Alain propos heureux agriculteurs 1922 gallimard “ bibliothèque de la pléiade 1956 t3 I p.430
Publié le 26/11/2022
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Alain propos heureux agriculteurs 1922 gallimard “ bibliothèque de la pléiade 1956 t3 I p.430
ANALYSE DES TERMES DU SUJET : Le travail s'inscrit dans la durée : il est une logique,
un cheminement, une succession d'étapes et d'actions qui ont un commencement et une fin.
Aussi réclame-t-il attention et concentration pour être mené à son terme.
Briser cette
continuité, c'est briser l'effort et, du même coup, la volonté.
Une fois suspendu
l'enchaînement de ses causes et de ses effets, le travail ne procure plus aucune joie.
Alain
ne dit pas dans l'exemple de « la bonne à tout faire >> qu'il y aurait des tâches plus nobles
que d'autres (la cuisine plutôt que le cirage), mais que la discontinuité des missions,
imposée par la hiérarchie, menace le sens même du travail.
Pourtant, à l'inverse, ne peut-on
craindre une discordance trop prononcée entre la continuité du travail et la nature toujours
changeante de la vie et de son rythme ? Ne s'expose- t-on pas à lier le travailleur à sa
mission et à le rendre incapable de s'ouvrir à la diversité du monde ? Ne l'assimile-t-on pas
ainsi à la machine aveugle qu'il est censé dominer? Ne réduit-on pas sa pensée à la seule
étendue de sa tâche en lui ôtant le recul nécessaire pour en évaluer le sens et l'utilité ?
PROBLÉMATIQUE : Le sens et le plaisir du travail sont-ils ruinés quand des injonctions
extérieures introduisent de la discontinuité dans nos tâches?
1.
CERTES, LE PIRE TRAVAIL SEMBLE >
1.
La discontinuité abîme le plaisir du travail
Pour Simone Weil, l'interruption soudaine de l'activité réclamée par un supérieur
s'accompagne d'un sentiment d'humiliation : « Voilà le contremaître.
Qu'est-ce qu'il va me
dire? "Arrêtez." J'arrête.
[...] J'attends un ordre.
Au lieu d'un ordre, il vient une sèche
réprimande [...].
"Dès qu'on vous dit d'arrêter, il faut être debout pour aller sur une autre
machine.
On ne dort pas, ici"» (p.
155).
L'infantilisation du dis- cours est de nature à tuer le
goût du travail.
On retrouve ce même dégoût chez Virgile, qui conte les malheurs d'Aristée :
après la destruction de
ses ruches pour lesquelles il prodiguait tant d'amour et de soin, le berger se désespère et
supplie sa mère de détruire le peu qui lui reste, car il n'a plus envie de travailler: «Va,
continue, et, de propre main, arrache mes fertiles vergers, porte dans mes étables un feu
ennemi, et détruis mes moissons» (IV, p.
164).
Au niveau de l'entreprise, chez Michel
Vinaver, les changements soudains d'attribution des postes peuvent avoir un effet
également dévastateur: ils ruinent la confiance, les relations professionnelles et le plaisir
d'être occupé à sa fonction.
Mme Bachevski en est la victime, et sa collègue en profite: «
N'oubliez pas que j'ai occupe vos pantoufles il y a quelques années je connais la clientèle/
MME ALVA REZ.
Si monsieur Fernand vous a déplacée pour me mettre à votre place il avait
de bonnes raisons ah mais lâchez-moi » (p.
93).
2.
La discontinuité ôte le sens du travail par son caractère aléatoire Chez Virgile, ce sont les
animaux nuisibles, les parasites, les forces
naturelles qui ruinent parfois le travail des paysans : « Et cependant, en dépit de tout ce mal
que les hommes et les boeufs se sont donné pour retourner la terre, ils ont encore à
craindre l'oie vorace, les grues du Strymon, l'endive aux fibres amères et les méfaits de
l'ombre » (I, p.
45).
Le sens du travail disparaît dans cette interruption imprévisible des
efforts, ce que M.
Onde, dans la pièce de Michel Vinaver, illustre par l'aléatoire des combats
que mène le dieu Odin : « Odin marche avec son armée contre les Vanes mais ceux-ci
résistent et défendent leur pays tantôt un camp tantôt l'autre semble emporter la victoire
chacun dévaste les terres de l'autre et ils se font des dommages cruels» (p.
34).
Aucun
effort, aussi déterminé soit-il, ne garantit le succès d'une entreprise.
Pour Simone Weil, cela
se ressent très durement sur la chaîne de montage, chaque fois qu'un contremaître
intervient pour perturber la concentra- tion de l'ouvrier: «Mais le pire attentat, celui qui
mériterait peut-être d'être assimilé au crime contre l'Esprit, qui est sans pardon, s'il n'était
probablement commis par des inconscients, c'est l'attentat contre l'atten- tion des travailleurs
» (p.
279).
Le geste arrêté brusquement par la voix d'un sous-chef symbolise la perte de
sens de toute activité.
3.
En anéantissant la ces interruptions ruinent les effets du travail
Virgile montre que la nature est la partenaire du paysan autant que son adversaire, car elle
peut s'opposer quotidiennement aux efforts accomplis dans les champs : « Si avec le hoyau
tu ne fais pas une guerre assidue aux mauvaises herbes, [...] tu en seras réduit à
contempler le gros tas d'autrui et à secouer, pour soulager ta peine, le chêne dans les forêts
(1, p.
47).
Autrement dit, ces mauvaises herbes peuvent le décourager au point de le réduire
à se nourrir de glands.
Mais ce qui vaut pour le petit travailleur des champs vaut aussi pour
les patrons.
Victor Bernard perçoit les avertissements de Simone Weil sur les condi tions du
travail en usine comme une menace pesant sur sa mission de directeur, et pour cela il
refuse de la croire - c'est du moins ainsi qu'elle
'est l'impossibilité où seriez de me croire sans perdre du même coup presque tout stimulant
pour le l'interprète! travail (p.
97).
Dans Par-dessus bord, les ajustements incessants auxquels doit se soumettre Lubin pour convaincre les commerçants de se fournir avec la
marchandise Dehaze le rendent de moins en moins effi- cace.
A la fin de la pièce, son
discours face à Mme Lépine se détourne de sa mission et se concentre sur le mariage de sa
fille : Dans un petit mois j'espère que mon épouse sera sortie de clinique maintenant qu'elle
va savoir que la petite est casée» (p.
215).
TRANSITION: Cependant, quoique ces interruptions gâtent tous les aspects du travail, il est
possible d'en tirer des leçons.
II.
NÉANMOINS, CES PERTURBATIONS DU TRAVAIL PEUVENT ÊTRE RICHES
D'ENSEIGNEMENTS
1.
Ces perturbations nous obligent à renouer avec l'aléatoire de l'existence
C'est faute de savoir en tirer cette leçon que les patrons se sentent menacés par le Front
populaire et le mouvement ouvrier, lesquels intro- duisent....
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