégaiement de Brid'oison ainsi que son nom participent d'un comique digne de la commedia dell'arte, tout commeles effets de répétition dans la scène 12 et le jeu sur et et ou dans la scène 15, où abondent de surcroît les jeux descène.

La grivoiserie présente dans les propos que Figaro tient au juge relève aussi d'une tradition qui fait du maritrompé un personnage éminemment comique.De même l'affrontement entre Bartholo et Figaro donne lieu à des plaisanteries sur les médecins, qui rejoignent lacomédie de Molière.

Aux exemples que donne Bartholo de l'utilisation de l'adverbe de lieu où : « vous vous ferezsaigner dans ce lit, où vous resterez chaudement », « il prendra deux grains de rhubarbe où vous mêlerez un peu detamarin », Figaro oppose des exemples d'utilisation de ou en tant que conjonction de coordination qui appartiennentaussi au registre médical : « ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin ». Le dénouement du procès donne lieu à un dernier effet comique qui réside cette fois-ci dans le retournementsoudain de la situation.

Figaro commence par s'exclamer « avec joie » : « J'ai gagné ! » avant de constater uninstant plus tard « stupéfait » : « J'ai perdu.

» C'est donc sur un comique de situation que s'achève le procès, maiscelui-ci ne peut guère dissimuler la menace qui pèse sur Figaro.. »

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