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Analyse des thèmes du livre "Des Nuits" de Sylvie Germain

Publié le 09/09/2018

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Le merveilleux

 

Nous n'aurons pas de mal à montrer à quel point ce roman s'inscrit dans une réalité quotidienne, triviale, violente mais à la fois merveilleuse. Le merveilleux ne doit pas être pris au sens courant de beauté extraordinaire mais à son sens étymologique de féerique, irrationnel.

 

On peut refuser, à la lecture, d'entrer dans un monde où le héros, massif et rude, laisse une ombre blonde sur la terre après son passage, où les femmes peuvent rester en gestation en attendant le retour du mari où accoucher d'une nuée de sauterelles...

 

Mais les personnages du Livre des Nuits, ne sont pas nos contemporains. Ils sont enfouis dans un pays noir, humide, dans des forêts où surgissent des loups, en un temps archaïque.

 

Cependant, ni l'époque ni le lieu ne suffirait à rendre compte de cette lignée, d'un homme et de sa descendance. Ces êtres sont agis par leur instinct, leurs passions, leur sang et leur cœur. On pourrait parler d'êtres élémentaires, reliés aux éléments. On ne peut s'attendre, après avoir lu le prologue, à entrer dans un univers réaliste, bucolique ou champêtre. Malgré le cadre, nous ne sommes pas chez George Sand. Les personnages eux-mêmes sont féeriques, bibliques (cf. l'amour)

 

Nous pouvons rattacher ce merveilleux à plusieurs sources les légendes d'abord. (nous ne ferons pas le relevé exhaustif des éléments merveilleux de ce roman) Le premier est ce que nous appellerons « la fontaine de lait ». La mère originelle, Vitalie, après avoir mis son enfant au monde, ne perdra jamais son lait. Fontaine qui abreuve, lave, intarissable bonté maternelle. (Cf. Marguerite Yourcenar dans ses Nouvelles orientales)

 

Rappel du conte de Perrault, Peau d'âne, on voit le premier des pères, Théodore-Faustin, épouser sa fille. Autre marque, la rencontre de l'homme et du loup dans la forêt rappelle à la fois la légende dorée de François d'Assise et la noire réputation du loup-garou. (p.77)

 

Le merveilleux chrétien se manifeste plus nettement avec le cas de Violette-Honorine dont la tempe saigne à l'annonce d'un malheur (p.270). Ce signe est fréquent dans l'hagiographie chrétienne. Au carmel, désormais la jeune fille est considérée comme une sainte inspirée par Dieu qui lui a donné le don de voir le malheur comme sa mère Blanche, qui s’est laissé mourir.

 

Le merveilleux participe de la vie quotidienne à travers les rêves (p.234) et les coïncidences : Le père ressent une douleur très vive au même moment où son fils est tué à la guerre (p.167) Ses yeux perdent alors une tache d'or de son œil (il y en avait 17, une par enfant). On le voit, ce merveilleux est d'une extrême poésie.

 

La fin des deux frères Michaël et Gabriel, engagés dans les troupes nazies est une vraie féerie : le thème du cygne, oiseau des légendes germaniques, décrit l'effroyable migration des deux frères, tandis que s'élève, à la minute de leur mort, la voix de cristal de leur frère au nom d'archange, Raphaël.

 

La folien'est pas absente de cet univers, vraie folie qui frappe Margot, la Maumariée, léthargie des femmes se laissant mourir Blanche, Sang Bleu...

 

Aussi sommes-nous désorientés -dans mon cas- par le voyage à Paris du grand-père avec son petit-fils, Benoît-Quentin : rien depuis la nuit des temps de la famille Pléniel ne nous avait laissé percevoir le goût de Victor-Flandrin pour les musées, la beauté des monuments, en somme pour la culture du monde extérieur. Il faut l'imaginer habillé en citadin, prenant le métro, allant au restaurant...Sa relation avec Ruth peut surprendre. Sa venue à la Ferme Haute fera entrer le monde moderne : la radio, la photo.

 

Le roman se termine avec la disparition de Ruth, dans les années 45, l'enfant dernier né de la lignée naît au moment où meurt Victor-Flandrin Péniel.

 

Cette ultime coïncidence merveilleuse, riche de symboles très forts, comme la source qui surgit à ce moment-là, ferme une saga pour en ouvrir une autre car « le dernier mot n'existe pas » comme l'écrit Sylvie Germain mais pourtant, ce sera le mien.

« cendre et néant » Le jeu sur les noms conduit à annoncer la nouvelle guerre, plus effroyable encore : « Sang-cendre, sang- nuit-et-brouillard... Sang-Dieu, sans Dieu Dieu-cendres Cendres et poussières.

» Tout est dit dans ce glissement sémantique. Le sangLe sang est un élément vraiment polysémique dans ce texte.

Il est d'abord sang qui coule de la blessure ouverte et entraîne la mort.

Sang de Mélanie, frappée par le pied du cheval; (p.108) sang de la femme en train de mettre au monde (p.52) C'est encore une histoire de sang versé qui a déclenché la guerre.

Terre abreuvée du sang des jeunes hommes. Mais le sang est aussi force vitale, énergie.

Il est l'élément vital double : vie tant qu'il reste à l'intérieur du corps, et mort, dès qu'il s'en échappe.

Une scène de chasse au sanglier (p.

199) illustre bien ce double symbole. Le sang qui coule a aussi une valeur mystique, rappelant la double valeur de la mort christique. Liée au sang, au cri et à la mort, la violence la forme la pâte même de cette histoire. La violence La violence est originelle chez les hommes de cette saga : le premier Péniel, Théodore -Faustin, revient mutilé de la guerre, le visage tranché en deux par un coup de sabre.

Totalement désespéré, sauvage.

La violence ne le quittera plus (p.

54) La peur de voir son fils un jour partir à une nouvelle guerre le conduit à protéger l'enfant par « une terrible œuvre de sauvegarde » (p.55).

Violence de l'amour, solution extrême. Tous les actes de la vie sont empreints d'une sorte de sauvagerie primaire, originelle : Victor -Flandrin, est le frère du loup qui se soumet à lui, mais quand il trouve sa femme Mélanie mourante du coup de pied de l'étalon, il tourne sa douleur et sa colère vers l'animal avec une violence déchaînée (p.116). Mais l'horreur de la guerre est bien plus violente encore.

Les scènes de La nuit des cendres sont d'une violence extrême : les nazis en déroute saccagent la ferme, brûlent les enfants au lance -flammes.

Cette scène, comme celles des représailles au lavoir du village (p.303) reproduit ce que l'histoire a consigné depuis longtemps dans les livres.

On ne peut pas imputer à l'auteur le goût macabre de ces épisodes.

En revanche, elle évoque les camps de concentration en quelques lignes (p.310) avec pudeur, peut-être.

Dans son agonie, Nuit d'Or voit passer les images des déportés (p.

322) Peut-on reprocher à l'auteur d'avoir donné aux personnages une violence fondamentale? On remarque. »

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