Aliscans - Le héros épique
Publié le 15/04/2012
Extrait du document
Le héros épique est le héros de l’épopée, or celle-ci chante les épreuves des héros plus que leur triomphe. Sa grandeur se révèle dans les périls des combats et la rencontre avec la mort. Néanmoins, l’idéal chevaleresque peut n’être que plus ou moins respecté ou même violé par les héros de chanson de Geste. A D. Boutet de dire : « Le héros épique peut-il ou doit-il se conformer avec le modèle du chevalier idéal ? Ou bien doit-il le transcender pour avoir cette force d’appel qui le caractérise ? «. Ces questions sont particulièrement pertinentes si l’on considère la chanson de Geste, Aliscans. On y chante les prouesses de trois héros charismatiques, Vivien, Guillaume et Rainouart qui occupent le poème respectivement dans cet ordre. Or, dans Aliscans la défaite apparait comme le détour nécessaire qui conduit à la gloire. Il n’est pas de héros épique sans victoire et sans échec. Les héros de la Geste connaissent l’humiliation, le découragement et le doute. Ainsi l’une des questions dans Aliscans pose à la conception du héros épique et à ce qui le définit, ainsi qu’au moyen qui lui permettent, au moment de la défaite, d’être reconnu comme tel.
«
soupçon.
Le doute de ce jeune guerrier va affecter les héros les plus inébranlables et altérer
leur image.
2.
Une identité floue
Si Vivien s’interrogeait sur sa propre conduite, c’est dans le regard des autres que le
jeune chevalier va trouver la confirmation de son inquiétude.
Alors que les sarrasins
triomphent l’abnégation de Vivien ou la prouesse de Guillaume ne suffisent plus à les
justifier.
Le doute s’installe dans l’esprit du comte autant que dans celui des autres
personnages.
Comme s’il cessait d’être lui-même.
Pendant sa fuite, alors qu’il s’empare des
armes et du cheval magnifique d’Aérofle et qu’il parvient devant sa cité Orange sous
l’apparence d’un sarrasin, le portier ne veut pas le reconnaitre : « Quant li portiers l’a oï si
coitier, / Sor la tornele s’est alé apoier.
/ Ne connut mie del marchis au vis fier » vv 1980-82,
la présence de l’adjectif « fier » rappelle justement ce que n’est plus le comte.
Le motif du
portier récalcitrant est utilisé pour mettre en évidence cette étrangeté nouvelle du héros qui
justifiera la défiance de Guibourc : « Or puis je bien provers / Que tu n’iés mie dan
Guillelmes le ber, / La Fiere Brace qu’en soloit tant loer.
» vv 2094-96.
L’appellation « Fiere
Brace » d’ordinaire rattachée à Guillaume est ici la preuve qu’il a perdu quelque chose.
Guibourc rappelle aussi l’importance de sa renommée dans les chansons de Geste, « loer »,
réputation importante pour le comte.
Ce déguisement suscite encore l’hostilité du seigneur
d’Orléans.
Mais ce n’est pas seulement son apparence qui est devenue méconnaissable,
elle affecte le comportement et peut-être même la nature du héros.
Guillaume semble hésiter
à révéler son identité, il attend que le portier évoque le premier le nom de son seigneur
absent.
La ruse du déguisement ne devrait être que transitoire et déboucher sur
l’orgueilleuse proclamation du nom du héros.
Cependant, son efficacité militaire se révèle
sans faille, mais il ne se résout à l’affrontement que lorsque le compromis n’est pas
possible, est-il encore le Guillaume de la Geste ? C’est pourquoi Guibourc le pousse à se
battre avant d’entrer dans la ville et de libérer les prisonniers chrétiens afin que Guillaume
renoue avec son identité passée de champion.
Mais en vain, voyant auprès d’elle son mari
pleurer, elle va seulement pouvoir constater la transformation pressentie et redoutée.
Le
voyage à Lans, la solitude et les humiliations portent à un point extrême l’abaissement d’un
héros que l’on ne reconnait plus comme tel.
3.
Le chevalier déchu.
Peut être que c’est ce qui permet son étrange rapprochement avec Rainouart.
En effet les
avanies imposées au géant ne constituent pas seulement un effet comique, elles font échos
aux affronts que guillaume a connu.
Elles reprennent dans une tonalité différente le thème
de la déchéance du héros.
Rainouart, sous son apparence de garçon de cuisine est comme
Vivien ou Guillaume, un être supérieur qui s’est heurté jusque là à un destin contraire.
Il
éprouve par ailleurs le pénible sentiment de ne pas être reconnu pour ce qu’il est réellement,
ce qui est le cas pour le roi Louis : « De haut parage est, jel sai de versté.
» v 3692.
C’est un
personnage complexe et contrasté dont le texte accentue les contradictions.
Lui aussi
éprouve une véritable répugnance à révéler son identité.
C’est pourquoi il refuse de répondre
sur ce point aux questions de Louis et de Guibourc : « Amis, dont estes ? Nel me devez
naier, / -Dame, dist-il, nel vos voil acointier / Jusqu'à cele hore que j’ere el repairier » vv
4720-22.
Il ne se résoudra à dévoiler son identité que lorsque, sur le champ-de-bataille, il
aura par les armes conquis sa dignité.
Son apparence comme celle de guillaume est
changeante, il est tantôt décrit avec un « regart de sengler », le crane rasé et le regard
noirci, les moustaches brulées.
Il dort auprès du feu d’un lourd sommeil d’ivrogne.
Parfois au
contraire le poète décrit sa beauté juvénile, remarquée par Aélis et Guibourc.
La dualité des
apparences a la même signification que l’incertitude sur l’identité.
L’héroïsme de Rainouart
est loin d’être prouvé lorsque nous le découvrons dans la chanson.
Seule sa force
surhumaine semble le distinguer de la masse : « En tote France n’ot si grant bacheler, / Ne
si fort home por un grant fes levers, / Ne mielz seüst une pierre giter.
» vv 3568-71..
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