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Analyse de la lettre 40 (Mme de Sévigné, Lettres de l'année 1671)

Publié le 28/10/2022

Extrait du document

« LETTRE 40 Dans la préface des Lettres de l'année 1671 de Mme de Sévigné, Nathalie Freidel écrit concernant l'art de la lettre.

Celle-ci présente "un système de convention hérité de l'Antiquité". Freidel rajoute cependant qu’ "il semble que l'appropriation par Mme de Sévigné des usages, des rituels et des codes a pour effet de renforcer la singularité de son écriture ».

Ainsi Mme de Sévigné, tout en respectant les conventions écrit pour plaire à l'autre ( à sa fille comme à un public plus large) à travers un style qui lui est propre (son "moi").

Le texte étudié ici est un extrait de la lettre 40 (page 166 - 168) à Mme de Grignan.

Cette lettre est en réalité une "relation", il s'agit alors d'un discours rapporté par Moreuil et non pas un événement vécu par l'épistolière.

Elle se contente de raconter, de rendre manuscrit ce qui lui a été dit.

Le registre de la lettre et de l'histoire raconter est tragique et sa progression est semblable à celle du schéma tragique traditionnel de l'Antiquité.

Ainsi il s'agit de démontrer comment Mme de Sévigné parvient-elle à déployer à la fois son art de la tragédie en suivant le schéma traditionnel et son « moi » à travers un style qui lui est propre et la présence d’une narratrice impliquée dans cette lettre (deux choses en mouvement sur quelque chose de fix). Mme de Sévigné commence par présenter sa lettre et ce dont va parler celle-ci.

Ensuite, l ‘épistolière utilise les éléments attendus de la tragédie ( exposition, élément déclencheur, climax, dénouement) tout en glissant de petits commentaires et en exagérant le récit.

Enfin elle y dépose sa marque avec une chute et des commentaires dévoilant son propre style. 1- La présentation de la lettre et l’introduction du discours : Mme de Sévigné présente de quoi va parler la lettre (L1-6)  Comme dans toutes ses lettres, Mme de Sévigné commence par écrire sur l'état de la lettre comme dans une forme de mise en abyme.

Elle expose donc déjà la forme de la lettre : L2-3 " ce n'est pas une lettre, c'est une relation que vient de me faire Moreuil" = l'épanorthose révèle ici son "art de badinage".

Elle raconte à sa fille pour lui plaire (mais pour plaire à un plus large public aussi, c’est-à-dire nous) ainsi que pour faire acte de littérature.  Elle continue à présenter sa lettre comme étant la suite qui complète une lettre reçue par Mme de Grigan vendredi = L5-6 " je vous écrivis vendredi qu'il s'était poignardé ; voici l'affaire en détail".

L'opposition entre le passé simple coupé du présent et le présentatif "voici" qui présente quelque chose dans le présent permet de comprendre le lien entre les deux lettres qui se complètent. C'est aussi une façon de respecter les conventions de la lettre qui, pour Mme de Sévigné, consistent à donner des détails et à ne pas les sélectionner comme dans un roman. TR = Ainsi, l’épistolière prévient sa fille et le lecteur du discours qu’elle compte présenter dans cette lettre.

Elle nous dit ce dont elle va parler.

Elle annonce donc le récit qui sera détaillé. Cependant, meme si c’est une histoire qui est rapportée, c’est bien Mme de Sévigné qui va l’écrire : elle possède donc la liberté de structurer le récit comme elle le souhaite.

Elle décide alors de faire une petite tragédie. 2 – Schéma narratif : lune petite tragédie teintée par les commentaires de Mme de Sévigné en tant que narratrice impliquée (L7-28)  La scène d’exposition commence par une description du cadre spatio-temporel : "le roi arriva jeudi au soir" (L7) le sujet ainsi que le complément circonstanciel de temps montre que Mme de Sévigné expose les conditions nécessaires pour créer une histoire tragique : le lieu, le temps, le personnage.

Elle met en ordre le discours de Moreuil à sa façon pour créer une petite tragédie.  L7-9 : « La chasse, les lanternes (…) un lieu tapissé de jonquilles ».

Ici l’énumération sert à décrire la scène.

Elle est décrite de manière poétique, cela crée un lieu idyllique renforcé par un commentaire de l’épistolière à la ligne 9-10 « tout cela fut à souhait ».

Le discours indirect libre montre que Mme de Sévigné en rajoute dans cette scène d’exposition afin de la peindre comme parfaite.

Elle dessine donc un endroit pour y raconter l’histoire.  La phrase simple et courte « on soupa.

» (L10) accompagnée su passé simple fait accélérer l’intrigue afin d’arriver plus rapidement à l’action .

De plus le pronom impersonnel « on » fait inclure Mme de Sévigné dans le récit alors même qu’elle n’y étais point.

Elle se donne donc une sorte d’autorité du narrateur et invite à la confiance.

Ainsi après avoir peint le cadre dans une scène d’exposition, elle avance vers l’élément déclencheur.  La phrase principale accompagnée de sa subordonnée de cause (L10-12) « Il y eut quelques tables ou le rôti manqua , à cause de plusieurs dîners ou l’on de s’était point attendu » introduit l’élément déclencheur de cette tragédie.

Cette lettre devient donc une petite tragédie en prose.

On comprend d’ailleurs que cet élément va être la cause de l’action puisque la phrase simple et courte qui suit à la ligne 13 « Cela saisit Vatel.

» fait clairement comprendre que Vatel (le personnage principal de l’histoire, le héros tragique) est gêné par cela.  Le discours directe (L13-14) « Je suis perdu d’honneur ; voici un affront que je ne supporterai pas.

» fait entrer le héros tragique dans la scène.

Le champ lexical du combat héroïque (« honneur », « affront ») montre un « moi » antique et guerrier qui met l’honneur au dessus de tout. Le futur indique notamment un avenir fatal et tragique pour Vatel.

Il ne peut supporter le fait que les choses ne soit pas parfaites pour ce repas car il se définit avant tout par le regard des autres, c’est une honte pour lui.

Cependant, on peut y voir du ridicule qui peut-être est une marque de l’épistolière qui dramatise tout cela afin de divertir sa fille avec une petite tragédie.  Le discours directe (L14-16) « La tête me tourne, il y a douze nuits que je n’ai dormi.

Aidezmoi à donner des ordres » présente un vocabulaire de la maladie : la tête qui tourne ainsi que le manque de sommeil.

Il perd même sa capacité à faire son travail de chef cuisinier.

C’est un héros touché par la fatalité, il ne peut rien faire face à cette affront.

Cela renforce le ridicule.

Le héros tragique commence peu à peu à succomber.  Le verbe au passé simple « soulagea » (L16-17) montre ici Gourville comme le «confident » du héros tragique dont il tente de faire atténuer les passions.

Mme de Sévigné respecte donc bien les conventions de la tragédie.  L’épanorthose (L17-19) « non pas à la table du roi, mais aux vingt-cinquièmes , lui revenait toujours à la tête » est encore un commentaire de l’épistolière qui met l’emphase sur la deuxième partie de la phrase.

Vatel s’inquiète de ses honneurs alors qu’il ne s’agit même pas du roi mais de simples personnes pas entièrement nobles.

De plus l’adverbe « toujours » indique la constance de la « maladie » de Vatel.

Dans le récit tout monte en lui, c’est une fièvre qui ne peut calmer.  Le discours direct de Monsieur Le Prince ainsi que la comparaison ( L21 -22) « Vatel, tout va bien ; rien n’était si beau que le souper du roi » permet de donner un point de vue extérieure et donc de savoir que c’est Vatel qui panique pour quelque chose qui n’en vaut pas la peine.

Il y a donc une teinte de ridicule qui montre une marque de la présence de la narratrice.  Cette fois-ci l’épistolière intègre dans l’intrigue un dialogue entre Monsieur le Prince et Vatel rendant le récit réaliste (L23-26) « Monseigneur, votre bonté m’achève ».

Vatel utilise encore un vocabulaire guerrier qui annonce une fin tragique .

Il voit donc cette bonté comme un coup mortel car il considère ses paroles comme fausses : « ne vous fâchez point : tout va bien » .L’utilisation de l’impératif par Monsieur le Prince montre une tentative de rassurer Vatel mais ce dernier reste entêté.  La phrase simple (L 26) « La nuit vient » met en place une nouvelle scène, un nouveau décor pour le suicide de Vatel.

Le lecteur sait que les pires choses arrive la nuit.

C’est le coté obscure de toutes les choses.

L’épistolière fait donc monter les attentes par cette phrase.

Elle crée du suspense.  La négation (L6 -7) « Le feu d’artifice ne réussit pas ; il fut couvert d’un nuage » montre une accumulation d’éléments perturbateurs qui font monter la tension tout comme la fièvre monte en Vatel face à ces imperfections.

La gravité de cet évènement est prouvée par des chiffres (L26- 28) « seize mille francs ».

C’est donc le l’argent et de l’honneur perdus.  La description spatio-temporelle (L28-29) « Quatre heures du matin », « il trouve tout endormi » permet de créer un cadre parfait pour le suicide.

Personne ne sera là pour l’en empêcher. Mme de Sévigné crée donc plusieurs scènes : celle du début, idyllique, lumineuse, joyeuse puis une autre qui s’oppose à celle-ci car elle est plus sombre et silencieuse.  L’adverbe utilisé (L30 – 31) « seulement deux charges de marées » introduit un nouvel élément perturbateur car il manque du poisson.

Rien n’est parfait, rien ne se passe comme Vatel le souhaitait.

Cette idée est renforcée par les stichomythies (31-32) « est-ce là tout ? » , « oui, monsieur ».

La négation «(L34-35) « les autres pourvoyeurs ne viennent point » montre encore ce vide.

C’est donc le climax..... »

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