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Analyse linéaire - Sido ou Les Vrilles de la vigne

Publié le 11/04/2023

Extrait du document

« Intro Sido ou Les Vrilles de la vigne est une oeuvre hybride, composite.

Son titre l’affirme.

Sido écrit en 1930 chante la figure maternelle disparue.

Certes.

Mais Les Vrilles de la vigne , écrit en 1908? Elles célèbrent peut être la naissance d’une écriture.

C’est à dire d’un style.

Et d’une signature.

Celle de Colette.

Celui de l’écrivaine se défaisant des contraintes des Claudine.

et de la signature de Willy.

Célébration d’une libération donc, dont le premier texte « Les Vrilles de la vigne » feront l’apologue complexe.

Dans ces feuillets de textes brefs, oscillant entre prose poétique et poèmes en prose, «Nuits blanches » célèbre des amours féminines.

Thème poétique, lyrique ancien, depuis Sappho, et moderne depuis Baudelaire. Originel et pourtant d’une tonalité nouvelle, car renouvelé dans une voix féminine. « La grandeur de Madame Colette vient de ce qu'une inaptitude à départir le bien du mal la situait dans un état d’innocence » disait Jean Cocteau.

Le lit, dans cette page, est lieu où se joue le travail de l’écriture qui mêle les signes du « pur et de l’impur » pour reprendre le titre d’une de ses oeuvres.

Nous allons voir comment Colette a l’impudence d’énoncer l’impudeur innocente (Pb variante) voir comme Colette célèbre les amours féminines. Mvts: l1à 7 , II 8 à 16, III dernière phrase. I « Un secret accessible » (cf LL2) Le texte s’ouvre pour construire un regard.

Il concentre et fixe l’attention sur un objet moins référentiel (l’objet réel) que symbolique.

Car ce lit est « contradictoire » (« trop large, pour toi »/trop étroit pour nous deux »).

Antithétique, il doit être interprété.

Autrement dit il « émet des signes », et l’on demande au lecteur de bien « le voir », de bien regarder (« ceux qui viennent pour nous voir »/ « ne détourne pas les yeux »: ils n’y voient « rien »).

Lit frontalement offert au regard, il se dérobe à l’interprétation (au sens).

Ce lit n’est qu’un lit métonymique (métonymie « du lieu pour ce que l’on y fait »: dormir, naître, mourir, aimer…).

Or, la première phrase, qui instaure la situation d’énonciation, ne peut se comprendre que par rapport à la dédicace, elle même qui voile et dévoile, indique et protège, son destinataire (« Pour M… »): lit des amours féminines de Colette et Missy.

C’est un discours adressé, de « je » à « tu » fusionnant en un « nous » (l.1: « pour toi/pour nous deux »), discours lyrique où l’éloge du lit est éloge des plaisirs de l’amour, dont le lecteur n’est, de fait, que le spectateur. Ce lit est « chaste, tout blanc, tout nu ».

Plus que la personnification, c’est ici le jeu sémantique, que le titre synthétise, qu’il faut commenter: les connotations du « blanc » vont organiser l’ensemble du texte autour des deux isotopies de ‘l’innocence’ et du ‘stérile’ (balle à blanc, mariage blanc, bac blanc, page blanche…nuit blanche, nuit sans obscurité, nuit oblitérée qui n’a pas rempli sa fonction de repos).

Le pur (sans tâche, vierge) le « chaste » (sans désirs charnels impurs).

Ce lit « nu » (dépouillé, sans ornement) est aussi (métonymiquement) le lit accueillant la nudité des corps (figure signalée par l’adverbe « tout »).

Sous le signe de la négativité (« aucune draperie ») il se donne au regard sans fauxsemblant, sans écran, comme un lit d’innocence (« honnête candeur= « blancheur morale »), celle « d’une jeune fille qui dort seule »: périphrase désignant la jeune vierge (stérile et innocente: trait constitutif du cliché des amours saphiques). Visible et invisible, le lit émet en effet des « signes » mais ces signes sont « en creux ». Sous nos yeux, nous devons comprendre que c’est l’absence de signe qui est une marque (« marqué, au milieu, d’un seul vallon moelleux ».

Le terme de « marque » d’ailleurs relève du lexique linguistique (une non-marque y est une marque: l’absence de -s marque la P1 ou P3 dans une conjugaison par exemple, l’absence de -s la marque du singulier pour un nom…). L’absence de marque est la marque d’une volupté redoublée (connotation des formes vallonnées et de « moelleux »), ce qu’explicitera le deuxième paragraphe: le creux du vallon sera d’autant plus creusé que « le poids de nos deux corps joints creuse…ce vallon pas plus large qu’une tombe ».

C’est ici l’intertexte baudelairien que l’on peut convoquer, qui conjugue jouissance -transgression-mort « Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères/ Des divans profonds comme des tombeaux ».

Métaphore de la jouissance le « linceul voluptueux » drap recouvrant , ensevelissant les corps sous le voile de la jouissance…Vie et Mort, Eros pulsion de vie et Thanatos pulsion de mort: l’érotisme conjugue ses contraires. Innocence et transgression, lit de débauche/ lit d’innocence: pur et impur. Nous (le lecteur) devons donc nous faire « complice » l.4 de la signification du texte (contrairement aux invités incapables de saisir les signes) : le texte est une invitation herméneutique (l’art et le savoir d’interpréter à partir du sens littéral, le sens spirituel), invitation à son interprétation symbolique: les amours lesbiens sont d’autant plus transgressifs et scandaleux qu’ils ne produisent pas de signes, le féminin est en creux, le signe du féminin est un invisible, un signe « moins », une absence de signe, la stérilité saphique le laisse vierge et sa jouissance est invisible.

« Regarde…! » Un secret offert au regard de ceux qui savent voir l’invisible (la littérature).[ou picturale: songez à L’origine du monde de Courbet !] II Le lit, foyer ardent du Désir Le troisième paragraphe, initié par l’invocation lyrique au lit (interjection-exclamation lyrique Ô!) se construit tout entier autour de la métaphore du lit comme « Astre » (« Astre sans aube et sans déclin » l.10).

Assez étonnante au demeurant.

Il s’agit cette fois de thématiser (autre trait récurrent du thème culturel des amours saphiques), outre l’attraction (la force de la gravité astrale) du désir, le caractère inépuisable des plaisirs lesbiens qui s’épuisent sans fin dans un désir sans cesse renouvelé.

« Sans aube » et « sans déclin », sans « crépuscule » du matin ou du soir, ces plaisirs ne répondent pas au rythme de la montée du désir et son assouvissement, sous le signe du désir masculin.

Lit « foyer » (il « ne cesse de flamboyer »), dont la négation exceptive (ne…que) signale à nouveau son affinité avec la Mort (ou la « petite mort ») avec « la nuit profonde et veloutée ».

On notera l’attraction sémantique et phonétique de « velouté » avec « volupté » qui en est la paronomase*, implicite. Mais ce lit-désir est d’abord un lit qui se refuse aux savantes recherches de la lubricité.

Ce que développe la première métaphore-personnification de « la lampe éclatante, penchée sur lui ».

Amours, plaisirs, jouissances sont « sans ombre », sans recherche (« nous n’y cherchons pas »), sans le dégradé des divers nuances du raffinement libertin de la mise en scène des corps (« le gris d’araignée » de l’ombre, « la lumière… couleur de coquillage »= les irisations des nuance de la nacre) coordonnées par la syntaxe de la négation (ne…ni).

Le décor conventionnel, le cadre topique, le décorum associé culturellement aux troublantes amours féminines (cf Verlaine Les Amies ou Baudelaire, «Femmes damnées »), suggestif et voilé (les rideaux-l’opaline…) est ici à la fois convoqué ( « le dais de dentelle » avec ses connotations religieuses et symboliques) mais pour être mieux révoquer (on est proche de la prétérition*): « innocents », ces ébats amoureux se donnent en pleine lumière, et les corps dans leur pleine nudité… […Plus nu encore, à interpréter la métaphore de la dénudation par la lumière, qui dévêt, dépouille « plus loin que la nudité »: la lumière de la lampe éclatante,l.8 « le dévêt encore » (plus) comme dans un mouvement sans fin….Nudité au delà de.... »

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