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analyse linéaire Les caractères Giton et Phédon

Publié le 22/03/2024

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« TEXTE 5: Livre VI fragment 83 Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée.

Il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit.

Il déploie un ample mouchoir, et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut.

Il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie.

Il occupe à table et à la promenade plus de place qu’un autre.

Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche : tous se règlent sur lui.

Il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole : on ne l’interrompt pas, on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler ; on est de son avis, on croit les nouvelles qu’il débite.

S’il s’assied, vous le voyez s’enfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes l’une sur l’autre, froncer le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté et par audace.

Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps ; il se croit des talents et de l’esprit.

Il est riche. Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre ; il dort peu, et d’un sommeil fort léger ; il est abstrait, rêveur, et il a avec de l’esprit l’air d’un stupide : il oublie de dire ce qu’il sait, ou de parler d’événements qui lui sont connus ; et s’il le fait quelquefois, il s’en tire mal, il croit peser à ceux à qui il parle, il conte brièvement, mais froidement ; il ne se fait pas écouter, il ne fait point rire.

Il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent, il est de leur avis ; il court, il vole pour leur rendre de petits services.

Il est complaisant, flatteur, empressé ; il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur ; il est superstitieux, scrupuleux, timide.

Il marche doucement et légèrement, il semble craindre de fouler la terre ; il marche les yeux baissés, et il n’ose les lever sur ceux qui passent.

Il n’est jamais du nombre de ceux qui forment un cercle pour discourir ; il se met derrière celui qui parle, recueille furtivement ce qui se dit, et il se retire si on le regarde.

Il n’occupe point de lieu, il ne tient point de place ; il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux pour n’être point vu ; il se replie et se renferme dans son manteau ; il n’y a point de rues ni de galeries si embarrassées et si remplies de monde, où il ne trouve moyen de passer sans effort, et de se couler sans être aperçu.

Si on le prie de s’asseoir, il se met à peine sur le bord d’un siège ; il parle bas dans la conversation, et il articule mal ; libre néanmoins sur les affaires publiques, chagrin contre le siècle, médiocrement prévenu des ministres et du ministère.

Il n’ouvre la bouche que pour répondre ; il tousse, il se mouche sous son chapeau, il crache presque sur soi, et il attend qu’il soit seul pour éternuer, ou, si cela lui arrive, c’est à l’insu de la compagnie : il n’en coûte à personne ni salut ni compliment.

Il est pauvre. INTRODUCTION : Les Caractères (1688-1696) de Jean de La Bruyère dénonce les vices d’une société où l’argent et les apparences valent davantage que le mérite et la vertu. C’est un portrait pessimiste de l’humanité que dresse La Bruyère dans son œuvre même si le moraliste entend «être utile, et non blesser» (épigraphe). À travers ses « remarques » allant de la maxime philosophique au portrait mondain, il divertit le lecteur tout en lui adressant un miroir critique où méditer sur sa condition humaine et sociale. En cela, Les Caractères est une œuvre qui cherche à plaire et instruire et s’inscrit pleinement dans le classicisme.

(Voir la fiche de lecture des Caractères de La Bruyère) Dans le livre 6 intitulé « Des biens de Fortune », Jean de La Bruyère fait le tableau satirique des comportements des partisans de la Cour de Louis XIV en fonction de leurs moyens financiers. Nous analyserons ici la remarque 83 dans laquelle La Bruyère dresse deux tableaux antithétiques, l’un sur un riche homme, Phédon et l’autre sur un homme pauvre, Phédon. PROBLÉMATIQUE : Comment La Bruyère à travers ces deux portraits mis en miroir dénonce t-il une société fondée sur l L'argent ? MOUVEMENTS : 1 : homme riche et exubérant : de “giton a le teint frais” à “il est riche” 2 : homme pauvre, le double misérable de giton : de “phédon a les yeux creux” a “il est pauvre” Plan (mouvements) MOUVEMENT 1 : Giton, homme riche et exubérant ● “Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l'œil fixe et assuré, les épaules larges, l'estomac haut, la démarche ferme et délibérée.” =parataxe + adj mélioratifs > Giton est en pleine santé → assurance qui se manifeste dans la solidité de la posture.

parataxe souligne sa vigueur ● “il crache fort loin, et il éternue fort haut.” =répétition de l’adverbe intensif « fort » > Grossièreté de cet homme qui répand aussi largement ses paroles que sa salive.

Il domine l’espace social sans respecter la bienséance si importante L’argent confèrerait donc aux individus une sorte de passe-droit (=privilège) permettant de ne pas respecter les règles de la bonne société. La Bruyère, en moraliste, dénonce ainsi la corruption d’une société.... »

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