Devoir de Philosophie

ANDROMAQUE ANALYSE DE L'OEUVRE (RACINE)

Publié le 06/06/2011

Extrait du document

andromaque

1. - LES INFLUENCES GÉNÉRALES. Andromaque n'était pas une pièce entièrement nouvelle. Dans la Thébaïde, Racine avait tenté de plaire en imitant Corneille, du Ryer et quelques autres. Dans Alexandre, il avait voulu réussir en écrivant une pièce aussi « galante « que celles de Quinault. En écrivant Andromaque il renonce tout à fait à Corneille, à la tragédie « grande «, aux catastrophes politiques, aux héros superbes et imperturbables ; la mode et la vie se détournent décidément de ce théâtre majestueux et sonore. Mais il ne renonce pas entièrement à Quinault ou du moins aux goûts littéraires qui ont fait le succès de Quinault et de quelques autres. Sans doute il corrige Quinault, il s'applique à ne plus être précieux. Il veut que Pyrrhus soit brutal et non pas langoureux : « Pyrrhus, dit-il dans sa Préface, n'avait pas lu nos romans. Il était violent de son naturel. Et tous les héros ne sont pas faits pour être des Céladons «. C'est qu'en 1667 on ne se faisait plus de la galanterie la même idée qu'à l'époque de Céladon ou même aux beaux jours des triomphes de Quinault. L'âge d'or de la préciosité, ce n'est pas 1660 mais 1640. Quand Molière écrit les Précieuses ridicules ce n'est pas par obligeance ou par prudence qu'il se défend d'avoir raillé les sages précieuses qui fréquentaient les salons de Mlle de Scudéry ou de Mme de la Suze. Il y a déjà des différences très profondes entre la préciosité vraiment ridicule de certains romans de 1640 et celle des romans de Mlle de Scudéry. D'année en année, le mouvement de réaction se précipite. Vers 1667, le « langoureux « et le « fin du fin « ne sont plus que des modes provinciales ou de petits bourgeois et le Roman bourgeois de Furetière les réserve à M. Bedout, homme de loi avaricieux et inepte. En faisant de Pyrrhus un amoureux moins docile qu'un Céladon ou même qu'un Polexandre, un Odatirse ou un Artamène, Racine ne fait preuve ni de génie ni même d'audace : il suit la mode.

andromaque

« rencontrés parce qu'ils tournaient tous dans un cercle assez étroit.

De même Racine a fait, très probablement,quelques emprunts de détail à la Troade de Sénèque, aux Troyennes et à l'Oreste d'Euripide.

Les ressemblancessont assez précises.

Non seulement on ne dissimulait pas de pareils emprunts mais on s'en faisait, depuis longtemps,un mérite.

Tout cela est secondaire.

Racine a vu sa pièce, il a vu ses personnages et surtout Andromaque à traversles moeurs et les goûts de son temps, à travers Homère, Virgile et Euripide.

Par le secret de son génie, pièce etpersonnages sont devenus une pièce de Racine, des personnages de Racine.

Nous avons donné do ce secret, dansnotre Introduction, une explication générale.

Précisons à propos d'Andromaque ce qui peut être précisé, enrésumant ce que nous analysons en détail en tête de chacun des actes. III.

- LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA PIÈCE. 1° La pièce galante et la pièce de cour.Tout ce que nous venons de dire et toute la première partie de notre Introduction générale font aisémentcomprendre qu'il y a dans Andromaque des conventions, c'est-à-dire l'influence de goûts et de modes qui plaisaientau XVIIe siècle et qui, depuis, ont vieilli.

Nous nous sommes habitués à un sens (ou à une illusion) de la véritehistorique qui n'existait pas au XVIIe siècle ou même dont on ne voulait pas.

D'Aubignac démontre très précisémentdans sa Pratique du théâtre qu'en imitant les auteurs anciens il est nécessaire de tenir compte des goûts et desmoeurs de son temps ; et que, dans l'Horace de Corneille, par exemple, Valère devrait non pas se faire l'accusateurd'Horace mais le provoquer en duel.

Lorsque de Visé, en 1672, défendra Bajazet contre ceux qui l'accusent de n'êtrepas « assez turc », il affirmera qu'il vaut mieux « inventer des caractères d'honnêtes gens et de femmes tendres etgalantes que ceux des barbares qui ne conviennent pas au goût des dames de ce siècle ».

Malgré quelques disputesapparentes tout le monde exige que les barbares soient au goût des dames ; c'est-à-dire que, même s'ils seconduisent en barbares, il faut qu'ils aient les manières d'un « honnête homme ».

On a, depuis longtemps, et dès lespremières représentations, reproché à Pyrrhus de parler le langage des soupirants précieux : Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé,Brûlé de plus de feu que je n'en allumai... Ces pointes ne gâtent que quelques vers.

Mais c'est dans une bonne moitié de son rôle et dans tout son style quePyrrhus se souvient des égards qu'un souverain doit à une femme et à une reine, même vaincue, même prisonnière.Nous sommes évidemment non pas chez un roi barbare pour qui Andromaque n'était qu'une esclave, non pas mêmedans une cour du xviie siècle, car certaines étaient encore brutales, mais à la cour de Louis XIV.

Et cette politessede cour se retrouve dans les discussions de Pyrrhus et d'Oreste, comme la politesse des salons dans le rôled'Oreste.

La pièce, comme J.-J.

Rousseau s'en plaindra plus tard, en parlant de toute la tragédie classique, esttoujours un peu « en représentation », entendons du moins en représentation mondaine, entre gens qui ont prisl'habitude de discipliner sinon leurs passions, du moins leurs manières et leurs propos. 2° La vérité humaine.

Le génie de Racine.Ce génie est-il explicable ? II y a évidemment un miracle d' Andromaque, plus encore peut-être qu'un miracle du Cid.Ce miracle est non pas seulement que la pièce soit ce qu'elle est, mais qu'elle le soit après la Thébaïde, aprèsAlexandre.

Ce n'est pas par une lente évolution que Racine, après deux mauvaises pièces, a peu à peu découvertson génie.

C'est en deux ans, d'un seul coup, de 166 à 1667, que, tout en subissant les influences du temps, lesmêmes influences, il est, sorti de la convention pour entrer dans la vie, qu'au lieu d'une adresse ingénieuse il arévélé du, génie.

Nous avons donné l'explication générale de cette révélation — qui est moins une explication qu'uneconstatation — dans notre Introduction.

Racine cesse d'être un homme de lettres appliquant, pour mieux réussir,des recettes qu'il croit éprouvées ; il devient cette sorte de visionnaire qu'est l'écrivain de génie ; il vit de la vie deses personnages, comme ses personnages s'alimentent à la vie la plus profonde de celui qui les crée.

Quels dramesvécus par lui ou par d'autres, quels tourments, quelles exaltations ont ainsi chassé l'homme de lettres et révélél'homme de génie ? On en est réduit aux conjectures.

Mais il y eut assurément quelque chose.

Il est possible, il estprobable que Racine puisa une part de son inspiration dans la vie des autres et non pas seulement dans la sienne ;ce sont ses observations autant que ses expériences personnelles qui ont pu lui révéler la vie. M.

J.

É.

Morel a rappelé, par exemple, qu'Andromaque est dédiée à cette Henriette d'Angleterre, si fine, si vivante, siardente même qui restera, jusqu'à sa mort, la grande protectrice de Racine.

Elle était fille d'Henriette de France,reine d'Angleterre, veuve de Charles Ier, le roi décapité.

Si elle avait échappé à la captivité entre les mains desmeurtriers de son mari, elle avait été sans cesse torturée dans ses enfants que l'on retenait comme des sortesd'otages et qui n'étaient plus que les esclaves d'intrigues politiques.

Il est vraisemblable que Racine songea àHenriette de France en imaginant son Andromaque.

Mais cela ne suffit pas.

Seuls ont su peindre les passionsardentes ceux qui ont été des passionnés, ou déchaînés ou contenus.

Pour que Racine ait découvert cette véritéhumaine des passions il faut que quelque chose l'ait révélé à lui-même ou du moins ait balayé toute la fausselittérature qui l'empêchait d'être lui-même.

De ce quelque chose nous ne savons exactement rien, sinon comme l'amontré notre Introduction, qu'il était fait pour le chercher, pour le trouver et pour en être profondément ébranlé.30 De la galanterie à la passion.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles